Une odeur de mantèque
de Mohammed Khaïr-Eddine

critiqué par Pucksimberg, le 20 octobre 2024
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un voyage onirique
Le roman s’ouvre sur un homme maudit parce qu’il a volé un miroir et tué le marchand. Depuis cet acte répréhensible, il crache crapauds et serpents. Il part à la recherche d’un sorcier, surnommé le Supervieux, qui pourra le sauver. Mais le personnage principal est protéiforme, change d’apparence dans la suite du roman. La narration se complexifie et le lecteur est plongé dans un labyrinthe narratif, entre réalité et fantastique, avec des personnages qui évoluent aussi et changent d’apparence comme dans un rêve. Le personnage initial semble avoir un moi éclaté et se métamorphoser quitte à désorienter le lecteur.

Je découvre Mohammed Khaïr-Eddine, cet auteur marocain, et son écriture m’a beaucoup plu. Elle ne s’adresse pas à un lecteur qui attend une narration simple, avec des personnages clairement catégorisés dans un lieu et une époque clairement définis. Le lecteur de ce roman part à l’aventure et se laisse porter par l’imagination de cet écrivain qui sans doute comptera parmi les meilleurs de ce pays. Il est question de voyages, mais lequel ? lesquels ? L’écrivain raconte-t-il un rêve et dans ce cas-là le voyage est mental ? Est-ce une plongée dans les Enfers dans la première partie du roman comme Dante l’avait déjà racontée avec poésie ? Est-ce une façon métaphorique de dépeindre l’exil et le moi d’un individu à l’époque de l’auteur ? Les choses ne sont pas simples et le lecteur devrait accepter ce fait dès le départ s’il ne souhaite pas s’ennuyer.

Il y a quelque chose de cauchemardesque dans ce roman qui peut aussi faire sourire parfois. Certaines scènes emprunteraient presque au grotesque comme lorsque ce personnage criminel semble se faire violer par Satan. La façon dont le scène est dépeinte est marquante, impressionnante et absurde à certains égards. C’est un texte fort et débordant d’imagination qui nous est donné à lire. Le personnage s’est aussi beaucoup déplacé, donc de nombreuses villes marocaines sont convoquées. Les confidences de ce / ces personnage (s) sont comme des visions qui disent beaucoup sur le personnage tout en le rendant insaisissable. On a parfois même l’impression qu’il est mort et qu’il contemple ce qu’a été sa vie.

Un roman stimulant, riche et fantaisiste, mais qui ne tombe pas dans la simplicité.