Avec la permission de Gandhi: Une enquête du capitaine Sam Wyndham
de Abir Mukherjee

critiqué par Septularisen, le 9 mai 2025
( - - ans)


La note:  étoiles
1921, L’INDE TREMBLE, UN CERTAIN GANDHI PRÔNE LA DÉSOBÉISSANCE CIVILE ET PACIFIQUE…
Au début de l’histoire, nous sommes le 21 décembre 1921, à Calcutta (Bengale) en Inde. Nous retrouvons notre policier préféré, le Capitaine Sam Wyndham (1), de la police Royale d’Inde. Il est pour l’heure dans de très sales draps, puisqu’alors qu’il était dans une fumerie d’Opium du quartier chinois de Tangra, en tant que client, une descente de ses propres collègues de la brigade des Mœurs, - dirigée par l’inspecteur Callaghan -, le surprend en plein sommeil sur sa couchette, une pipe d'Opuim dans les mains…

Sam n’a d’autres choix que de se sauver en courant le plus vite qu'il peut... En essayant de s’échapper par le toit de la maison où il se trouve. Alors qu’il essaie désespérément de semer ses propres collègues de la Force de Police Impériale, il parvient grâce à un petit escalier à rejoindre une trappe donnant sur le toit. Mais, une fois parvenu sur le toit, Sam tombe sur le cadavre d’un chinois, les yeux arrachés, les deux poumons perforés à coup de couteau…

Le lendemain, - alors que la ville est au bord de l’anarchie, avec une vague de démissions parmi le personnel indigène, ainsi que des grèves et des manifestations à ne plus en finir organisées par le parti du Congrès -, son chef, lord Taggart, lui confie ainsi qu’à son fidèle second, le sergent brahmane Satyendra «Sat» Banerjee, l’enquête sur le meurtre de Ruth Fernandes, une infirmière de trente-quatre ans, travaillant à l’hôpital militaire de Barrackpore. Sam pense que c’est un peu ridicule de le mettre sur une simple affaire de mœurs, alors que la démission en masse des indigènes dans les rangs de la police met en péril la priorité du moment, à savoir assurer la sécurité du prestigieux visiteur qui s’annonce dans la ville: le prince Edward, Prince de Galles (1894 -1972).

Mais, il va vite changer d’avis en voyant la dépouille de la jeune femme. En effet on lui arraché les deux yeux, et elle a les deux poumons perforés à coup de couteau. Deux meurtres à dix miles et vingt-quatre heures de distance, montrant des blessures identiques et qui sont loin d’être ordinaires… De quoi bien entendu «attiser» l'intérêt de Sam…

Que dire sur ce livre? Comme les deux épisodes précédents des «aventures» du Capitaine Sam Wyndham, celui est une somptueuse fresque de l’Inde dans les années 1920, lorsque ce pays était colonisé par le Royaume-Uni. On retrouve donc le couple de policiers (très) mal assortis, ici l’anglais et l’indien qui est bien sûr son subordonné… Le premier se sentant le devoir défendre la «supériorité morale» des anglais sur le peuple qu’ils colonisent, alors qu’il se demande sur quoi tout cela est fondé… Le deuxième, - qui a fait des études universitaires à Cambridge en Angleterre -, à qui sa raison dit qu’il doit faire respecter la Loi en tant que policier, alors que cœur penche de plus en plus pour ceux qui réclament l’indépendance de l’Inde...

Que dire de plus? Une fois de plus, c’est très bien écrit, très bien traduit, facile à lire, avec beaucoup d’humour. Les pages se tournent sans qu’on s’en aperçoive vraiment. Les descriptions sont magnifiques, c’est simple, en lisant ce livre, vous êtes en Inde. Le dépaysement est total, le changement d’ambiance aussi.
Et, encore une fois, les personnages secondaires, - notamment le sergent Sat Banerjee, et Melle. Annie Grant (le «Love interest» de Sam), sont bien mieux développés et décrits, - tant physiquement que psychologiquement -, que dans les épisodes précédents.

Qu’est-ce que je n’ai pas aimé dans ce livre? Outre parfois quelques longueurs inutiles, disons que les «ficelles» utilisés par l’auteur sont très «grosses», et très très classiques pour un polar! La fin p. ex. est très classique, et on la voit arriver à des kilomètres. Le reste du livre, avec ses multiples rebondissements, et quelques retournements de situation auxquels on ne s'attendait absolument pas, - notamment celui à la toute fin du livre -, (non n’insistez pas, je ne vous le raconterais pas... Il est dans le livre, vous savez ce qu’il vous reste à faire…), compensent largement ces petites lacunes!

Qu’est-ce que j’ai aimé dans ce livre? L’Inde de l’époque, vue à travers les yeux du héros, est vraiment une découverte extraordinaire! Les fumeries d’opium, p. ex. sont décrites ici de façon absolument étonnante, tout y est, les endroits sordides, l’arrogance de ceux qui les gèrent, les jeunes femmes qui y travaillent, la misère psychologique et physique de ceux qui les fréquentent, etc etc…

Et, - comme dans les deux épisodes précédents -, c’est aussi une critique acerbe et sans concessions de la colonisation britannique de l’époque. On «sent» vraiment la haine croissante des indigènes envers les colons, surtout dans ce volume qui parle de la résistance passive et pacifique envers l’autorité colonisatrice et du combat mis en place par le «Mahatma» GANDHI (1869 – 1948).

Pour finir, est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui! La série ne s’essouffle absolument pas avec les volumes qui passent, je dirais même le contraire, celui-ci étant même pour moi supérieur aux deux précédents, notamment lors du récit de la fin de l’histoire. C’est toujours aussi passionnant, captivant, documenté, restitué, et sous couvert d’une simple enquête policière on (re-)découvre l’histoire, la vie et les mœurs de l’Inde dans les années 1920…
Ne passez surtout pas à côté d’Abir MUKHERJEE (*1974), la dernière pépite en date que l’empire colonial britannique a semé sur son chemin.

(1). : Cf. ici : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/70943 et ici : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/70993 sur CL.

P. S. : Si chaque volume de la série Capitaine Sam Wyndham peut être lu indépendamment des autres, je conseille toutefois de lire les volumes dans l’ordre de leur parution, afin de mieux appréhender l’histoire dans sa globalité. P. ex. dans ce volume on ne peut pas comprendre l’addiction du héros à l’Opium, son amitié avec son Sat, son subordonné, ou bien ses relations très particulières avec Melle. Annie Grant si on n’a pas lu auparavant les volumes précédents de cette série.