Impardonnable de Mathieu Menegaux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Portrait de la justice française
La route est une lame au tranchant sans pitié ;
Elle coupe le temps, elle coupe l’espace,
Et si l’on n’y prend garde en y posant le pied,
Elle coupe nos vies sans accorder de grâce.
Anna est un destin brisé par cette horreur :
Une enfant arrachée, une haine tenace,
Les épaules tenues par les doigts du malheur
Dont les griffes toujours restent longtemps en place.
Paul, lui, fut le faucheur d’un corps adolescent ;
Il connaîtra la geôle de feu et de glace,
Sombre réserve où l’Homme un peu plus bas descend,
La culpabilité et la vie l’y terrassent.
C’est en bon pédagogue que l’auteur nous prend,
Nous mène sur les voies noires d’ombres qui passent,
Expose le système avec ses errements,
Et comment la justice parfois se déplace.
Si Paul et Anna sont de crédibles humains,
Anna m’a agacé par sa rage vivace :
A vouloir la douleur, les sévices, les poings,
Sa monstruosité l’emplit et la dépasse ;
Mais je sais bien aussi, à parler sans mentir,
Que je ne serais pas d’une plus haute classe,
Que mes rêves seraient pleins du corps à rougir
Du coupable qu’avec joie je prendrais en chasse.
Je ne vaux guère mieux, n’idéalisons rien ;
Mais vu de l’extérieur, bien au chaud à ma place,
Elle m’a paru trop, elle m’a semblé chien
A nourrir sa rancœur quoi qu’on dise ou qu’on fasse.
Mais l’histoire de Paul m’a attrapé le cœur,
Car ce basculement de bonheur en disgrâce
M’a fait craindre qu’un jour un semblable malheur
Puisse frapper chez moi, jamais ne se défasse ;
Sans pourtant y mêler les grands torts de l’alcool,
Il y a tant de choses qui sont et dépassent
Notre maîtrise même, et le juger hors sol,
Pouvoir être coupable malgré soi me glace.
Dans l’ombre de Stendhal, clins d’œil aux happy few,
Mathieu Menegaux sort des coups de coude en masse :
Des vers de Jacques Brel ou bien d’autres cailloux
Sur lesquels ma patience à force se fracasse.
Je reste aussi sceptique, et peut-être est-ce un tort,
Qu’une haine mâchée et qui prend tant de place
En une heure et demie d’échanges et d’efforts
Cède au soulagement et s’amenuise, lasse.
En somme intéressant, c’est un livre instructif
Dont l’histoire se suit en restant efficace ;
Mais il m’a semblé être un fil long et rétif :
Sans déplaire son cours n’a pas mes bonnes grâces.
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Les éditions
-
Impardonnable [Texte imprimé], roman Mathieu Menegaux
de Menegaux, Mathieu
B. Grasset
ISBN : 9782246838708 ; 20,00 € ; 08/01/2025 ; 234 p. ; Broché
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un roman prégnant et sensible
Critique de CHALOT (Vaux le Pénil, Inscrit le 5 novembre 2009, 77 ans) - 8 mai 2025
Ces deux « accidents » se ressemblent
Dans l’un c’est une jeune fille de 16 ans, Lucie qui trouve la mort, reversée la nuit par un chauffard. La famille de la victime est anéantie, la mère sent qu’elle ne s’en remettra pas, elle en appelle à une justice dure.
Dans l’autre, c’est un homme, Paul qui ayant lui aussi un peu trop bu renverse et tue un jeune qui se trouve sur un scooter, il fuit et est retrouvé par la police.
L’auteur de ce livre nous fait suivre Anna, la mère de Lucie dans son combat pour que le coupable soit puni et croupisse en prison. Cet homme aura droit à une peine minorée sans perte de liberté autre que le port du bracelet électronique.
Nous suivons l’autre chauffard, Paul qui lui est condamné à une peine de prison de sept ans à la maison d’arrêt de Melun. C’est un homme brisé qui n’a plus aucun contact avec ses deux filles par décision de sa femme qui vient de la quitter.
Il cherche à se reprendre, à réfléchir à ce qui l’a conduit en prison.
Anna et Paul qui ne se connaissent pas sont tous les deux enfermés, la première dans sa douleur insurmontable et Paul dans sa prison où il n’est qu’un numéro sans dignité et même identité reconnue.
Ils sont se rencontrer dans le cadre de la justice restaurative :
Deux personnes ayant vécu des drames similaires, l’une comme coupable d’un délit, l’autre comme victime vont se parler, s’écouter pour essayer de se comprendre.
Face à la carence de la justice punitive, est-il possible de faire vivre, non à la place mais en complément une autre, restaurative facilitant la reconstruction de la victime et l’insertion complète du coupable.
C’est peut-être un rêve, oui mais aussi des perspectives.
Ce roman à la fois prégnant et à la fois sensible nous invite à prendre de la distance pour réfléchir.
Jean-François Chalot
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