Alpinistes de Staline de Cédric Gras
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

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La fabrique de héros chez les Soviets.
Ce livre raconte la vie des alpinistes de l’URSS à l’époque de Staline et plus particulièrement la vie des deux frères Abalakov , Evgueni le plus jeune et Vitali l’aîné. Ces deux frères, arrivés à Moscou de leur lointaine Sibérie, étaient des alpinistes patentés. Le Régime avait besoin de héros ; il leur a donné pour mission d’escalader les plus hautes cimes de l’URSS. Mais attention ! ce n’était pas « des conquérants de l’inutile » comme le sont les « vaniteux individualistes occidentaux » ! Ils avaient pour mission de rebaptiser les plus hauts pics de l’URSS du nom de ses nouveaux maîtres. Et sur les deux plus hauts pics de l’empire russe ils devaient poser, sur l’un, un buste de Lénine, et sur l’autre qui était un peu plus haut – Histoire oblige – un buste de Staline.
La description de ces expéditions devrait intéresser particulièrement les spécialistes de la montagne mais le lecteur non averti pourra aussi y trouver de l’intérêt parce qu’on y voit comment le Régime applique ses diktats jusque dans les moindres détails des expéditions ; ces expéditions sont menées comme des campagnes militaires : les alpinistes doivent remplir leur mission pour servir la cause soviétique et c’est souvent au prix de nombreux morts qui sont alors considérés comme des opposants au Régime. Et s’ils ne réussissent pas à atteindre le but assigné, ils risqueront d’être fusillés comme des traîtres.
Cédric Gras est russophone, russophile et alpiniste passionné. Et il lui arrive d’avoir de l’humour ; il a lu, nous dit-il, tous les comptes-rendus de ces expéditions et, s’il nous dit que ces lectures sont soporifiques à force d’être mal écrites, il espère que ça n’a pas déteint sur son style. Non ! son style n’est ni mauvais ni soporifique. Ce n’est pas de la haute littérature mais c’est le style qui convient à ce genre de récit. Ce qui par contre gêne beaucoup la lecture, c’est qu’il est fait mention d’un tas de personnages au nom impossible à retenir et qui sont de parfaits inconnus pour les Occidentaux. Il est aussi question de tous les noms des pics du Pamir, du Caucase, de l’Oural et de toutes les montagnes de Russie qui ne figurent sur aucun atlas et dont on n’a jamais entendu parler.
Chez les Soviets chaque citoyen est toujours à la merci d’une dénonciation et alors il doit prouver qu’il n’est pas un opposant ou un espion. C’est ainsi que le héros des sommets, Vitali Alabakov a été jugé et condamné au Goulag parce que fils de bourgeois. Son jeune frère a été épargné parce qu’il était sculpteur au service des grands du Régime mais il a disparu relativement jeune, probablement assassiné. Tout ça nous est raconté par le menu et, si le récit des escalades en montagne est intéressant, la vie de ces parfaits inconnus l’est beaucoup moins.
En général j’aime beaucoup les biographies mais, je ne sais pas pourquoi, ici la mayonnaise n’a pas pris. Peut-être qu’il aurait fallu des plans indiquant le parcours des expéditions, peut-être aussi qu’il aurait fallu que les personnages du récit soient plus intéressants ou plus attachants. Mais il est très probable que ce livre intéressera les alpinistes et spécialistes des montagnes parce que les aventures de ces alpinistes russes n’ont jamais été racontées en Occident. Et je pense que l’auteur a beaucoup de mérites d’avoir fait tant de recherches pour les raconter.
Les éditions
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Alpinistes de Staline [Texte imprimé] Cédric Gras
de Gras, Cédric
Stock
ISBN : 9782234086135 ; 20,50 € ; 27/05/2020 ; 342 p. ; Broché
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