Un été avec Alexandre Dumas de Jean-Christophe Rufin
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

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Misère et gloire
Après avoir connu la misère, ce fils de militaire élevé par sa seule mère s'est vite montré soucieux de prendre une vengeance heureuse et fastueuse sur le sort du destin initial. Attiré par les fastes de l'existence, son obstination le fait atteindre les festivités parisiennes et finit par faire école un talent littéraire, ses feuilletons lui faisant accéder à la grande notoriété et aux extravagances de la vie en société. Ce succès et cette rapide montée en puissance lui donnent quelque peu la folie des grandeurs et lui font dépenser sans compter, souvenant au-dessus de ses moyens, sa générosité aidant également.
Solaire et fantasque, croquant la vie à pleines dents, Alexandre Dumas mène grand train et son existence prend la forme de montagnes russes. Ce court ouvrage, non sans drôlerie et admiration, la retrace à grands traits et permet de le connaître pour l'essentiel. La lectrice et le lecteur se plaisent ainsi à s'imaginer en sa compagnie, le temps d'un été, comme l'indique le titre, au moins une journée. Je regrette seulement que ses oeuvres, certes encore plus illustres que lui ne fassent pas l'objet de développements substantiels. Mais ce petit livre en apprend déjà beaucoup sur l'homme et la manière dont il a vécu.
Les éditions
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Un été avec Alexandre Dumas
de Rufin, Jean-Christophe
Éditions des Équateurs
ISBN : 9782382848388 ; 14,50 € ; 07/05/2025 ; 186 p. ; Broché
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Gloire et misère

Critique de Poet75 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 68 ans) - 17 mai 2025
L’essentiel du livre que consacre Jean-Christophe Rufin à Alexandre Dumas consiste à retracer chronologiquement sa vie, quelques chapitres étant néanmoins dédiés à des thématiques. Il faut dire que les événements ne sont pas rares dans le parcours de Dumas, un parcours aussi romanesque que ceux que notre auteur s’est attaché à raconter dans ses œuvres. Petit-fils d’une esclave de Saint-Domingue, né en 1802, il végète dans l’ignorance et la misère jusqu’à sa vingtième année, avant de découvrir sa vocation en voyant une pièce de théâtre. Plus tard, monté, comme on dit, à Paris, il découvre Shakespeare, écrit Christine, sa première pièce et fait un enfant à sa voisine : le futur Alexandre Dumas fils !
Dumas père fut d’abord un auteur de théâtre avant de devenir le romancier que nous connaissons. Ce n’est qu’en 1843, après avoir dû fuir la France pour échapper à ses créanciers et avoir voyagé dans différents pays, surtout en Italie où il séjourna à plusieurs reprises, ayant emprunté dans une bibliothèque un ouvrage intitulé Mémoires de M. d’Artagnan qu’il se lance, avec l’appui d’Emile de Girardin, ingénieux patron de presse, dans le genre qui fit sa gloire : le feuilleton. Il ouvre la voie à un genre dans lequel s’engouffreront d’autres auteurs, Ponson du Terrail, Paul Féval, Gaston Leroux et même Victor Hugo. Le feuilleton, c’est l’équivalent de la série télévisée d’aujourd’hui. Le succès est au rendez-vous, le public se passionne aussitôt pour les aventures des Trois Mousquetaires ou du Comte de Monte Cristo.
Pour parvenir à écrire ses romans-feuilletons, Dumas s’associe à de nombreux collaborateurs. Cela dure une dizaine d’années mais, comme on a affaire à un aussi mauvais gestionnaire que le fut Balzac, la faillite l’oblige à fuir et s’exiler de nouveau. Désireux de participer à de grands événements, il rejoint, pendant un temps, Garibaldi, puis, après la prise de pouvoir de Victor-Emmanuel II, décide de rester à Naples. Il parvient encore à écrire (seul) un de ses romans les meilleurs, La San Felice. Néanmoins, revenu en France, c’est dans la misère qu’il quitte ce monde en 1870.
On saura gré à Jean-Christophe Rufin de ne pas se contenter de dévider la chronologie de la vie aventureuse de Dumas mais aussi d’en analyser quelques aspects et de proposer quelques réflexions avisées sur ce que fut cet homme. Étonnamment, quoique petit-fils d’une esclave de Saint-Domingue, dans ses romans jamais il ne s’éleva ni contre l’esclavage ni contre la colonisation et n’écrivit sur les Noirs qu’en se contentant de recycler les clichés de son époque. Quant aux femmes, il en fréquenta et en séduisit un grand nombre, si grand qu’on pourrait comparer Dumas au don Juan de Mozart dont Leporello énumère les conquêtes (« Mille e tre »). Ses mœurs étaient patriarcales mais, ajoute Rufin, « sans violence et non dénuées d’une véritable tendresse ». Et puis, il faut le dire, il composa, dans ses romans, des portraits d’héroïnes qui ne manquent ni de force ni d’intelligence ni de générosité et demeurent « souveraines de leurs actes et de leurs corps ».
Ajoutons pour finir que, comme le fait très justement remarquer Rufin, il est dommage d’ignorer une grande, très grande, partie de l’œuvre de Dumas. Deux chefs d’œuvre occultent à eux seuls tout le reste de la production de notre auteur : son théâtre, ses impressions de voyage et ses autres romans dont certains, comme La San Felice, sont de véritables joyaux. Plutôt que d’adapter sempiternellement Les Trois Mousquetaires et Le Comte de Monte Cristo, les cinéastes feraient bien de sortir des sentiers battus et d’aller y jeter un œil, dans ces autres romans !
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