Vie et passion d'un gastronome chinois
de Lu Wenfu

critiqué par Kreen78, le 30 décembre 2004
(Limours - 46 ans)


La note:  étoiles
Découvrez l'univers de la gastronomie chinoise
Dans la ville de Suzhou, Gao Xiaoting reprend un restaurant réputé pour ses mets raffinés. Mais il a une révolution en tête : réadapter la nourriture et les plats du restaurant pour que celui-ci ne soit plus fréquenté par des gens de la haute-société, mais par des personnes nobles comme des paysans, des soldats, des ouvriers.

Cette histoire, c'est aussi celle de Zhu Ziye, bourgeois qui connaît bien l'art culinaire, et de Gao Xiaoting, moraliste épris de justice révolutionnaire, qui ne connaît rien à la gastronomie chinoise, pas plus qu'à la gestion d'un restaurant.

A ceci s'ajoute un fond politique de communisme chinois. Cette histoire raconte quarante ans de la vie de Gao Xiaoting.

Personnellement, après avoir lu la quatrième de couverture, "Ce roman se déguste une serviette autour du cou", je m'attendais à un descriptif de la vie d’un restaurant, que le narrateur allait nous parler de plats, d’entrées, de desserts, d’anecdotes croustillantes… J'ai été un peu déçue. L'économie et la politique prennent une certaine ampleur qui m'a un peu gâché mon plaisir. Il parle de gastronomie, oui, mais pas toujours comme je l'aurais souhaité.

Ce livre reste quand même un bon moment d'évasion.
les gestes d'avant 7 étoiles

Notre époque a remis en avant plusieurs interdits en les camouflant sous d'autres vocables recouverts d'une couche de bonnes intentions. Certains vont jusqu'à se plaindre d'une surabondance de liberté et réclamer plus de contraintes. Ceux qui devraient espérer de vivre "à grands rênes" ne rêvent que d'être fonctionnaires. On raille la culture, le raffinement considérés comme ringards, beaucoup sont même fiers d'être incultes. Et la grande majorité se soumet au pires conformismes qui soit : la dictature de l'apparence, du langage standardisé, des attitudes morales admises. Le tout détruit progressivement nos libertés dans l'illusion d'un confort qui compense cette perte.

Ce livre montre clairement, et à juste titre, que la culture ne se limite pas à l'amoncellement de références livresques, filmiques, artistiques ou intellectuelles en général, mais que cela englobe aussi la gastronomie, et l'appréciation du monde et des autres personnes en général. Le héros de ce livre, un cuisinier, continue des "gestes d'avant" la dictature, et les transmet. Ces gestes ne sont pas simplement des réflexes mécaniques, mais aussi des raffinements qui permettent de créer et qui reflètent la personnalité. Ils reflètent donc aussi l'épanouissement réel d'une personne hors de tout conditionnement extérieur. Ce ne sont pas non plus des traditions irrespirables, aliénantes, empêchant le progrès et les avancées, mais une possibilité de se libérer de pesanteurs post-modernes.

En ces temps d’hygiéniquement correct, beaucoup se sentiront au mieux coupables de gourmandise en lisant ce livre, au pire s'en moqueront et repartiront faire du rameur en salle de gym. C'est aussi une question que pose ce livre, le corps n'est pas une machine à exercer des performances, une mécanique sans âme, ou sans esprit, bien que l'on puisse se demander parfois si une grande majorité d'employés de grandes entreprises ou d'administrations n'est pas remplaçable par des robots. Il ne s'agit pas donc pas seulement de nourriture ou de "bouffe" mais de convivialité et de vie en commun, les uns reliés aux autres sans la médiation de machines. Il n'y a rien de mieux qu'un repas pour créer un lien social finalement...

AmauryWatremez - Evreux - 55 ans - 15 novembre 2014


Faim inassouvie 5 étoiles

Derrière ce titre alléchant et prometteur se cache l’histoire de deux hommes radicalement différents, qui ne s’apprécient guère et dont les destins respectifs sont cependant liés.
D’un côté le narrateur, Gao Xiaoting, révolutionnaire assez austère qui n’a que mépris pour la nourriture et ceux qui s’adonnent à la gourmandise. De l’autre, Zhu Ziye, capitaliste gourmet pour qui les plaisirs de la table sont primordiaux et même vitaux. La haine de l’un pour l’autre tient au fait que Gao Xiating, né pauvre, s’est depuis l’enfance trouvé en situation d’être constamment redevable de la générosité de Zhu Ziye. Grâce à ce dernier, sa mère et lui ne se sont pas retrouvés à la rue, mais cette situation d’obligé le met en colère, et a certainement suscité cette aversion pour la passion de celui qu’il considère comme un ennemi.

Nous voyons donc ces deux personnages grandir puis vieillir ensemble. Et faire des choix différents, notamment sur le plan politique (l’intrigue se développe durant les années 1930-1970). La situation du pays n’est d’ailleurs évoquée que dans ses grandes lignes, ce qui donne l’impression que le livre s’adresse d’abord à des connaisseurs de l’histoire chinoise.
Et ce choix se comprend car, a priori du moins, le véritable personnage central de cette histoire est la cuisine. En tout cas c’est ce que dit l’éditeur en quatrième de couverture, dont la première phrase est « ce roman se déguste une serviette autour du cou ».

Et j’avoue que je trouve cette description quelque peu trompeuse. Le jeu de mots est un peu facile, mais je dirais que je suis restée sur ma faim. Il est certes question de quelques plats qui mettent l’eau à la bouche, mais à part la scène du banquet final, je trouve personnellement que la cuisine chinoise a peu de place dans cette histoire. Sans doute car le narrateur n’en est pas l’amoureux des bons plats mais celui qui les déteste. C’est dommage.
Je conseille plutôt, si l’on cherche à découvrir cette grande cuisine dont on connaît finalement si peu de choses, le livre de Pascal Vatinel : « l’affaire du cuisinier chinois ».

Aliénor - - 56 ans - 18 septembre 2009