La liste d'Anouk
de Alexandre Galien

critiqué par Mimi62, le 5 avril 2025
(Plaisance-du-Touch (31) - 72 ans)


La note:  étoiles
Une divagation dont on ne comprend ni les tenants ni les aboutissants
Adam vient de perdre sa femme. Il est désemparé. En rangeant ses affaires il trouve un carnet qu'Anouk a écrit à son intention lorsqu'elle disparaitrait d'une façon ou d'une autre. C'est une liste des personnes les plus désagréables qu'elle a rencontrées. Adam décide d'aller observer ces personnes pour "retrouver" Anouk.

La quatrième de couverture évoque la mort d'Anouk en évoquant le thanatopracteur et le cadavre de sa femme. Par contre, en-dessous, il est évoqué qu'il recherche Anouk. Dès ce point de départ, la situation n'est pas claire. Il peut chercher à retrouver une personne partie sans laisser d'adresse mais pas quelqu'un de décédé.
Cette situation laisse à penser qu'ils se sont côtoyés sans se connaître... mais il est question de sa femme ce qui laisse sous-entendre un mariage.

Cette confusion dure tout le long du roman tant le comportement d'Adam est difficilement cernable, tant lorsqu'il est homme marié que lorsqu'il est veuf.
La façon de vivre d'Adam et Anouk est bourrée de divergences où quasiment rien ne les rapproche. On ne comprend pas pourquoi ces deux-là vivent ensemble, ils ne se connaissent pas. Peut-être est-ce pour cela que le livre a un rôle important : permettre à Adam de découvrir qui est cette femme avec laquelle il vivait ? En quoi cela l'aidera-t-il à faire le deuil d'une personne qu'il ne connaissait pas ?

J'ai plutôt eu l'impression que ce cahier rouge a été le prétexte pour exposer une série de portraits. le deuil servant à amorcer ce parcours. Razack, ami de longue date d'Adam lui, serait une sorte de fil rouge permettant de passer d'un personnage à un autre et surtout de mettre en place un dialogue dans lequel se développe l'observation.
Le personnage d'Adam ne m'a nullement touché, m'a laissé totalement indifférent et je ne comprends pas davantage Anouk.


J'ai retrouvé cette même inconstance dans le style d'écriture. On a de très beaux passages mais aussi de nombreux passages où il est nécessaire de reprendre la phrase pour comprendre l'intention de l'auteur. Certains me sont resté totalement hermétiques. Quelques passages font preuve d'humour. Faut-il y voir un trait de dérision dans cette situation difficile ?

Je n'ai donc pas été emballé par ce livre. Ayant découvert celui-ci par une masse critique de Babelio, j'ai tenu à terminer cet ouvrage, autrement je pense que je l'aurais abandonné.
Je ne peux pourtant pas dire que c'est un mauvais livre. Soit je n'ai pas su me laisser prendre par la douleur de cet homme soit l'ouvrage n'a pas la forme pour attirer à lui le lecteur ? Quoi qu'il en soit ce livre et moi ne nous sommes pas rencontrés.
D'autres trouveront peut-être le chemin ?
Pour ma part, j'irai quand même à la rencontre des romans précédents qui semblent avoir recueilli pas mal de suffrages positifs.



1 passage énigmatique : Elle m'avait signalé son arrivée par un message et, comme il n'y avait pas de raison que je sois le seul à poireauter, je patientai et la regardai en silence.
Je place les passages positifs dans les citations.

De très beaux passages
... un pot à stylos kitsch qu'on avait acheté près de l'Acropole , et sur lequel des dieux grecs prennent des poses de types qui n'ont pas renoncé à leur abonnement à la salle de muscu.

Depuis qu'elle est partie, tout est vide, et je me suis jamais senti dépossédé de ses qualités, ou débarrassé de ses défauts. Il y a juste son absence.

... elle ne t'appartient pas .../... D'autres que toi l'aimaient, en fait. La vérité c'est que ce n'est pas plus un deuil que tu vis, c'est une excuse pour être égoïste.

Des mecs prêts à vous supporter quand on devient un con, et à dire, et à rester après l'avoir dit, on n'en croise pas beaucoup.

C'est comme avec les gens qui ont les yeux qui brillent quand un mec gratte une guitare dans une lumière tamisée. Mais ce type d'instants, où on voit directement sur les autres les effets de ce qu'on a produit, c'est courant chez les musiciens et rare chez les écrivains.

J'avais pas encore compris qu'aimer, c'est protéger tout le temps un verre en cristal, c'est mette le monde autour dans du papier bulle, comme si on avait la maladie des os de verre.

Il y a un âge avant lequel on ne vieillit pas, un autre à partir duquel on ne vieillit plus. Je parle doucement pour ne pas faire peur à sa solitude, pour ne pas bousculer la mienne.

Je n'arrive pas à appuyer sur 'Envoyer". Combien de conflits pourraient être résolus grâce aux dossiers "Brouillons" des téléphones.

Parfois, on me dit qu' "elle est partie trop tôt". C'est des conneries. Pire, des banalités. .../... Et puis, pas trop tôt, c'est quand ? Quand on aime quelqu'un, il ne part jamais à temps. Il reste plein de choses à déployer, c'est un origami infini. Et le projet, c'était d'observer, chaque jour, ses rides se creuser, elle devait voir mes épaules d'affaisser, mes cheveux blanchir, une arthrose de la hanche devait nous empêcher de nous endormir en cuiller tous les soirs. On devait avoir le temps de se voir décliner, tomber malades, avoir le droit de marcher main dans la main, lentement, en silence, dans un parc. L'un de nous devait être triste en sentant la mémoire de l'autre se consteller de trous noirs. Si tout s'était passé comme prévu, et qu'un beau matin de printemps, dans le confort d'un appartement à l'odeur de naphtaline, après une nuit de sommeil paisible pendant laquelle nos vieux doigts seraient restés entrelacés, l'un de nous avait, à son réveil, éprouvé une froideur inhabituelle sur sa main, puis tenté de recevoir un pouls qui n'existait plus.

Depuis qu'elle a quitté son Excellence l'ambassadeur de France - parfois mon père, beaucoup plus rarement son mari et beaucoup trop fréquemment le mec de sa secrétaire - elle est perdue.

On n'apprend pas assez aux gens à ne pas couper la parole aux larmes, personne n'a envie de verbaliser sa peine avec un nez plein de morve et une voix à trémolo. Ca viendra après.