Impénétrable
de Alix Garin

critiqué par Blue Boy, le 9 juin 2025
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Le septième ciel, c'est essentiel
Sans savoir vraiment comment cela est arrivé, Alix en est venu à redouter l’acte sexuel parce que la pénétration vaginale lui fait mal. Dans sa vie de couple, elle s’efforce de composer avec son compagnon, Lucas, sans oser aborder la question. Jusqu’où jour où la souffrance est devenue trop forte pour être dissimulée plus longtemps…. C’est alors que, telle une souris dans un labyrinthe, Alix va expérimenter toute sorte de traitements pour en finir avec ce mal qu’elle ne comprend pas et qui la ronge…

Avec ce titre bref et bien senti, Alix Garin nous livre un récit autobiographique pour un sujet rarement abordé parce qu’un peu tabou il faut bien le dire : la perte du désir sexuel provoqué par un trouble féminin assez méconnu (pour nous les hommes en tous cas…), le vaginisme (une contraction du vagin qui bloque l’orgasme, à ne pas confondre avec la frigidité, et entraîne des douleurs lors de la pénétration). Elle y raconte comment, depuis le jour difficile de la révélation à son partenaire, elle a entamé un processus long et compliqué, tel un véritable chemin de croix psychique, parsemé d’échecs et de traitements inopérants, avant de trouver le salut à force de courage et de détermination. On saluera au passage la patience bienveillante de son compagnon qui a toujours été à ses côtés.

Ce qui fait la force du récit, c’est la façon très « cash » et authentique avec laquelle l’autrice se livre, balayant toutes les critiques quant à une éventuelle complaisance sur un sujet tout de même assez délicat. Mais Alix Garin, consciente qu’elle marchait sur des œufs, a évité tous les pièges, reconnaissant elle-même en fin d’ouvrage la terreur qui l’habitait lorsqu’elle prit la décision de raconter son histoire. Pourtant selon elle, ce fut la seule manière d’expurger définitivement le mal, même si à ce moment elle se sentait « guérie ». Il lui fallait juste trouver « le courage »…

Fort heureusement, elle possédait déjà le talent, qu’elle avait eu le loisir d’exprimer avec « Ne m’oublie pas », sa première bande dessinée sortie en 2021 où elle évoquait avec délicatesse les liens entre une jeune fille et sa grand-mère atteint de la maladie d’Alzheimer. Pour « Impénétrable », Alix Garin confirme qu’elle n’a pas son pareil pour retranscrire en dessin les émotions et les sentiments, avec un sens de la métaphore et du découpage accompli. Le récit se dévore avec plaisir, avec un très bon équilibre entre le texte et l’image, évitant trop de bavardages inutiles qui, pour une telle thématique, auraient pu être tentants… Le niveau de sincérité avec lequel elle traite la question est tel qu’il arrive à nous toucher en plein cœur, en remplaçant le pathos inhérent à ce type de récit par un humour salvateur qui imprègne tout le livre.

Le traitement graphique est très original, vivant et coloré, et montre bien l’approche positive de son autrice malgré le poids psychologique lié à sa souffrance. Alix Garin révèle son côté battant, refusant de céder à la fatalité d’une façon qui pourrait être inspirante non seulement dans son cas, mais pour toute autre forme de pathologie.

« Impénétrable » est une très belle lecture, jamais plombante, et qui, pour un peu donnerait même une joyeuse patate à tous ceux qui souhaiteraient éviter de sombrer dans l’auto-apitoiement. Le jury d’Angoulême ne s’y est pas trompé en lui décernant le prix du public. A ce titre, il apparaît totalement impossible de le contredire.