Houris
de Kamel Daoud

critiqué par Bernard2, le 18 décembre 2024
(DAX - 75 ans)


La note:  étoiles
Prix Goncourt 2024
Aube, jeune Algérienne, est muette, ayant été égorgée lors de la guerre civile (1992-2002) et laissée pour morte. Elle "parle" intérieurement à sa Houri, fille dont elle est enceinte et dont elle compte avorter. Dans un pays à l'islam étouffant, Aube veut vivre en femme libre, ce qui bien sûr est quasiment impossible.
Roman allégorique, abstrait, à comprendre au second degré, avec beaucoup de recul. Assurément pas tout public, et c'est ce qui semble être devenu la règle d'attribution du Prix Goncourt.
Difficile à recommander, nécessite en tout cas d'être averti.
Au nom de toutes les victimes d'une guerre civile niée 10 étoiles

Aube , jeune algérienne de 26 ans a failli mourir le 31 décembre 1999 quand des islamistes sont arrivés dans la ferme de ses parents avec une soif de mort.
Tous les siens y sont restés, égorgés, sa grande sœur âgée de 8 ans est morte, elle aussi.
Aube a survécu avec une blessure à la gorge « un sourire », elle n'avait que trois ans.
Elle ne peut plus parler, aucune opération ne peut la rétablir complètement et aujourd'hui 21 ans après ce drame abominable, ce crime, elle cherche à savoir ce qui s'est passé. Enceinte, elle parle à sa petite fille qu'elle gardera peut être ou non.
Elle décide de revenir sur le lieu de ces abominables assassinats .
Au cours de son voyage, de sa quête de vérité, elle rencontre plusieurs personnes, hommes et femmes, victimes d'une guerre que le gouvernement nie avoir existée.
Ce livre écrit par un homme qui parle pour une femme son héroïne est un chef d'œuvre tant par son contenu que par son écriture.
Aube qui parle à son bébé à venir ou à ne pas venir, résume le devenir des femmes :
« Je t'évite de naître pour éviter de mourir à chaque instant. Car dans ce pays, on nous aime muettes et nues pour le plaisir des hommes en rut. »
C'est fort, c'est dur mais tellement véridique.
Là-bas, comme ailleurs et même ici en France, des femmes ne sont pas respectées et sont des objets.
Aujourd'hui, personne n'a le droit de parler en Algérie de cette période oubliée qui pendant près d'une décennie, de 1992 à 2000 a vu une guerre civile voyant s'affronter des hommes galvanisés par la haine à un gouvernement ne visant qu'à préserver son pouvoir.
Plus de 200 000 personnes ont perdu la vie et au moment de la grande réconciliation, les anciens bourreaux ont été « lavés » de leurs crimes et d'ailleurs ce n'étaient pas des assassins rebelles mais des « cuisiners » !? C'est ainsi qu'ils ont refait surface...quant aux femmes, celles qui ont survécu, elles ont souffert, pleurés leurs morts et leur vie continue dans des conditions peu enviables.

C'est un magnifique et terrible roman que le lecteur ne pourra pas oublier.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 77 ans - 23 février 2025