Les invaincues
de Natalie Haynes

critiqué par Froidmont, le 12 avril 2025
(Laon - 33 ans)


La note:  étoiles
La guerre de Troie sous l'oeil des femmes
La guerre touche l'homme et la femme avec lui :
Deuil, viol, coups, perte et pleurs, enfant, femme ou bien mère ;
Égorgée ou esclave, elle rejoint la nuit
Du cortège d'Arès, victime de la guerre.

C'est la guerre de Troie et ses visions d'horreur,
Ses prodiges guerriers, ses terribles attentes
Sous les regards glacés, durs, émus ou railleurs
Des femmes qui ont vu de près, de loin ces pentes.

L'idée, en soi, est bonne et vaut bien le détour.
C'est rafraîchir les mythes très masculinistes
En jetant un regard neuf et un nouveau jour
Sur les contes connus pour montrer d'autres pistes.

Mais ce n'est pas toujours fait merveilleusement.
Examinons d'abord la construction globale :
Tout n'est pas raconté chronologiquement,
Parfois on est après l'incendie dans les salles

De Troie la magnifique et quelquefois avant ;
Incessant va-et-vient de l'effet à la cause.
Après tout pourquoi pas, car, fait correctement,
Une telle structure est une bonne chose ;

Toutefois le contexte peut seul nous aider,
Navire hasardeux qui d'abord nous égare,
A savoir si nous sommes avant ou après.
Agaçant, à la longue c'en est une tare !

Cependant ce principe aura duré surtout
(Sans être trop gênant, car le contexte éclaire)
La première moitié du roman, l'autre bout
Dit les événements de façon linéaire.

Non, ce qui m'a le plus agacé le lisant,
Ce sont les sept chapitres signés Pénélope.
Ils semblent insensés, et sur au moins trois plans :
D'abord ce sont des lettres, premier point qui achoppe,

Car elle ne sait pas où il faut envoyer
Chacune de ces lettres pour qu'elles parviennent
à Ulysse égaré sur les flots déchaînés
Où les rages des dieux pour dix ans le retiennent ;

Autre point illogique, et même décevant,
C'est que ces lettres sont à la gloire d'Ulysse :
Elle y conte sa geste et va le grandissant,
Or j'aurais mieux aimé qu'elle soit moins complice,

Qu'elle expose plutôt son humble quotidien,
Sa façon en ces temps d'être femme héroïque,
L'attente qui épuise et la ruse des mains
Qui a tenu patients ses prétendants lubriques.

Elle en parle quand même, mais c'est marginal.
Je la trouve effacée derrière son Ulysse :
Je voulais l'entendre, elle ; c'est le thème central,
Tout le projet du livre coule en cet abysse.

De ces lettres ressort un autre étrange point :
Comment sait-elle tout des grandes aventures ?
« Un aède est venu. » Cette idée ne vaut rien !
Comment donc l'a-t-il su ? Quelle est cette imposture ?

C'est chez Alkinoos qu'Ulysse a tout conté,
C'est en fin de voyage qu'on connut ses peines.
Comment un vieil aède a entendu parler
De sa séquestration, ses actuelles chaînes,

Et en a rapporté avec de justes mots
Le récit intégral à sa tremblante femme,
Alors que lui était toujours chez Calypso
A chauffer ses deux mains à sa divine flamme ?

Et pourquoi donc encor va-t-elle raconter
Le voyage d'Ulysse et tout ce qui s'y passe
Avec force détails à qui a traversé
Ces dangers périlleux à la première place ?

Ça ne fait aucun sens ! Pourquoi faire cela ?
Je soupirais du cœur en changeant de chapitre,
Quand je voyais le nom de Pénélope en gras.
Que me réserve-t-elle encore en son épître ?

Outre cela le reste se lit vraiment bien.
Mais le titre français, traduction maladroite
D'« Un millier de vaisseaux », appelle un chat un chien.
Bref un livre agréable qui par moment boite.

Mais j'aime cette époque et m'y suis engouffré
Avec un plaisir fou, quoique la grogne tinte,
Et je le recommande au fou d'Antiquité,
Qu'il boive ce nectar sans écouter mes plaintes.