A Islande !
de Ian Manook

critiqué par Tistou, le 11 avril 2025
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Manook fait son Loti.
Ian Manook fait son Pierre Loti avec ce A Islande (ainsi qu’on le disait début XXème des mers qui bordent l’île) qui nous parle de Lequéré et Kerano, deux bretons embarqués sur la goélette « La Catherine », en 1904 depuis Paimpol, pour une campagne de pêche à la morue au large des côtes d’Islande. « Pêcheurs d’Islande », bonjour !
Il a dû beaucoup se documenter, le Ian Manook, sur l’époque, les goélettes de pêche en Islande, pour être aussi précis, aussi pointu sur ses descriptions et le déroulé de l’histoire en lien avec les particularités de l’époque ! Qu’il soit documenté plus spécifiquement sur l’île, le pays Islande, ça on le savait avec sa série de polars (Heimaey, Askja, Krummavisur). Mais après la Mongolie (série Yeruldelgger), le génocide arménien où disparurent une notable partie de ses ancêtres (L’oiseau bleu d’Erzeroum), Il s’intéresse à nouveau à une époque de l’histoire, cette époque où des marins bretons partaient pour six mois de Paimpol pour vivre une vie de forçat, enfermés sur une goélette à remonter de la morue à tour de bras, avec de notables chances d’y rester (naufrages, accidents, maladies, …).
Début XXème donc, Kerano, instituteur breton veut vérifier par lui-même ce qu’il en est de la « geste » glorifiant les « Islandais », ces pêcheurs qui quittaient leur pays, leur famille, de longs mois pour se colleter aux terribles rivages islandais. Beaucoup d’idéalisme bien sûr et très vite Kerano va s’apercevoir que c’est une terrible erreur. La « geste » n’est qu’un mythe et lui n’est pas fait pour supporter la mer et la promiscuité d’une goélette. Il va de suite devenir le souffre-douleur, le chat noir, de l’équipage. Seul Lequéré, matelot d’expérience lui apportera son soutien.
Les conditions de vie que relate Ian Manook sont terribles mais il est très convaincant.

»- Au banc ! Haut la veille ! hurle le capitaine en sonnant la cloche.
Le poste d’équipage n’est qu’un trou sombre et puant, logé en pointe dans le bois de la proue. Une tanière. Un antre. On s’y cogne le front aux barrots du pont avant, et les épaules aux couples et aux bauquières bombant les bordés sans vaigres de la coque. Et gare à celui qui, bousculé par un coup de mer, se rattrape dans un mauvais geste au poêle brûlant qui y ronfle en permanence et condense sur les lisses le froid de la mer du dehors.
Les hommes hirsutes, les articulations corrodées par la douleur, s’extraient d’un mauvais sommeil dans leurs cabanes. Des niches en bois, des lits à la bretonne, clos d’une planche qui coulisse, et qu’ils partagent à deux à tour de rôle … »


Mais les mers froides là-haut étant ce qu’elles sont, furieuses et agitées, sujettes au brouillard, « la Catherine » va mal finir et la suite va se dérouler à terre du côté du fjord de Faskrudsfjördur. La suite, et la fin, pour Kerano et Lequéré. C’est l’occasion d’épisodes islandais mais, à l’instar de Pierre Loti, qui ne pouvait pas trouver de fin heureuse, Ian Manook nous fera pleurer.
On est loin du Ian Manook auteur de polars, plus proche de celui dissertant sur le génocide arménien, en tout cas un Ian Manook tout à fait digne d’intérêt et qui mérite qu’on le lise.
Eclectique, c’est ce qui me vient en tête quand je pense à son oeuvre …