La Nouvelle Interprétation des rêves de Tobie Nathan
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Psychologie

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Il y a les rêves utiles et les autres...
J’ai abordé ce livre en ayant comme a priori que l’auteur y expliquera les nouvelles avancées en théories psychanalytiques à la lumière des récentes découvertes scientifiques sur le sommeil et les rêves. Et de fait, il y explique bien quelles sont ces découvertes, mais les reprend pour en faire des arguments qui tendent à remettre en cause la théorie de l’interprétation des rêves, initiée par Freud. Voilà ce qui m’a surpris. Pour autres arguments contre cette théorie, pourtant désormais bien établie maintenant dans notre société, il invoque aussi d’anciens traités d’interprétations des rêves provenant du Moyen-âge, de l’antiquité grecque et des textes religieux juifs et musulmans. Avec cet appui pour le moins inattendu, il affirme qu’on ne doit s’occuper du rêve que si ce dernier sert au rêveur, c’est-à-dire si le rêve peut aider celui qui l’a rêvé à agir de telle façon qu’il puisse se prémunir (ou favoriser si cela doit être positif) contre tel danger (ou bienfait) indiqué dans le rêve et si ce dernier a été correctement interprété à cette fin par ce qu’il appelle un onirocrite, c’est-à-dire un spécialiste du décodage des rêves. Il affirme aussi que le rêve peut être l’espace de rencontre entre le rêveur et des dieux ou des êtres non-humains ou des démons bénéfiques ou maléfiques qui se sont immiscés dans le rêve du rêveur. Ainsi, seule une interprétation visant à sauver ou à apporter une aide à la personne qui aura fait un tel rêve d’alerte est valable à l’exclusion de tout autre. C’est vous dire que lire une telle approche vous fait sortir de votre zone de confort mental !
Cependant, donner trop de crédit aux conceptions antiques d’interprétation des rêves au détriment de la compréhension que nous en avons aujourd’hui, après 1 siècle maintenant de consolidation et de la validation de la psychanalyse, c’est, à mon sens, pousser le bouchon bien loin. Je ne suis certes pas scientifique et n’ai certainement pas tout le savoir et l’expérience de l’auteur de ce livre. Et comme on dit, la critique est facile alors que l’art est difficile. Néanmoins, je puis avoir ma petite opinion sur la question, soutenu par mes petites connaissances personnelles dues à ma propre expérience et à quelques lectures antérieures dans cette matière.
Son postulat est celui-ci : il semblerait (ce que les recherches ne prouvent pas encore, seulement que cela démontre une certaine tendance à aller vers ce genre de conclusions, sans que ce ne soit encore confirmé, à la période où a été écrit ce livre, en 2013) que les épisodes de sommeil paradoxaux servent à réinitialiser la programmation génétique de l’individu, pour lui conserver la continuité de son moi à l’état de veille, à l’instar de ce que le sommeil fait pour les cellules du corps.
Durant la phase de sommeil paradoxal, le rêve déconstruit les éléments mentaux constitutifs de la personne (événements de la veille, personnes de son entourage, vécu mémorisé,…) pour les reconstruire en un récit plus ou moins cohérent en images et en mots, correspondant à un concept-clé qu’il s’agira alors de faire interpréter, au réveil, avec l’aide de l’onirocrite, dont la parole porteuse de son interprétation à l’entendement du rêveur permettra de faire advenir.
Car pour l’auteur, le rêve n’est pas un contenu psychologique qu’il s’agit de décrypter pour faire apparaître l’état psychique inconscient du rêveur à ce moment-là, ses blocages, ses peurs, ses angoisses, ses conflits, comme Freud et la psychanalyse le soutiennent et le pratiquent, mais est surtout un outil à visée divinatoire, c’est-à-dire que le rêve doit informer le rêveur de ce qu’il peut lui arriver dans sa vie et en conséquence qu’il doit agir pour que cela se produise ou éviter que cela ne se produise, selon que le rêve est à tonalité positive ou négative.
L’auteur semble donc n’être pas d’accord avec la théorie généralement admise de l’interprétation psychanalyste des rêves. Il dit lui-même qu’il « ne partage pas l’attitude de mes collègues psychanalystes, universitaires et chercheurs » (phrase sortie de son contexte mais que je restitue ici pour monter que sa position est atypique sur ce sujet et que les propos qu’il expose dans son livre nous en persuadent bien). Il y retrace sa vision personnelle qui effectivement diffère de ce qu’on s’attend plutôt à lire de la part d’un spécialiste tel que lui. Il ne me convainc pas, car affirmer que seuls les rêves pouvant donner matière à prévision et pouvant donner lieu à action et réparation dans la réalité doivent être pris en considération, écartant tous les autres songes oniriques vus comme n’étant qu’une simple « copie de la réalité » et comme tels inutiles à interpréter, serait passer à côté de la richesse qu’un rêve, tous les rêves en fait, a à nous offrir.
S’il peut être vrai que certains rêves sont matière à divination, tous les rêves sont « à écouter », si j’ose dire. Même si non porteurs d’avertissement ou de prémonition, ils renseignent le rêveur sur sa situation intérieure psychologique et rien que cela mérite d’y être attentif. Ce n’est pas pour rien que la psychanalyse les a étudiés dans un but thérapeutique. Ils fournissent des clefs sur soi.
Malgré ces réserves, on apprend quels sont les rapports au rêve dans d’autres cultures et d’autres époques. Dans certaines ethnies amazoniennes, la vie du rêve est aussi importante, voire plus importante que la vie éveillée. Le rêve en est l’espace réel qui conditionne celui de la vie quotidienne. Le chaman, avec l’aide des plantes psychotropes, accède au monde des rêves et en rapporte de quoi aider ou répondre aux question de ceux de sa tribu qui lui en ont fait la demande. Et raconter le rêve qu’on a fait pendant la nuit peut parfois prendre jusqu’à 1h et plus ! Alors que chez nous, cela ne prend pas plus de 2 ou 3 minutes, quand on s’en souvient !
D’autres exemples sont plus étonnants encore et peuvent même mettre mal à l’aise, si cela est bien vrai, qui mettent effectivement en scène des êtres singuliers et non humains, qui implique de recourir à des rituels de chamans, de voyantes ou de guérisseurs, correspondants aux contextes culturels et mythiques de la personne qui rêvent de tels personnages.
Au final, une lecture atypique dont j’en suis sorti mitigé, interloqué, étonné mais intéressé !
Les éditions
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La Nouvelle Interprétation des rêves
de Nathan, Tobie
Odile Jacob
ISBN : 9782738129598 ; 10,50 € ; 07/03/2013 ; 249 p. ; Broché
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