Le complexe d'Oedipe
de Roger Perron, Michèle Perron-Borelli

critiqué par Cédelor, le 9 avril 2025
(Paris - 53 ans)


La note:  étoiles
L’essentiel du complexe d’Œdipe
Ce petit livre de la collection « Que sais-je » aborde de manière voulue succincte mais reste pourtant dense malgré ses 124 pages la problématique du Complexe d’Œdipe.

Le complexe d’Œdipe, tout le monde ou presque en a une idée, tellement ce concept dit « psychologique » est répandu dans la société. Cela se résume à cela : le petit garçon veut sa mère pour lui seul et éliminer son rival, son père. Pour la petite fille, c’est le père qu’elle veut pour elle et éliminer sa mère. Pour cette dernière, on l’appelle plutôt complexe d’Electre. C’est la définition que tout le monde a en tête, plus ou moins clairement. Et ce n’est pas faux, c’est effectivement cela. Mais ce n’est pas que cela ! Et c’est là qu’un concept psychologique vu comme simple se complique.

Disons tout d’abord que le complexe d’Œdipe est un élément fondateur de la psyché humaine et détermine pour la plus grande part ce qu’elle sera à l’âge adulte. C’est déjà montrer toute son importance. Et entre filles et garçons, les choses ne se passent pas exactement pareil, leurs complexes respectifs ne sont pas l’exact reflet inversé de l’un par rapport à l’autre. Des distinctions de vécu et d’élaboration psychique dus à leur genre font que les complexes d’Œdipe et d’Electre quoique semblables diffèrent toutefois. Enfin, le petit garçon peut éprouver le complexe d’Œdipe classique, dit « direct » ou « positif » (désir de la mère, rejet du père) mais également le contraire (désir du père et rejet de la mère), ce qui est appelé complexe « inversé » ou « négatif ». Et le petit garçon peut passer d’un complexe à l’autre à des moments divers et à des degrés variables au gré des circonstances de sa vie. Il en va bien sûr de même pour la petite fille selon son schéma propre. Avec généralement une prédominance du complexe « direct », qui doit aboutir plus tard à l’hétérosexualité adulte. « Doit » car le complexe d’Œdipe (et d’Electre) est toute une machinerie psychique complexe et fragile. Il doit parvenir à être résolu quand le garçon et la fille entre dans l’âge adulte pour pouvoir vivre une sexualité et des relations humaines aussi normales et épanouissantes que possibles. Car si le complexe a été mal résolu dans la petite enfance, des scories et régressions mentales reste accrochées à la psyché adulte, pouvant amener des névroses (obsessions, phobies, perversions, etc…).

Avant cela, les auteurs s’attachent à retracer ce qui passe dans la psyché de l’enfant qui permettent d’aboutir au complexe d’Œdipe, et ce dès la naissance, voire avant. Autant dire que la psychologie humaine est toute une construction, qui se fait pas à pas, tout du long de sa croissance. Je ne vais pas retracer ici toutes les étapes, le livre le fait très bien et beaucoup mieux que je ne pourrai jamais le faire.

Dans ce livre, on y parle ainsi du mythe d’Œdipe originel de Sophocle, des rêves et leurs interprétations, de l’angoisse de castration, du stade oral et anal, du transfert, du surmoi et du ça, etc, qui tous précèdent, suivent ou dépassent le complexe d’Œdipe, élément central du développement psychologique. Cela permet pour une grande part de balayer tous les concepts que Freud a créé et développé.

Car ce petit livre a été écrit en reprenant quasiment toutes les thèses freudiennes. C’est ainsi que j’ai compris que Freud avait été le premier à théoriser le complexe d’Œdipe. Et non seulement ceci, mais il a bel et bien bâti à lui seul l’ensemble de la théorie psychanalytique. Tout un travail colossal, à partir duquel ses successeurs se sont plus ou moins réclamés ou démarqués, auront enrichi ou critiqué tel ou tel aspect de sa théorie, mais il est resté la référence première, incontournable, le Père de la psychanalyse, qui est toujours pratiqué aujourd’hui.

Pour en revenir au livre de Roger Perron et Michèle Perron-Borelli, j’y ai appris ainsi comment, du point de vue des scientifiques et des psychanalystes, s’élabore la psyché humaine jusqu’au complexe d’Œdipe si important et au-delà. C’est d’une lecture très enrichissante quoique d’un sujet très complexe, que les auteurs ont su rendre accessible, autant qu’ils le pouvaient et sans jargons inutiles de spécialistes. C’est finalement un ouvrage très accessible pour qui veut s’en donner la peine de l’aborder et de se concentrer dessus, mais pour se délasser à la plage l’été, c’est une lecture qui sied mal !

Pour finir, je dirais que les auteurs l’ont élaboré en reprenant les thèses que Freud avait déjà décrits dans ses divers ouvrages, additionné de nombreuses autres références d’autres auteurs, comme Mélanie Klein, Tobie Nathan, et d’autres, inconnus de moi mais certainement non moins compétents. Une absence de taille toutefois, ils ne citent presque pas Jung.

Pour ceux que ces thèmes intéressent sans se sentir obligés de lire toute la littérature plutôt foisonnante sur la psychanalyse, ce livre en sera une excellente introduction ou bien synthèse.