Animus et Anima
de Emma Jung

critiqué par Cédelor, le 10 avril 2025
(Paris - 53 ans)


La note:  étoiles
Animus et Anima, nos parts masculines et féminines
Cet ouvrage de 162 pages aborde les notions d’Anima et d’Animus. Qu’est-ce que c’est ? L’Animus est la composante psychique masculine de la femme et l’Anima celle féminine de l’homme. Elles « habitent » l’inconscient personnel mais sont aussi une émanation de l’inconscient collectif, là où se « nichent » les archétypes communs à l’humanité. L’Anima et l’Animus sont 2 de ces archétypes, et chacun de nous les porte en soi. Ils représentent les attributs du féminin en l’homme et ceux du masculin en la femme. Ces attributs, la plupart des gens ne les reconnaissent pas ou les ignorent, car « ils gênent leurs adaptations sociales ou l’image idéale qu’ils se font d’eux-mêmes ». De ce fait, ils restent inconscients. Pouvoir les réintégrer à sa personnalité, c’est-à-dire pour l’homme reconnaître sa part féminine et pour la femme reconnaître sa part masculine fait des nous des êtres humains plus complets et plus harmonieux.

Voilà pour leur définition, très sommaire, que je rapporte pour les besoins de la critique. Emma Jung, qui a été la femme de Carl Gustav Jung et qui a été aussi analyste, les explique plus en détails. Ce présent ouvrage est divisé en deux parties, une première partie consacrée à l’Animus et la seconde à l’Anima.
Je dois dire que la première partie m’est apparue comme un véritable gloubi-boulga de notions mal comprises et mal restituées. C’est là que je me suis dit qu’être la femme d’un grand penseur et partager avec lui ses jours ne lui confèrent pas automatiquement la même compréhension des travaux du savant de mari et qu’elle aurait dû s’abstenir d’écrire ce livre. Tenez, au hasard : « quand l’esprit masculin s’efforce d’acquérir des connaissances, l’esprit féminin s’en tient à des croyances ou des superstitions ou à des conjectures ». Ou bien : « est-ce que j’exagère en affirmant que c’est par la magie des mots, l’art du discours, que l’homme séduit immanquablement la femme et l’envoûte le plus facilement ? » et autres maladresses et préjugés de ce genre, qui étonnent sous la plume d’une femme censée être analyste ! Je sais que ce livre été écrit en 1934, mais quand même !

En clair, une première partie indigne du niveau attendu pour un livre traitant de psychologie. Je m’étonnais qu’on eût pu laisser publier un tel texte. Surtout sous le nom de Jung, synonyme d’excellence et de génie, même si c’est sa femme qui l’a écrit. À moins que ce ne soit un problème de traduction de l’allemand vers le français et que cette dernière soit ratée ? Je ne peux en juger et je lui en aurais laissé volontiers le doute.

Mais arrive la seconde partie traitant de l’Anima. Et là le ton change. Tout à coup, le texte se fait plus cohérent et convaincant. On apprécie enfin ce qu’on lit et on le trouve en plus intéressant ! C’est pourtant le même traducteur et la même auteure. Que s’est-il passé pour qu’il y ait une telle différence de qualité entre les deux parties du livre ? Mystère.

C’est peut-être dû au fait que la première partie était surtout théorique et abstraite, donc difficile maniable à l’auteure pour exposer ce qu’est l’Animus. Alors qu’il lui a dû être plus facile d’écrire la seconde partie car plus concrète, car accompagnée pour la démonstration de récits, contes et mythes censés illustrer l’Animus. Et c’est vrai que cela fonctionne beaucoup mieux ainsi. Pourquoi ne pas avoir rédigé la première partie sur le même mode ? C’est dommage.

Donc, pour cette seconde partie, Emma Jung rapporte nombre de contes et légendes qui viennent en appui à son propos sur l’Animus. Et c’est bien la partie la plus intéressante du livre. En résumé, tous les histoires que l’auteure rapporte ont des points communs entre elles. Elles pourraient toutes se schématiser ainsi : un homme passe au bord d’un lac, y voit se baigner une ou trois très belles jeunes filles, qui peuvent être nymphes, ondines, fées, etc.. L’une d’elle accepte de se marier avec lui et de le rejoindre vivre parmi les humains mais une condition qu’elle lui impose, qui peut être la laisser sortir une fois par semaine, ou ne pas la taper, ou ne pas la voir nue, etc. L’homme accepte et vivent ensemble plusieurs années et ont des enfants. Mais le plus souvent, l’homme ne peut tenir sa promesse qu’il a faite à sa femme, volontairement ou non, qui alors s’enfuit, et retourne à l’élément liquide qui était le sien avant de le rencontrer. Donc la jeune fille représente l’Anima de l’homme. En se mariant avec elle, il l’intègre à sa personnalité et se complète ainsi. Mais il arrive qu’il ne puisse pas l’intégrer et alors l’Anima retourne à l’inconscient dont elle est issue, qui était représentée par le lac par ex. Voilà le schéma de base, et chacune des histoires ont en fait leurs caractéristiques et différences propres. Et telles qu’elles sont présentées et commentées par l’auteure, on passe un vrai bon moment à les découvrir, c’est à la fois instructif et divertissant.

Ce qui rehausse in fine la note que je donne à cet ouvrage ! mais hélas plombée par la première partie pas du tout au niveau, au moins pour la mentalité de notre siècle.