Le meilleur des deux mondes
de Alice Desbiolles

critiqué par Blue Boy, le 9 juin 2025
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une autre écologie est possible
La crise écologique et climatique n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières décennies. Alors que les faits climatiques parlent d’eux-mêmes (inondations, sécheresses, tempêtes…), les décideurs politiques et économiques tentent de minimiser le problème, quand ils ne le nient tout simplement pas. De plus en plus, on parle du phénomène de l’éco-anxiété, qui touche en particulier les jeunes, acteurs du monde de demain. Alice Desbiolles, médecin et éco-anxieuse de la première heure, a voulu avec cet ouvrage proposer une vision optimiste. En tant que maman, elle s’adresse ici à son fils Charly (mais aussi à tous les enfants) pour stimuler son envie de se battre pour un futur viable et une planète vivable.

Co-édité par Futuropolis et la Cité des sciences, cet ouvrage pédagogique s’appuie sur le phénomène de l’éco-anxiété qui touche particulièrement les plus jeunes et démarre par l’allégorie de la grotte de Platon, une façon de montrer que devant une actualité très souvent anxiogène, on a parfois tendance à se réfugier dans le déni. Destiné avant tout à cette génération qui a le futur entre ses mains, les plus âgés, pour ne pas dire les « boomers », si tant est qu’ils se sentent concernés par le sujet, pourront également y trouver matière à réflexion.

Durant sa majeure partie, « Le Meilleur des deux mondes » dresse un état des lieux des espèces de la flore et de la faune terrestre en évoquant la menace d’extinction pesant sur une bonne partie d’entre elles. Dès lors, le dodo, un oiseau peu farouche présent sur l’île Maurice, massacré jusqu’à son dernier spécimen par les colons européens au XVIe siècle, est pris comme mascotte tout au long du livre. Alice Desbiolles, qui a scénarisé l’ouvrage, se remémore le choc qu’elle avait ressenti enfant en apprenant le triste destin de l’animal lors d’une visite dans un musée de sciences. Scientifique et conférencière, cette dernière a beaucoup traité de l’éco-anxiété et des conséquences du réchauffement climatique. Mais sa démarche se veut positive et évite toute culpabilisation en expliquant comment cette première angoisse doublée de colère lui servit de catalyseur pour tenter d’inverser la vapeur.

Et elle le prouve, elle qui créa une association dès son plus jeune âge, en montrant que l’écologie doit être avant tout animée par l’action positive, qu’elle commence par les petits gestes, et que les petits ruisseaux peuvent faire les grandes rivières…

Se lisant comme une promenade à travers les lieux et les époques, en évoquant au passage des explorateurs célèbres (Alexandre de Humboldt, Aimé Bonpland, et Alexandra David-Néel), qui eurent une influence dans la prise de conscience de la nécessité de respecter toute forme de vie sur Terre, ce docu-BD fournit ensuite les pistes et modes d’action pour une attitude éco-responsable, dans un cadre raisonné et non coercitif.

Si ceux qui pratiquent déjà l’écologie au quotidien n’apprendront pas grand-chose de ce qu’ils ne savent déjà, l’ouvrage constitue tout de même un rappel salutaire (car devant la méfiance du noyau dur des climato-sceptiques, il faudra rabâcher encore et encore), c’est le cinquième chapitre qui s’avère le plus passionnant, en relatant un concours d’architecture et d’urbanisme (qui eut lieu à La Villette, fort logiquement) où furent présentés trois projets, dont un seul cochait toutes les cases selon le jury, plus réaliste et plus proche de ce que nombre de municipalités sont déjà en train de tester, avec l’alliance des high et low-tech, le « meilleur des deux mondes »…

Le dessin d’Anne Defréville accompagne bien le propos dans ses chatoiements et ses couleurs fraîches, plus proche de l’illustration que de la BD à proprement parler. La mise en page est libre et variée, et les enfants comme les adultes prendront plaisir à suivre Alice Desbiolles et son dodo « nonchalant » dans ce périple environnemental.

« Le Meilleur des deux mondes » est donc une lecture recommandée à un moment où des forces obscurantistes et rétrogrades montent en puissance sur une planète de plus en plus fragilisée, où certains apprentis dictateurs fidèles à un capitalisme mortifère prônent le forage jusqu’auboutiste des ressources minières dans des régions encore épargnées par la voracité humaine. Parents, si vous leur recommandez ce livre, vos progénitures éco-anxieuses vous en seront peut-être reconnaissantes en grandissant… Citons pour conclure ces paroles de Gandhi : « Montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul. »