Modigliani de Ernesto Anderle

Modigliani de Ernesto Anderle

Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers

Critiqué par Blue Boy, le 2 décembre 2024 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 7 étoiles
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L'hommage à un peintre ivre de vie

Paris, 1920. Le peintre et sculpteur italien Amedeo Modigliani est emporté par la maladie. Sa compagne Jeanne Hébuterne se suicide deux jours plus tard. Une décennie après, leur fille Jeanne, âgée de dix ans, rencontre le peintre Maurice Utrillo à la Pitié Salpêtrière, où ce dernier suit un traitement. Utrillo, qui a connu « Modi », va ainsi évoquer les souvenirs qu’il a gardés de ses parents et le profond amour qui les unissait.

« Pour moi, l’art est comme une recherche continuelle, mais ce que je cherche n’est ni le réel, ni l’irréel, c’est l’inconscient… C’est comme si avec un œil je cherchais dans le monde extérieur, et qu’avec l’autre je regardais à l’intérieur des gens. » Cette citation de Modigliani résume parfaitement l’approche artistique du personnage, dont Ernesto Anderle a mis en image la biographie dans cet album homonyme à travers les yeux de la fille de « Modi » et du peintre Maurice Utrillo. L’artiste, qui avait quitté son Italie natale pour Paris, désirait vivre pleinement son art, et la ville des lumières était le seul endroit où il pensait pouvoir le faire. Mais Paris, ville des plaisirs et des excès, où la fine fleur de la peinture moderne venait s’encanailler au début du XXe siècle, a également été le témoin de sa déchéance dans la misère et l’alcoolisme, déchéance accentuée par sa santé fragile et la guerre qui avait précipité l’Europe dans les ténèbres. Dans ce contexte difficile, le peintre connut heureusement l’amour, notamment avec Jeanne Hébuterne qui fut sa muse jusqu’à ses derniers jours. Leur amour était si fusionnel que la jeune femme se suicida deux jours après la mort de son compagnon.

Ernesto Anderle nous livre ici un bel hommage à un artiste dont on connaît surtout les œuvres centrées sur les nus féminins et les portraits. Il dresse lui-même le portrait passionnant d’un homme authentique qui ne vivait que pour son art, lequel constituait le moteur principal dans sa quête d'absolu, mais dont le talent ne fut reconnu qu’après sa mort. Jeanne fut en quelque sorte la « récompense », le « graal » de cette quête, qu’Anderle restitue ici avec poésie et émotion.

Ainsi, il apparaîtrait presque déplacé d’émettre des objections quant au dessin, car si celui-ci apparaît à première vue mal ficelé voire bâclé, il est parfaitement raccord avec le style de Modigliani. Proportions non respectées, mains à trois doigts, trait tremblotant au bord de l’esquisse, négligence des détails… Ernesto Anderle se contrefiche des codes du neuvième art. Réputé pour faire dialoguer la peinture et la bande dessinée (avec notamment « Caravage, l’ombre du peintre », publié également cette année chez l’éditeur Petit à petit), l’auteur multicasquette dessine d’abord comme un peintre (car en effet il est aussi sculpteur, vidéaste, et expose dans des galeries d’art), et quoiqu’on en pense, on ne peut pas le nier, il est plutôt stylé ! Sa mise en page est vivante, sa façon de cadrer parlante, les visages sont expressifs et il sait insuffler une belle poésie dans ses cases. Cas de figure typique où le fond est trop imposant pour se faire éclipser par la forme.

« Modigliani » raconte avant tout une très belle histoire, celle d’un amour fusionnel et tragique qui avait vu Jeanne et « Modi » devenir « une seule et même chose », un amour si fort que même les parents de la jeune femme ne purent s’opposer à ce qu’ils soient réunis dans la mort. On ne tiendra pas rigueur à l’auteur du décalage chronologique (délibéré ?) concernant la date où la dépouille de Jeanne rejoignit celle de son amant au cimetière du Père Lachaise. Ernesto Anderle a produit une biographie poignante via le regard de leur propre fille, prénommée Jeanne comme sa mère, qui donne envie d’approfondir sa connaissance de l’œuvre du peintre-sculpteur mais aussi de découvrir celle, moins connue, de « Noix de coco », le surnom de Jeanne Hébuterne, qu'elle tenait de son teint blanc laiteux contrastant avec ses cheveux châtain aux reflets roux.

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