Jean Genet, menteur sublime
de Tahar Ben Jelloun

critiqué par Pucksimberg, le 26 avril 2025
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Magnifique introduction sur Jean Genet
Tahar Ben Jelloun a pu côtoyer de façon inégale Jean Genet durant une dizaine d’années, est donc par ce fait un témoin direct idéal pour peindre cet écrivain à la plume magnifique, aux multiples engagements et à la vie libérée. Cet ouvrage n’est pas un roman, mais la peinture d’un homme au seuil de son existence qui est en train de produire l’un de ses textes les plus marquants : « Un Captif amoureux ». Le livre se découpe en de multiples sections qui abordent des thèmes importants pour définir Jean Genet : Tanger, Giacometti, Homosexualité, Mohamed, Mort de Sartre, Sabra et Chatila et plein d’autres. L’on y découvre un auteur avec un sacré tempérament, son engagement pour la Palestine, sa relation avec ses amants, ses idées sur la littérature, son attachement au Maroc et à certaines idées arabes … Tahar Ben Jelloun a même couché sur papier certaines discussions qu’il a eues avec l’auteur des « Bonnes ». Parallèlement à ces indications sur cet auteur, l’écrivain parle aussi de lui, de sa relation avec Genet, de ses idées comme si cette œuvre était une continuation des multiples dialogues avec Jean Genet.

J’ai trouvé ce texte passionnant et très éclairant sur Jean Genet, surtout que tout est vu par un écrivain qui l’a fréquenté et qu’il semblait considérer comme un ami, lui qui pourtant portait haut la force de la trahison. Nous découvrons cet écrivain, avec ses qualités et ses défauts, avec ses témoignages de tendresse et sa brutalité verbale parfois. Il n’avait pas une personnalité facile et semblait vraiment être un personnage. Abandonné par sa mère, révolté contre la France, Jean Genet reste un auteur en marge, à la recherche d’un ailleurs et viscéralement engagé dans des causes qui lui tiennent à cœur, mais qui n’étaient pas partagées par le plus grand nombre comme celle de la Palestine, les Black Panthers ou la bande à Baader. Il y a chez Genet cette capacité à accorder peu d’importance à ce que pensent les autres et un besoin instinctif de se battre pour des êtres qu’il aime ou des sujets qui le touchent.

L’écriture de Tahar Ben Jelloun est efficace, soignée et au service de son propos. C’est Jean Genet qu’il dépeint avec justesse même s’il devait avoir une certaine sympathie pour l’auteur. Ce n’est pas un texte hagiographique, mais une tentative d’aborder cet écrivain, si détesté et si adulé par le lectorat, à la plume si poétique et pourtant capable de dépeindre des scènes crues et choquantes parfois. Cet ouvrage permet de saisir de nombreuses choses sur Genet et pourrait être considéré comme une formidable introduction sur cet écrivain avant d’aborder ses textes. Cela m’a passionné et a permis de mesurer certains éléments sur l’auteur. Sa personnalité peut aussi éclairer la compréhension de certains textes. Par le biais de cette analyse littéraire, c’est aussi une époque qui est photographiée et Genet est replacé dans son contexte. « Jean Genet, menteur sublime » permet de plonger dans cette époque à travers le regard de Tahar Ben Jelloun.