Le jugement des glaces
de Jean Jauniaux

critiqué par Débézed, le 12 décembre 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Accepter la différence
Barthélémy, professeur à Bruxelles, ne supporte plus son métier et encore moins les élèves qui ne le respectent pas, il en a perdu le sommeil et passe ses nuits à déambuler dans les tréfonds de la ville où, une nuit, il rencontre un ex-taulard qui vit de ce qu’il trouve. Ensemble, ils nouent une relation qui devient bientôt amicale quand ils se rencontrent sur le quai où est amarré un bateau abandonné par ses propriétaire. Tous deux sont amateurs de bateaux, son ami qu’il nomme Zanzibar, étant lui un ancien de la marine. Barthélémy écrit tout ce qu’il voit et rencontre la nuit, il en tire un guide de Bruxelles la nuit dans les bas-fonds qui obtient un réel succès. Après plusieurs traductions ce guide est adapté au cinéma ce qui rapporte une belle somme d’argent à son auteur. La première dépense de Barthélémy est l’acquisition de ce bateau en déshérence qu’il confie à la garde de Zanzibar qui assure aussi la supervision des travaux de rénovation nécessaire pour faire naviguer cette embarcation.

Barthélemy fuit Bruxelles qu’il ne supporte plus, elle lui rappelle trop les humiliations subies au cours des cours qu’il dispensait à des élèves totalement désintéressés, irrespectueux et même parfois menaçants. Il cherche une maison sortant des standards habituels sur la Côte flamande, du côté de De Panne. Il trouve finalement une quasi-ruine, une maison pleine de charme, aux formes et volumes très personnels. Il l’achète avec l’appui d’un fonctionnaire qui lutte avec force zèle, depuis des année, pour qu’elle ne laisse pas la place à un complexe hôtelier ou à un lotissement pour vacanciers. Cette maison donne accès au sous-sol d’un bastion noyé sous les dunes, un lieu qui pourrait servir d’atelier d’écriture à Barthélémy.

Il se promène dans les dunes se rappelant les vacances qu’il passait dans ce coin quand il était enfant . un jour, il croise un groupe très hétéroclite composé, il l’apprendra plus tard : d’un adulte géant, d’une femme muette, d’un jeune homme et de deux jumeaux. Outre les jumeaux, ils n’ont aucun lien de parenté entre eux, ils sont tous tchétchènes sauf le jeune homme qui est russe. Ils se sont rencontrés sur les routes de l’exil et ont décidé de cheminer ensemble vers l’Ecosse où a échoué un parent du géant tchétchène. Barthélémy les adopte, ils se réfugient dans le garage d’une maison abandonnée pendant la période hivernale. Ils sont bientôt acceptés par les quelques personnes qui vivent dans le secteur pendant l’hiver. Une petite équipe se constitue autour de Barthélémy avec le fonctionnaire zélé et vorace, le passeur, un fermier qui demande au géant de sortir ses chevaux et Zanzibar toujours à la capitale avec le bateau en cours de rénovation.

Les migrants racontent leur calvaire respectif, Le géant a vu le massacre de tout un village, la muette a assisté à l’extermination barbare de sa famille, les deux jumeaux savent seulement que leur mère les a mis sur un chemin en leur disant de marcher toujours tout droit, de ne jamais se retourner et d’aller le plus loin possible, le jeune russe est lui un soldat déserteur qui a participé à l’anéantissement du village des parents de la muette. Elle l’a reconnu, un jour elle se vengera même s’il a déserté et demandé pardon. Les vacanciers arrivant, ils déménagent dans un ancien hôtel en forme de paquebot qui a sombré dans les sables. Ils y installent une école où Barthélémy et le géant peuvent enseigner les rudiments nécessaires à la petite troupe pour s’installer en Ecosse. L’idée d’un voyage avec le bateau acheté par l’ex-professeur fait son chemin, le bateau est rénové, il peut traverser la Manche et même longer les côtes jusqu’en Ecosse. Zanzibar et le passeur guideront le navire.

Ce roman est avant tout un plaidoyer pour le soutien aux migrants qui ont dû fuir leur pays pour éviter la barbarie russe mais celle-ci n’est pas limitée à ce pays, bien d‘autres connaissent eux aussi des atrocités velléitaires où les cruels sévices des variations climatiques. C’est un rappel adressé à nos populations qui geignent beaucoup sans se rendre compte qu’elles vivent dans un monde bien douillet, sans envie de le partager avec ceux qui ne connaissent que l’horreur, la douleur et la misère.