Désobéir
de Frédéric Gros

critiqué par Ambalaba, le 10 avril 2025
( - 44 ans)


La note:  étoiles
Obéir ou désobéir et pourquoi ?
Le livre commence très bien : ''Et pourquoi, devant l'imminence de la catastrophe restons-nous encore aujourd'hui les bras ballants, et les yeux, je ne dis même pas résignés mais cherchant à regarder ailleurs ?") et aborde de front la question de pourquoi nous obéissons (qu'est-ce qu'on risque, qu'est-ce qu'on perdrait...
Cette question remonte au moins à La Boétie et à son ''Discours de la servitude volontaire''. Il est vrai que si le peuple cesse d'obéir à un despote, ne se conforme pas à des lois iniques, il peut faire échec à l'injustice et imposer une société équitable et humaine.
Mais après deux premiers chapitres très pertinents, l'auteur esquive la question suivante, vitale : quoi faire et comment faire ? Il se lance dans des digressions de tous ordres : qu'en penserait Jésus, que dit Socrate, comment Eichmann a-t-il pu, etc... en évitant - notamment - la question de la lutte armée, par exemple . M. Begin, chef d'une milice qui commit des attentats meurtriers contre des civils (Hôtel King David, en 1946) fut premier ministre, et ''respecté'' formellement par (presque) tous, jusqu'à recevoir un Prix Nobel de la Paix ! Des actions meurtrières ont émancipé des peuples entiers de dictatures sanglantes. Justifié ou pas ? Voilà la question, car en cas de dissymétrie abyssale du rapport des forces et des violences subies, les opprimés du ghetto (par exemple celui de Varsovie) ont-ils légitimité pour s'armer et tuer pour se tirer de l'enfer ? C'est un des thème étrangement absent du livre. Car désormais, par des distorsions sémantiques, envisager qu'une lutte armée - lorsque tous les moyens légaux sont sans effet - soit le seul moyen sous la botte d'un oppresseur impitoyable et armé jusqu'aux dents de bombes, missiles, tanks... est devenu un délit.
Néanmoins, le texte est très riche de références philosophiques, de notations sociales et morales, et donne matière à réflexion sur un thème qui risque hélas de devenir urgent.