Ravage de Ian Manook

Ravage de Ian Manook

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Tistou, le 14 mars 2025 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (52 111ème position).
Visites : 1 372 

Entre Territoires du Nord-Ouest et Yukon

J’aurais aussi bien pu titrer cette critique « roman glacial ». C’est que, outre la localisation géographique (Yukon et Territoires du Nord-Ouest ne sont pas précisément des terres chaudes !), ce qui nous est raconté se déroule entre le 23 Décembre 1931 et le 17 Février 1932, soit en plein cœur de l’hiver.
Ce qui nous est raconté ? Une traque inspirée de faits réels. Ian Manook le précise en « Avertissement » :

»Ce roman est librement inspiré de faits réels. J’ai à peu près respecté les lieux, les dates et la chronologie des événements qui en font la trame. Par contre, je me suis réapproprié les personnages pour pouvoir exprimer à travers eux les émotions que j’ai éprouvées en me penchant sur cet incroyable faits divers. »

La traque d’un homme – on ne saura jamais qui il est réellement – qui, par enchainement de faits malencontreux et pas forcément de son fait devient durant cette période ennemi n°1 et meurtrier d’un gendarme. Dès lors la machine étatique se met en marche et rassemble ses (maigres) forces humaines pour traquer cet homme (on l’appellera Jones) dans une nature et un climat des plus inhospitaliers. C’est cette traque qui fait le cœur du récit, où blizzard, vents, tempêtes de neige, brouillard ont les premiers rôles.

»Les chiens comprennent le drame qui se joue. L’urgence aussi. Malgré la nuit et le froid, ils redoublent d’efforts. La température est tombée sous les cinquante degrés. Le blizzard souffle d’interminables rafales chargées de poudrin. Des cristaux abrasifs comme de la poussière de verre. Le traineau file dans la nuit blanche de cette tempête qui n’en finit plus … »

J’ai trouvé la chose un peu longuette et moins intéressante que la trilogie Yeruldelgger, qui se déroule en Mongolie et qui a beaucoup contribué à la notoriété de Ian Manook. Mais, manifestement, le cas Jones a retenu l’attention de Ian Manook et lui a donné envie de réaliser un roman … glacial !

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Chasse à l'homme

9 étoiles

Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 1 juin 2025

Inspiré par une histoire vraie, cet époustouflant roman de Ian Manook est tout entier consacré à l’histoire d’une chasse à l’homme dans le Grand Nord canadien. Très précisément datés, les faits se déroulent du 23 décembre 1931 au 17 février 1932 dans des contrées hostiles et, qui plus est, en plein hiver, alors que les températures peuvent descendre jusqu’à – 40, voire – 50. ]}
Le plus ahurissant, dans cette affaire, c’est qu’elle aurait pu parfaitement être évitée. Tout part, en effet, d’une plainte de deux Indiens, des Loucheux, qui estiment qu’un trappeur empiète sur leur territoire sans la moindre autorisation. Bauwen, un gendarme, délègue deux de ses hommes auprès du trappeur incriminé pour s’expliquer avec lui. Mais l’homme, un dénommé Jones, refuse de sortir de sa cabane pour s’entretenir avec les gardiens de la loi. Piqué au vif, Walker, le chef des gendarmes, donne mandat à deux de ses hommes pour entrer, de force s’il le faut, dans la cabane de Jones. Arrivés sur les lieux, comme Jones refuse à nouveau d’obtempérer, un des gendarmes tire avec son arme sur le loquet de la porte de la cabane. Son occupant riposte aussitôt en tirant lui aussi, blessant un des gendarmes.
C’est à partir de ces événements que se met en place la traque qui fait l’objet de tout le roman, dans une sorte d’enchaînement vertigineux qu’il n’y a plus moyen d’arrêter, Walker étant un homme entêté, si obstiné que personne ne parvient à le raisonner. C’est une véritable expédition qui démarre : une trentaine hommes et une centaine de chiens se lancent à la poursuite d’un individu. Sans doute Walker imagine-t-il que l’arrestation de Jones ne tardera pas. Mais c’est sans compter sur la détermination, l’audace, la ruse et le courage incroyable de ce dernier. Non seulement la chasse à l’homme n’est pas près de s’achever mais elle doit se poursuivre dans des conditions d’une terrible rudesse.
Ne serait-ce qu’à cause des faits bruts, de la succession des événements tels que les rapporte l’auteur, ce roman ne peut que tenir en haleine le lecteur. Mais aux événements s’ajoutent toutes sortes de considérations sur les personnages et leurs motivations qui décuplent encore l’intérêt de l’ouvrage. Parmi les hommes qui se lancent à la poursuite du fuyard, plusieurs s’interrogent à son sujet. Les désaccords et les controverses ne manquent pas. Walker est pris à partie par Bauwen, un des gendarmes, pour qui l’expédition est une erreur. Il l’est également par sa propre femme, Martha, ainsi que par Wright, un aviateur venu en renfort dans le but de pouvoir mieux repérer les traces de Jones. Alors que Walker, en tout cas pendant la majeure partie du roman, ne raisonne qu’en se référant à la loi, d’autres s’efforcent de comprendre à qui ils ont affaire, un trappeur résolu à ne pas se laisser prendre vivant. Comme l’affirme McCoy, un des poursuivants, Jones « est un coureur des bois. Empêchez-le de courir et il préférera mourir. Il n’est plus du même monde que nous… ».
Si la traque dure si longtemps, c’est précisément parce que l’homme poursuivi, habitué à vivre en pleine nature, rivalise d’adresse et de ruse pour égarer ceux qui le recherchent. Tout lui est bon pour les berner : profiter du passage d’une harde de bœufs musqués, faire des allers et retours pour brouiller ses propres traces, porter ses raquettes à l’envers, voire même s’arranger pour se retrouver derrière ses poursuivants… Le plus surprenant, ce qui sidère tout le monde, c’est qu’il se montre capable, s’il le faut, de franchir des montagnes qu’aucun homme avant lui n’avait osé affronter, surtout par temps d’hiver. On pourrait appliquer à Jones les paroles que prête Saint-Exupéry à Guillaumet, le survivant des Andes, dans Terre des hommes : « Ce que j’ai fait, aucune bête ne l’aurait fait. »
Enfin, il est un autre aspect qui fait de ce livre un roman de premier ordre : c’est le changement de regard qui s’opère, au fil du récit, chez certains des protagonistes. C’est le cas de la femme de Bauwen, quand ont lieu les funérailles de son mari tué lors d’une fusillade, la veuve tout étonnée de constater que ce sont des Loucheux qui viennent rendre hommage au défunt, « ces sauvages qu’elle avait toujours regardés de haut. » « Et moi qui pensais, se dit-elle, que ces Loucheux convertis ne pouvaient pas être d’aussi bons chrétiens que moi… ». Le changement, c’est aussi, comme je l’ai déjà laissé entendre, celui de divers protagonistes au sujet de l’homme poursuivi, le trappeur farouchement décidé à ne perdre sa liberté que dans la mort. On peut même dire de ce roman ô combien captivant qu’il raconte l’histoire d’une conversion : celle d’un homme acharné, opiniâtre, buté qui, cependant, ballotté par les événements finit par en être transformé (peut-être trop tard malheureusement).

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