Comme une pierre
de Luckas Iohanathan

critiqué par Blue Boy, le 8 juin 2025
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Un récit aux multiples interprétations
Malgré les qualités indéniables de l’ouvrage, j’avoue n’avoir pas été touché autant que j’aurais voulu l’être. Il m’est ainsi assez difficile d’en parler. Pour cette raison, je choisis donc de rédiger un avis plutôt qu’une chronique, dont la part d’analyse et d’objectivité est toujours plus importante en apparence. En résumé, je dirais que ce récit m’a plu par certains aspects, mais que j’étais plus gêné aux entournures sur d’autres. En d’autres termes, cela peut paraître bizarre mais je n’arrive pas à dire si j’ai aimé ou pas…

L’histoire de ce couple de fermiers dont la fille se retrouve handicapée du jour au lendemain pour des raisons mystérieuses et qu’aucun médicament ne parvient à guérir se veut touchante, et elle l’est de fait. Et comme si cela ne suffisait pas, la région où ils vivent est affectée par la sécheresse, précipitant ces derniers dans une misère terrible. Une situation qui ressemble, comme on le lit en quatrième de couverture, à un « châtiment biblique ».

Une fable mystique. C’est peut-être la définition qui conviendrait le mieux à « Comme une pierre ». La question serait de savoir si cela est juste une pure fiction ou si l’auteur s’est basée sur une réalité vérifiée, car même si l’on sait que la situation dans certains pays, notamment cette région du Nord-Est du Brésil, peut être parfois catastrophique pour les populations, compte tenu de l’aggravation du réchauffement climatique, on peut rester dubitatif devant les mauvais coups du sort qui se succèdent sans relâche, sur une durée aussi longue, pour les parents de la petite Rosa. C’est peut-être aussi un élément du récit qui m’a dérangé, à moins que je ne sois simplement dans une forme de déni.

Chaque chapitre introduit le décompte des jours sans pluie, ce qui laisse deviner que la pluie devrait finir par arriver. Et en effet, elle arrive, comme par miracle (ce n’est pas un gros divulgâchis que de le révéler), ce qui produit un le moment le plus émouvant et le plus magique du récit, alors que Cristovao s’apprête à commettre l’irréparable…

Même si on comprend que « Comme une pierre » parle du combat acharné d’une femme pour sauver sa fille, le message de cette fable reste néanmoins quelque peu brouillé par quelques interférences empreintes de religion, et c’est aussi ce qui m’a perturbé. M’étant détaché du catholicisme qui m’a été imposé par un baptême trop précoce, pour opter par la suite pour un agnosticisme plus proche de mes convictions, je suis resté dubitatif devant les quelques références bibliques distillées à plusieurs reprises, sans que l’on ne puisse deviner une quelconque objection de la part de l’auteur. Luckas Iohanathan est peut-être catholique pratiquant, c’est son droit, ou peut-être est-il juste imprégné. Ce qui ne surprendra guère dans un pays comme le Brésil. Mais quoiqu’il en soit, son propos n’est pas suffisamment clair pour n’y voir que l’aspect factuel de la réalité religieuse dans son pays. De même, l’apparition du « rêveur », sorte de gourou accompagnant le « fils prodigue » lors de son retour dans la demeure familiale, ne m’a fait déceler ni ironie ni critique d’un personnage tout de même quelque peu « perché »…

Parallèlement, il y a « l’histoire du voyageur », une très belle parabole philosophique, pas religieuse pour un sou, malheureusement suivie peu après d’une nouvelle citation d’un passage de la Bible par le pasteur venu visiter le couple… Si critique il y a et à laquelle on ne pourrait que souscrire, elle serait davantage formulée à l’encontre d’un pouvoir négligeant sur le plan de l’aide sociale et de la politique de santé vis-à-vis des plus nécessiteux.

Quant au dessin, il est loin d’être déplaisant, caractérisé par un minimalisme qui correspond bien à l’esprit du livre, et le cadrage reste pertinent pour montrer les émotions des protagonistes. Néanmoins, on pourra juger la monochromie orange un peu monotone et le trait un peu aride. Quant aux personnages eux-mêmes, j’ai rencontré parfois quelques difficultés à les identifier (et puis c’est quoi cette manie de mettre systématiquement un trait noir vertical sur les nez ?). J’ai relevé également des incohérences dans l’enchaînement de certaines séquences, en particulier à la fin lorsque la maison est détruite par la foudre (on n’est pas trop sûr de ce qui s’est passé, est-ce juste la punition divine qui continue ?).

Je ne m’étendrai pas davantage car vous l’aurez compris, je suis resté sur ma faim… Ainsi, comme je ne suis pas certain d’avoir identifié tous les tenants et les aboutissants de ce récit pour le moins troublant, je dois émettre un avis mitigé, mais n’inciterai ni ne dissuaderai quiconque de le lire. Le mieux est de le découvrir soi-même pour se faire sa propre idée cette œuvre qui ne saurait être si facilement jetée aux orties, mais qui interroge par ses côtés ambigus.