L'enfant, révélateur des traumas générationnels

Lorsqu’on naît à la vie, on reçoit toujours de ses parents certaines de leurs caractéristiques physiques, mais également mentales. Certaines tournures, attitudes et tares psychologiques peuvent être héritées. Ce que le plus souvent, on ne soupçonne pas c’est qu’on hérite d’eux aussi les fardeaux émotionnels des traumatismes familiaux, qui peuvent avoir subis les parents eux-mêmes mais qui peuvent aussi provenir de lignées générationnelles plus anciennes. Ainsi, ces fardeaux émotionnels chargées de souffrances non résolues ou non conscientisées peuvent se transmettre de génération en génération tant qu’ils ne seront pas mis à jour. C’est ce que Bruno Clavier, psychanalyste et psychologue clinicien, appelle « les fantômes familiaux ». C’est lui qui en a forgé le terme avec son ouvrage de référence du même nom.

Ici, avec ce livre qui fait l’objet de cette critique principale, l’auteur aborde une visée thérapeutique par un biais pour le moins étonnant, venu d’une constatation issue de sa pratique, c’est que les fantômes familiaux portés par les parents, lorsqu’ils sont non résolus, se manifestent chez leurs enfants par toutes sortes de symptômes révélateurs d’une souffrance transgénérationnelle dont il faut s’occuper. De ce fait, en guérissant ces symptômes, c’est toute la lignée généalogique dont est issu l’enfant qui en est guérie, ou du moins qui s’arrête à lui et n’est plus transmis aux descendants.

Dans ce livre, l’auteur en donne beaucoup d’exemples différents qu’il tire de sa pratique et nous les fait partager, exemples éloquents et même stupéfiants qui viennent à l’appui de ses affirmations sur les traumatismes familiaux transmis de génération en génération. Ainsi, le procédé thérapeutique qu’il expose dans ce livre et qu’il pratique lui-même en consultation, consiste à recevoir parents et enfants et à faire raconter par les parents les traumatismes qu’ils ont subis ou que leurs ascendants ont subis. L’enfant écoute, comprend ce qui se passe, ou s’il ne comprend pas tout ce qui est dit, sa psyché le comprend. Ainsi le fardeau émotionnel qui le faisait souffrir du fait du traumatisme familial peut être déchargé et il peut alors commencer à guérir. Et cela aide en parallèle à guérir aussi les parents du même traumatisme, qu’ils n’ont pu eux-mêmes résoudre jusqu’alors.

Voici un exemple simple tiré de de son livre :

Une petite fille de 4 ans ne veut soudainement plus aller à l’école, et cela dure depuis 2 mois. Les parents ne comprennent pas pourquoi. Ils insistent, menacent, négocient, rien n’y fait, leur petite fille a peur d’aller à l’école. Pourtant, l’année précédente, tout allait bien, l’école ne lui était pas une phobie. Que se passe-t-il ? A bout, ils viennent en consultation chez Bruno Clavier. Il pose une question simple aux parents : que leur est-il arrivé à eux au même âge ? Le père réponde que son père à lui avait quitté la maison et la mère répondu que sa mère à elle est morte quand elle était à l’étranger. Ces deux traumatismes, survenus au même âge pour chacun d’eux s’est répercuté sur leur petite fille, qui, à 4 ans donc, s’en est souvenu inconsciemment et s’est mis à avoir peur que si elle quitte la maison pour aller à l’école, elle ne reverrait plus ses parents au retour. D’où sa phobie soudaine de l’école. Elle voulait en réalité rester à la maison pour garder ses parents avec elle et être sûre qu’ils ne disparaîtront pas. Les parents ne lui avaient jamais parlé de ces traumatismes mais la petite fille le savait déjà car l’information chargé du poids émotionnel du traumatisme s’est transmis de l’inconscient des parents à l’inconscient de l’enfant. Après cette consultation au cours de laquelle les parents ont pu parler de ce qu’ils avaient souffert au même âge que leur enfant, cette dernière a pu s’en sentir soulagée et rassurée, comprenant que sa peur ne venait pas d’elle-même mais de ses parents et dès le lendemain elle est retournée à l’école sans plus d’angoisse.

Bien d’autres exemples dont donnés dans le livre, dont beaucoup sont à base de traumatismes sexuels, incestueux, ou accidentels, générant des symptômes lourds à vivre et à supporter pour l’enfant, dus à des histoires familiales douloureuses. Mais le procédé thérapeutique est à peu près toujours le même : faire parler les parents du ou des traumas de leurs histoires familiales, qui comportent viol, inceste, abandons, maltraitances, meurtres, etc, et permettre à l’enfant de le comprendre enfin et de pouvoir enfin commencer à s’en débarrasser et donc à en guérir.

Bruno Clavier a l’honnêteté d’avouer lui-même qu’il ne comprend pas vraiment comment ce mécanisme de transmission des traumas de génération en génération se fait mais qu’il ne peut que constater que cela fonctionne bien ainsi. Il dit qu’une explication scientifique et rationnelle existe certainement et qu’elle reste encore à découvrir. Le plus étonnant est que cela fonctionne aussi de même pour les enfants adoptés. Comme si l’enfant qui est adopté (et donc porteur d’une généalogie toute différente de ses parents adoptifs) adopte aussi l’histoire familiale de ses parents adoptifs et il en donne aussi des exemples. Tout n’est pas que génétique, des choses se passent aussi au niveau de l’inconscient des parents et enfants, qu’ils aient des liens biologiques ou non.

Au final, c’est un livre très intéressant, écrit dans une langue très accessible et didactique, qui permet de comprendre et de découvrir bien des choses, aussi incroyables que cela puisse paraître. Rien de magique là-dedans, juste une part du mystère de l’être humain qui est un peu dévoilée et qui nécessite encore bien des travaux de recherche pour arriver à en comprendre tous les mécanismes.

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  Ces enfants qui veulent guérir leurs parents [Texte imprimé] Bruno Clavier

  de Clavier, Bruno
  Payot & Rivages / Petite bibliothèque Payot (Paris)
  ISBN : 9782228931229 ; 8,90 € ; 28/09/2022 ; 224 p. ; Poche

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