L'OMS et le Programme de reproduction humaine: 1950-2020 : 70 ans de politique démographique de Louis-Marie Bonneau

L'OMS et le Programme de reproduction humaine: 1950-2020 : 70 ans de politique démographique de Louis-Marie Bonneau

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Emilien Halard, le 15 avril 2025 (Inscrit le 19 mai 2016, 39 ans)
La note : 10 étoiles
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L'ouvrage de référence sur l'action démographique de l'OMS

En 1968, le biologiste américain Paul R. Ehrlich publia un livre un succès (+ de 2 millions d’exemplaires vendus) sur le risque de surpopulation de la Terre et les famines géantes qui pourraient en découler.

Quelques années auparavant, l’OMS avait déjà créé une structure chargée de l’étude de la régulation de la population : la Human Reproduction Unit (HRP).

Le livre écrit par Louis-Marie Bonneau, chercheur au Centre européen pour le droit et la justice, vient retracer l’histoire de cette structure et de ses actions.

Au fil des ans, le HRP a étudié et répandu les différentes façons de limiter la natalité : contraception, avortement, stérilisation et régulation naturelle des naissances.

Malgré ces actions, la population mondiale fit plus que doubler entre 1968 et 2024, passant de 3,5 milliards à 8 milliards d’êtres humains.

LA FIN DE L’EXPANSION DEMOGRAPHIQUE

Néanmoins, l’objectif fixé est en voie d’être atteint, puisque le taux de fécondité moyen des femmes au niveau mondial devrait passer sous le seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme) vers l’an 2035.

La population mondiale ne devrait cependant pas baisser en 2035, car il faut un certain temps pour que l’atteinte de ce seuil produise ses effets.

Ainsi, au Japon, un pays qui n’a connu une immigration massive que très récemment, le taux de fécondité passa en-dessous du seuil de renouvellement des générations en 1974 mais la population ne commença à baisser qu’en 2011, soit 37 ans plus tard.

Ce décalage s’explique par la baisse parallèle de la mortalité, en particulier de la mortalité infantile.

Malgré tout, il faut noter que la diminution de la natalité a eu lieu dans quasiment tous les pays, selon des rythmes certes différents.

Aux Etats-Unis, c’est dès 1972 que le natalité passa sous le seuil de renouvellement des générations. En France, c’est dès 1975.

Grâce à ses méthodes autoritaires, la Chine passa sous ce seuil en 1991 ; le Brésil en 2003 ; l’Inde en 2020.

Dans certaines aires géographiques, la natalité est encore au-dessus de ce seuil, mais elle est régulièrement en baisse.

C’est notamment le cas du monde musulman, y compris de ses géants démographiques comme l’Indonésie et ses 280 millions d’habitants, le Pakistan et ses 250 millions d’habitants, ou encore l’Egypte et ses 115 millions d’habitants.

C’est aussi le cas de pays d’Afrique noire longtemps rétifs à toute tentative de limitation de la natalité mais dont le taux de fécondité baisse régulièrement depuis 1980 quoiqu’il reste à des niveaux élevés.

Le cas le plus parlant est celui du Nigeria, un pays de 230 millions d’habitants et dont le taux de fécondité est encore de plus de 5 enfants par femme. Ce taux a pourtant régulièrement baissé depuis l’année 1978 au cours de laquelle il était de presque 7 enfants par femme.

L’EXCEPTION CONGOLAISE

Une seule exception de taille se dégage : le Congo-Kinshasa (RDC). Ce pays de 100 millions d’habitants a vu son taux de fécondité passer de 6,11 en 1960 à … 6,11 également en 2022. Il est vrai qu’entre-temps le taux était monté 6,74 en 1987, mais on ne peut pas dire que l’évolution soit significative.

Remarquons que selon les sondages d’opinion cette forte natalité correspond au nombre moyen d’enfants souhaité par les Congolais et qu’un meilleur accès aux moyens de contraception ne devrait donc pas avoir d’effet sur le taux de fécondité.

D’autres facteurs peuvent toutefois jouer sur la natalité : le fait que les jeunes femmes fassent des études (car les étudiantes ont tendance à différer l’âge d’arriver de leur 1er enfant), la densité de population sur un territoire donné ou encore l’existence d’un système d’assurance-vieillesse.

L’exception congolaise semble cependant s’expliquer par une culture qui voit en tout enfant une bénédiction.

