Caballero Bueno - Une enquête de l'inspecteur Valverde de Thomas Lavachery, Thomas Gilbert (Dessin)
Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers

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Enquête à Rapa Nui
Cette enquête de l’inspecteur Valverde donnera-t-elle lieu à une série d’albums ? C’est très souhaitable car on a affaire à une BD de qualité et à un personnage qu’on ne demande qu’à retrouver dans d’autres aventures. En guise d’introduction, Thomas Lavachery, l’auteur de cette histoire, en situe le décor et l’action. Nous sommes en 1933, sur l’île de Pâques, île isolée en plein Océan Pacifique, appartenant au Chili depuis 1888 bien que située à 3700 kilomètres de ses côtes. À cette époque-là, nous apprend l’auteur de la BD, c’est une compagnie anglaise qui loue une grande partie du territoire de l’île pour y pratiquer l’élevage de moutons. Les autochtones, eux, ont été parqués dans un enclos. En novembre 1933, cependant, Anthony Wilcox, l’un des deux administrateurs de la compagnie anglaise, a été retrouvé sauvagement assassiné, ce qui motive l’arrivée sur place de l’inspecteur Valverde, mandaté par le président chilien en personne.
Cet inspecteur Valverde est l’une des bonnes surprises de l’album tant il est atypique. L’homme est replet, grassouillet même, transporte dans ses bagages un flacon de laudanum (dont il se sert d’ailleurs au cours de son enquête d’une manière assez retorse), adore les chats (il se lie aussitôt avec l’un d’eux) et joue admirablement du violon (comme Sherlock Holmes) ! Lorsqu’il arrive sur l’île de Pâques, il est aussitôt confronté aux réalités de ce territoire : d’abord parce qu’il est rejoint sur l’eau par des Pascuans (les autochtones) portant des figures sculptées de démons grimaçants ; ensuite parce que celui qui l’attend sur le rivage, le gouverneur Valdès, ne tarde pas à exprimer son mépris pour les indigènes. De plus, selon le gouverneur, Valverde s’est déplacé pour rien, le coupable du crime, un autochtone du nom de Napoléon Riroroko, ayant été arrêté et ayant passé aux aveux.
Evidemment, comme on peut le présumer, Valverde n’entend pas se plier aux injonctions de Valdès. En vérité, plus tard, lorsque l’inspecteur visite le présumé coupable, il découvre un homme souffrant de troubles psychiques au point qu’il se prend pour un oiseau. Pour Valverde, l’enquête ne fait que commencer, une enquête qui l’amène à faire la connaissance de bien d’autres habitants de l’île : le docteur, selon qui le meurtre est lié à une vengeance ; Edmunds, l’autre administrateur de la compagnie anglaise, homme irascible et violent, et sa femme qui prétend que Wilcox était un homme bon, aimé de tous, au point qu’on l’avait surnommé « caballero bueno » ; le prêtre de l’île (qui, lors d’une célébration de funérailles, voue le défunt aux enfers parce qu’il avait renoué avec les coutumes païennes) ; Mrs Burnett, une archéologue avenante, amante du docteur, volontiers conseillère et guide de Valverde.
Mais il est d’autres habitants de l’île que l’inspecteur est amené à rencontrer, ceux qui sont exclus, méprisés par les colons au point d’être parqués dans un enclos, contraints de travailler pour la compagnie anglaise qui les exploite sans scrupules, les Pascuans et, parmi eux, ceux qui sont les exclus des exclus, les lépreux à qui ordre est donné de rester à l’écart de tous les autres. Or, et c’est un des points forts de cette histoire, c’est d’eux, de ces parias que surgit la vérité sur ce qui s’est passé, sur la raison pour laquelle Anthony Wilcox a été assassiné. La scène la plus forte, la plus bouleversante de l’album, survient quand, par un concours de circonstances, une nuit, alors qu’il pleut et que, du fait d’une chute, il s’est fait une entorse, Valverde est contraint de trouver refuge à la léproserie. Découvrant les visages rongés, les doigts et les membres amputés des malades, l’inspecteur non seulement ne recule pas mais, apprenant que les lépreux possèdent un violon, il se met à en jouer. Les lépreux, alors, se mettent à danser. Là où il n’y avait que misère et tristesse, Valverde introduit, pour un moment, de la joie et, quand il les quitte, alors que les lépreux lui demandent s’il a eu peur, il répond joyeusement que non, « un policier n’a peur de rien » !
L’enquête se poursuit, passionnante de bout en bout, et trouve une résolution qui n’a rien de banal, une résolution qui met à nu la personnalité réelle de celui qu’on surnommait « caballero bueno », une résolution qui n’est pas sans rapport avec les coutumes ancestrales des Pascuans, ce peuple méprisé par les colons.
Les qualités de l’album méritent bien des éloges. Thomas Gilbert, le dessinateur, a magnifiquement su tirer parti des décors et des paysages de l’île et pas seulement des « moaï », les fameuses statues géantes qui en ont fait la renommée. Quant à Thomas Lavachery, le scénariste, s’il nous apprend, en annexe, qu’il s’est inspiré de l’histoire de son grand-père, Henri Lavachery, qui séjourna à l’île de Pâques en 1934, il n’en reste pas moins qu’en créant le personnage de Valverde et bien d’autres personnages de l’album et en créant une intrigue, certes fondée sur des faits réels mais non moins originale et menée à perfection, il a fait œuvre d’un grand raconteur d’histoire.
Les éditions
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Caballero Bueno - Une enquête de l'inspecteur Valverde
de Lavachery, Thomas Gilbert, Thomas (Illustrateur)
Rue de Sèvres
ISBN : 9782810208036 ; 25,00 € ; 23/04/2025 ; 176 p. ; Relié
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