Les fleuves immobiles: Voyage en pays papou
de Stéphane Breton

critiqué par Tistou, le 27 avril 2025
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Dépassement de soi en Nouvelle-Guinée
Stéphane Breton est ethnologue et s’est passablement intéressé à la Nouvelle-Guinée et à ses vastes territoires pas (peu) explorés. On nous dit qu’il y a voyagé plusieurs mois sur le fleuve Sepik.
Ce serait ce que raconte ce genre de carnet de voyage, carnet de voyage qui n’en est pas vraiment un. On ne sait pas par ailleurs s’il s’agit de fiction (tel que présenté sur Amazon) ou de ressentis durant ce voyage. Je pencherais personnellement pour la seconde proposition.
Mais la forme n’a pas grand-chose à voir avec un carnet de voyage. C’est plutôt un recueil d’états d’âme et de considérations philosophico-poétiques dans le cadre du voyage.
Le démarrage prend la forme d’un carnet de voyage, en effet :

»L’aéroport de Bruxelles ressemble à une piscine.
La Nouvelle-Guinée s’est levée pour moi tôt ce matin dans l’ombre d’une rue, comme un paysage de mi-sommeil. Elle a recommencé d’exister avant même de rencontrer mes pas. Des odeurs sont montées en moi que je n’avais jamais senties. J’ai compris alors que ce voyage que je ne faisais pas seul n’aurait qu’un passager.
A l’escale d’Amsterdam, j’achète une boîte de cigares et deux bouteilles de whisky. Pour oublier les moustiques. »


Puis une escale à Bombay, puis Jakarta … Stéphane Breton fait alors des sauts de puce, d’une île à l’autre, jusqu’à arriver à Jayapura. C’est la Nouvelle-Guinée.
La suite est beaucoup plus décousue. De courts paragraphes. D’abord sur la préparation du voyage vers la jungle, pas trop autorisé par les autorités indonésiennes puis le voyage lui-même, en pirogue, à coup de marches épuisantes, saoulé de faim, de fatigue, confronté à un monde et des comportements totalement différents.
Le côté décousu m’a laissé sur le côté, un peu spectateur d’un qui se regarderait écrire. C’est l’impression que ça m’a fait. Des fulgurances, des considérations justes, mais noyées dans un amalgame philosophico-poétique, je l’ai dit, qui m’a dérouté, un peu agacé. Un échantillon :

»Autre mariage de la main gauche : secouer un arbre, bercer un enfant, se rincer la bouche (mais se gargariser aussi bien), renforcer, grossir ou faire grossir. Tout cela reçoit la bénédiction d’une unique racine verbale qu’au plaisir de prononcer je n’ai su résister.

L’œil qui nous vient avec son compagnon au milieu du visage, ils appellent cela « la pierre » ; le tranchant d’une hache : « la dent ». La boucle est bouclée. Au fond de l’homme, le monde ; au fond du monde, l’homme.

Philosophes en arbre, ils ne disposent pas de verbe pour décrire l’action d’une pluie ayant choisi, à l’instant même, de descendre sur eux. Néanmoins, l’occasion étant furtive, ils en ont un lorsqu’elle s’arrête. »


Le retour s’avèrera compliqué. Aussi bien pour quitter la jungle de montagne proprement dite et revenir au rivage que le retour en nos contrées calibrées.
C’est sûr. Ca doit faire un choc.
Au bilan, une lecture pas forcément facile, qui aurait pu l’être, probablement, au prix d’un peu plus de rationalité.