LE RÔLE DES FONDATIONS AMÉRICAINES

Le HRP fut financé par les contributions volontaires de certains Etats membres de l’OMS, mais aussi par d’importantes fondations privées américaines.

Ces fondations à l’origine du financement ont d’abord été des fondations philanthropiques à objectifs variés comme la fondation Ford et la fondation Rockefeller.

La fondation Ford, créée en 1936 par le fameux industriel automobile, commença ainsi par s’intéresser à l’enseignement du management dans les écoles de commerce américaine dans une perspective de compétition avec le rival soviétique. Elle s’engagea ensuite dans le financement du monde artistique.

De son côté, la fondation Rockefeller, créée par un magnat du pétrole, finança les recherches américaines et européennes sur l’eugénisme dans la 1ère partie du XXème siècle. Elle s’orienta ensuite vers l’anticommunisme, vers le soutien à la cause des Noirs face à la ségrégation américaine, et aussi vers la recherche sur la productivité agricole.

Il est intéressant de noter que la contribution de la fondation Rockefeller à la « Révolution verte », c’est-à-dire à l’augmentation considérable du rendement des terres agricoles, a précisément permis l’expansion démographique que la même fondation cherchait par ailleurs à limiter en finançant le HRP.

Dans un second temps, ce sont des fondations progressistes proches de la gauche américaine qui ont financé le HRP : les fondations de Bill Gates, de Hewlett, de Packard et enfin la fondation de Warren Buffet.

La fondation de Warren Buffet, le gourou du value investment, est plus spécialement focalisée sur la promotion de l’avortement.

La contribution financière de ces fondations est loin d’être anecdotique. Ainsi en 2020, la fondation de Warren Buffet donna 65 millions de dollars au HRP, soit 60% du budget de ce dernier.

De même, la fondation de Bill Gates est l’un des principaux financeurs de l’OMS : en 2021-2022, elle a ainsi versé 600 millions de dollars à cette organisation (soit 13% de son revenu total).

QUEL AVENIR POUR LE HRP ?

Si l’objectif de stopper la croissance démographique va bientôt être atteint, l’activité du HRP ne devrait cependant pas s’arrêter.

En effet, le HRP a établi un lien entre bonne santé de la population et une croissance démographique modérée.

Ce nouvel angle d’action devrait le conduire à se focaliser sur certains pays du tiers-monde en particulier sur des pays africains.

DES ENJEUX LOCAUX

Le changement ne se fera pas sans questionnement car la démographie n’est pas seulement un enjeu global, c’est aussi un enjeu local.

La puissance d’un pays tient en partie à sa démographie. C’est ainsi que la France d’après la guerre 14 essaya de favoriser sa natalité pour parer à une nouvelle guerre avec l’Allemagne.

D’ailleurs, la focalisation du HRP sur la limitation de la démographie des pays d’Afrique noire est parfois perçue par ces pays comme une volonté de l’Occident de limiter leur puissance.

Et cela peut paradoxalement nuire à l’objectif de santé publique affiché par l’OMS.

Par exemple, la création par le HRP d’un vaccin contraceptif a contribué à la méfiance envers les vaccins chez certaines populations de pays en voie de développement. On a pu le constater lors des campagnes de vaccination contre le covid.

VERS UN VIRAGE NATALISTE ?

Le HRP pourrait-il finalement s’orienter vers des actions natalistes ?

Il y aurait matière à de sérieuses recherches sur le sujet, car les rares pays (Hongrie, Russie) qui ont récemment cherché à développer leur natalité n’ont pas obtenu de grands résultats.

A court et moyen terme, il est plutôt probable que les dirigeants politiques préconisent le recours à l’immigration pour compenser le déséquilibre des générations.

Mais sur le long terme, les pays d’émigration pourraient eux-mêmes être confrontés à une démographie insuffisante. La mise en place d’une politique nataliste mondiale serait alors inéluctable.

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Les éditions

  • L'OMS et le programme de reproduction humaine [Texte imprimé], 1950-2020, 70 ans de politique démographique Louis-Marie Bonneau préface de Giuseppe Benagiano
    de Bonneau, Louis-Marie Benagiano, Giuseppe (Préfacier)
    l'Harmattan / Logiques politiques
    ISBN : 9782336451954 ; 26,00 € ; 16/05/2024 ; 256 p. ; Broché
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