Le rêve américain

Quelle densité ! Quelle intensité ! dans ce texte qui charrie les mots comme un ruisseau ayant subi les effets collatéraux des modifications climatologiques, emporte tout sur son passage. Dans ce texte Pierre raconte l’histoire de Tony, un employé d’un géant du commerce et de la distribution mondiale se présentant sous la lettre « A » comme celle qui initialise la célèbre firme qui connait actuellement quelques problèmes avec ses salariés. Ili ne supporte plus son boulot et moins encore le petit chef qui le persécute. Sous l’effet de la colère, il envoie tout balader et se retranche chez lui devant sa télé en regardant à longueur de journée, et même de nuit, une chaîne américaine qui diffuse en continu les vie de certains habitants de Palm Springs en Californie. Il se terre dans sa HLM, se nourrit surtout vodka et d’un peu d’herbe. Il ne voit personne autre que la voisine décharnée qui quémande un peu d’herbe qu’il lui refuse, des huissiers, son dealer, son fournisseur de vodka, sa mère toujours en manque de bière et le voyous qui l’ont sévèrement rossé.

Il ne connait plus que les habitants de Palm Springs qui vivent sous l’œil inquisiteur et voyeuriste des caméras de TVPS, la chaîne locale de téléréalité qui sélectionne strictement les scènes les plus émouvantes, les plus choquantes, les plus émoustillantes, les plus incroyables comme l’assassinat, en pleine église, d’Eleanor par Kate sa rivale auprès du libidineux Père William, comme la raclée infligée à son fils par une acteur célèbre en perte de vitesse, comme celle où l’on voit Mary don ti il ne reste qu’un corps sans tête et celles encore ou toute une floppée de personnages se laissent filmer pour quelques billets verts.

Ce texte met en parallèle la vie dans une ville où résident une population de riches américains vivant pour la plupart du cinéma et une sinistre banlieue française où n’habitent que des pauvres et des zonards qui n’ont que leur petit trafic de drogue pour tromper leur ennui. Tony dépérit dans sa tanière et se projette dans un rêve fou de partir un jour pour Palm Spring, il se précipite déjà à travers l’écran de sa télévision sur les bords de sa piscine aux côtés de la belle Maureen, la fille d’un richissime producteur courtisée par un pauvre gars que le père repousse. « Je voyage dans ma télé, je veux rentrer dans ma télé, , être dans ma télé, vivre dans ma télé… »

Ce livre c’est la description de la décrépitude d’une civilisation exploitée par les géants de la distribution qui savent très bien comment amener ces populations à consommer toujours plus afin qu’ils gagnent, eux, toujours plus. C’est aussi la description d’un mirage qui incite les pauvres à travailler plus pour faire partie de ceux qui vivent sous le soleil et le ciel bleu sans travailler. « La vie à Palm Springs se déroule au rythme des fêtes, des scandales, du shopping, de la signature de contrats et de lectures de scénarios au bord des piscines. Meurtres, suicides, cures de désintoxication, les scénaristes n’ont qu’à se servir… ». C’est une satire ne notre société actuelle où les riches sont plus riches que les états auxquels ils imposent leur pouvoir et où les pauvres sont de plus en plus ponctionnés, essorés, dépossédés après avoir consommé leur dernier cent auprès de ces marchands de rêve et de misère.

C’est aussi la dénonciation de la perversion de tous les nouveaux moyens de communication qui ont sacralisées l’image, l’apparence, l’impression sans se préoccuper d’un quelconque contenu qualificatif.

En lisant ce texte avec attention, j’ai eu l’impression de retrouver un peu de Fante, John le père pas Dan le fils, dans ce désarroi, cette misère sociale, sentimentale, humaine…, cette dégradation, cette déchéance, cette décadence…

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  À deux heures de voiture d'Hollywood [Texte imprimé], roman Pierre Stival

  de Stival, Pierre
  Cactus Inébranlable Éditions
  ISBN : 9782390491064 ; 16 EUR ; 01/01/2024 ; 145 p. ; 125 x 200