Les princes de Sambalpur: Une enquête du capitaine Sam Wyndham
de Abir Mukherjee

critiqué par Septularisen, le 27 avril 2025
( - - ans)


La note:  étoiles
LES MAHARAJAHS D’INDE COMME VOUS NE LES AVEZ JAMAIS LUS.
Au début de l’histoire, nous sommes le vendredi 18 juin 1920, à Calcutta en Inde. Nous retrouvons notre vieille connaissance, le Capitaine Sam Wyndham (1), ancien de la branche spéciale de Scotland Yard chargée de lutter contre les nationalistes irlandais et maintenant membre de la police Royale d’Inde.

Toujours accompagné par son fidèle second, le sergent brahmane Satyendra «Sat» Banerjee, ils se rendent au Palais du Gouvernement, où se tiennent des entretiens concernant l’instauration d’une nouvelle institution : La Chambre des Princes, une sorte de Chambre des Lords pour les indigènes. Ils viennent rencontrer son Altesse Sérénissime le prince héritier Adhir Singh Sai de Sambalpur (petit royaume de l’Orissa, célèbre pour ses prodigieuses mines de diamants), le fils aîné du maharajah de Sambalpur (le cinquième homme le plus riche d’Inde), qui a fait ses études universitaires au Royaume-Uni en même temps que Sat.

Adhir a demandé à les voir pour leur parler de deux lettres anonymes qu’il a trouvées dans ses appartements privés dans le palais de son père. Mais, alors que nos trois compères prennent une Rolls-Royce, avec le colonel Shekar Arora comme chauffeur, pour se rendre au Grand Hôtel et qu’ils sont en chemin, un individu bondit devant la voiture, tire plusieurs balles et assassine le prince Adhir, sous les yeux du capitaine Wyndham et du sergent Banerjee…

Que dire sur ce livre? C’est d’abord et avant tout une somptueuse fresque de l’Inde dans les années 1920, alors sous colonisation du Royaume-Uni. Comme souvent dans ce type d’enquêtes on retrouve donc le couple d’inspecteurs (très) mal assortis, ici le «pur» anglais et son subordonné… L’indien. L’un étant tenaillé par le fait de devoir défendre la «supériorité morale» des anglais sur le peuple qu’ils dominent, alors qu’il doute du bien fondé de tout cela…
Quant à l’indien, - qui a fait des études universitaires à Cambridge en Angleterre -, si sa raison lui dit qu’il doit faire respecter la Loi de ceux qui asservissent son peuple, son cœur penche, lui, du côté de ceux qui réclament l’indépendance de l’Inde...
C’est très bien écrit, très bien traduit, de façon très intelligente, mais facile à lire, avec beaucoup d’humour. Il y a aussi beaucoup de «recul», qui nous permet de découvrir vraiment très bien la psychologie du personnage principal.

Que dire de plus? Les descriptions sont magnifiques, c’est simple, en lisant ce livre, j’ai vraiment cru être en train de visiter la cour d’un maharajah de l’époque. Le dépaysement est total, le changement d’ambiance aussi. Il y a aussi les pouvoirs royaux millénaires, les religions avec leurs rites et leurs fanatiques, les tensions politiques, les mines de diamants, les intrigues de la cour, les funérailles fastueuses, les exécutions sauvages, les castes, les codes ancestraux…
Et dans ce deuxième épisode, les personnages, - notamment Sat (qui habite maintenant en colocataire avec Sam), et Melle. Annie Grant (le «Love interest» de Sam), sont bien mieux développés et décrits, tant physiquement que psychologiquement… Que demande de plus le simple profane pour pouvoir lire un très bon polar historique?

Qu’est-ce que je n’ai pas aimé dans ce livre? Outre parfois quelques longueurs inutiles, la fin m’a une nouvelle fois un peu déçu (non, n’insistez pas, je ne vous la raconterai pas, elle est dans le livre!..). Encore une fois, la fin tombe un peu à plat. Encore une fois je me suis retrouvé à me dire: «Tout ça, pour… Ça?»… Mais bon, le reste du livre, avec ses multiples rebondissements, et quelques retournements de situation auxquels on ne s'attendait absolument pas, - notamment celui à la toute fin du livre -, compense largement la fin quelque peu, en... disons en «Queue de poisson»?..

Qu’est-ce que j’ai aimé dans ce livre? La découverte de l’Inde à travers les yeux du héros, est sans pareil! L’auteur arrive à nous restituer sans problèmes les fumeries d’opium, le faste des palais du Maharajah, le «zenana», le harem du Maharajah, avec ses trois femmes et ses centaines de concubines et d’enfants, et entourés d’eunuques, sa collection de voitures européennes, ses chauffeurs italiens, ses cuisiniers français, ses chasses au tigre du Bengale…
Et bien sûr c’est aussi une critique acerbe et sans concessions de la colonisation britannique de l’époque, on «sent» vraiment la haine croissante des indigènes envers les colons, le racisme ordinaire, la condescendance des colons envers les autochtones, le mépris des «sang-mêlés»…

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui! Mais alors, oui et sans hésiter une seule seconde! C’est passionnant, captivant, très bien documenté, très bien restitué, et sous couvert d’une simple enquête policière on (re-)découvre l’histoire, la vie et les mœurs de l’Inde de cette époque… Je dirais même que ce deuxième opus est même meilleur que le premier volume, c’est dire…
A l’instar de V.S. NAIPUL (1932 – 2018) (2), d’Hanif KUREISHI (*1954) (3), ou bien encore de Salman RUSHDIE (*1947) (4), ne passez surtout pas à côté d’Abir MUKHERJEE (*1974), la dernière pépite en date que l’empire colonial britannique nous a laissé!

(1). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/70943
(2). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/20139
(3). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/2765
(4). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/696

P. S. : Si chaque volume de la série Capitaine Sam Wyndham peut être lu indépendamment des autres, je conseille toutefois de lire les volumes dans l’ordre de parution, ceci afin de mieux appréhender l’histoire dans sa globalité. P. ex. dans ce volume on ne peut comprendre l’addiction du héros à l’Opium ou bien ses relations très particulières avec Melle. Annie Grant si on n’a pas lu le premier volume de cette série.