Le Sénégal après l'indépendance, entre domination et mépris

En 2063, des intellectuels africains décident de se pencher sur les événements des années 70 au Sénégal. Il y est question d’une grève soutenue par le MARS, un mouvement d’opposition au pouvoir en place. Le Président de la république, que l’on surnomme le Vieux ( Senghor était au pouvoir dans les années 60-70, c’est sans doute lui dont il est question dans ce roman de politique-fiction ), veut apaiser le pays et survient une répression qui fera plusieurs morts. Mamba, vieux combattant, ne cautionne pas ce qui se passe dans son pays. Il se débarrasse des médailles que les Français lui ont attribuées suite à sa participation aux Guerres au Vietnam et en Algérie, déçu par la France. Le Général François Navarro, au départ simple sergent à Marseille, est envoyé sur place avec une promotion à la clé pour gérer ce conflit. Il incarne ce pouvoir postcolonial qui laisse une certaine autonomie au pays tout en ayant une mainmise sur lui en réalité. N'Dongo Thiam, surnommé Tamango, ce qui ne peut que rappeler le personnage de Mérimée, est chargé d’éliminer cette figure politique détestable.

Ce roman est très original dans sa construction. L’auteur multiplie les points de vue narratifs. En effet, dans le même paragraphe, un personnage peut être abordé par le biais du pronom personnel « il », puis c’est le « je » qui va être utilisé afin d’entrer dans sa psyché. Ce passage d’une focalisation à l’autre s’établit dans le même paragraphe. Le narrateur n’hésite pas non plus à intervenir dans son récit pour interpeller le lecteur ou faire des remarques sur son texte. Il fait aussi le point après chaque partie pour commenter les chapitres qui viennent de s’écouler et évoquer les notes du narrateur, comme si l’on entrait dans les coulisses de la construction du roman.

Ce texte est aussi et surtout une charge contre les régimes politiques qui ont suivi l’indépendance du Sénégal et le fait que les Français soient toujours présents malgré tout, forme d’ingérence postcoloniale. La violence coloniale est suggérée et critiquée par le biais de ce roman qui multiplie les points de vue et par le fait même qu’elle n’est pas donnée à voir, mais le lecteur en mesure les conséquences. Il y a un mendiant, le silence auquel sont réduits les opposants … Le lecteur est acteur et déduit cette portée critique par les descriptions de certaines scènes.

« Le Temps de Tamango » est le premier roman de Boubacar Boris Diop. Il interpelle par sa forme, par sa façon de passer d’un personnage à l’autre en changeant de focalisation. Il porte en lui une critique profonde d’un système, d’une emprise occidentale et de ses dégâts. Le roman est sorti en 1981 et témoigne d’un certain courage et de franchise en nommant les problèmes.

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  Le Temps de Tamango

  de Diop, Boubacar Boris Beti, Mongo (Préfacier)
  le Serpent à plumes
  ISBN : 9782842613686 ; 7,10 € ; 18/09/2002 ; 250 p. ; Poche

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