Bruno et Jean
de Pauline Valade

critiqué par Bafie, le 18 juin 2025
( - 63 ans)


La note:  étoiles
Dites moi donc pourquoi
Ce roman m'a emportée.

J'ai ri, chanté, dansé, pleuré, frémi autour de Bruno et Jean, Rosine, Demi-Lune et Lajoie.

L'auteure a effectué un travail de reconstitution autour des maigres traces historiques de l'arrestation, du procès et de l'exécution de Bruno Lenoir et Jean Diot.

1749 : Fin de la guerre de Succession d'Autriche : la France est affaiblie, Louis XV n'est pas aimé de son peuple.

La paix est proclamée, une fête est décrétée qui remporte peu l'adhésion du menu peuple.

Des mères ont perdu leur fils, le peuple subit une effroyable misère... mais le 13 janvier 1749 est proclamé jour de réjouissances et c'est dans ce contexte que Bruni et Jean se rencontrent, ils vont s'aimer.

Madame Valade décrit à merveille le Paris de l'époque, ses métiers, ses quartiers, les moeurs de sa population, rappelant ainsi sa profession d’historienne.

La rue, la Seine sont des espaces particuliers dont la description nous étonne. Certains lieux emblématiques sont aussi évoqués.

A ajouter à sa palette, des talents de conteuse apte à nous émouvoir.

Que ce soit dans son analyse des liens entre les personnages, la description de la relation entre Bruno et Jean, les moments sombres de leur histoire, ses mots nous prennent au cœur, nous font briller les yeux et font germer rêves et poésie.

J’ai beaucoup appris de l’homosexualité à cette époque.

Les homosexuels ne sont pas inquiétés lorsqu’ils vivent cachés.

Pourquoi Bruno et Jean ont-ils été condamnés ? Peu d’indices à ce sujet…nous dit l’historienne.

Pauline Valade invite une jolie galerie de personnages.

Ils n’ont pas la vie facile, se montrent solidaires et savourent ce que la vie leur offre.

Bruno, Jean, Rosine, Lajoie et Demi-lune sont des parias, ils ont cependant en commun de vivre intensément et forment une communauté chaleureuse.

Lajoie, offre ses services en tant qu’écrivain public, dans son refuge « Au roi Mouton » ou au cimetière des Innocents ; déjanté, rêveur, volontiers provocateur, il est symbole de liberté et de joie de vivre.

Demi-lune, gamin des rues, est un personnage essentiel, pivot autour duquel se tisse un maillage de relations entre les différents personnages, les adultes le protègent et se rassemblent autour de lui comme émus et responsables de cette jeune vie. Il traîne dans le sillage de Lajoie qui le protège- pour survivre, Demi-lune se prostitue au roi Mouton- Plus tard, Jean le prendra aussi sous son aile. Artiste, il est figure de rêve, d’espoirs mais garde le regard embrumé, noyé de pleurs aux dernières lignes du roman.

Brossons encore le portrait de Rosine, femme libre et emblématique de sa condition. Elle est blanchisseuse. Elle tisse fraternité avec Bruno, l’a accueilli sous son toit. La présence de Bruno la protège et leur résidence commune permet de donner le change quant au choix amoureux de Bruno, le protégeant également mais…jusqu’à quand ? La liaison de Bruno et Jean suscite une vive angoisse chez Rosine.

Il y a aussi L’Epitre, cordonnier, employeur de Bruno, discret et bienveillant.

Madame Marin, la charcutière, patronne de Jean.

Ceux-là fêtent la Vie, la vibrent, la chantent en dépit des conventions, du conformisme ; et , toujours, les indomptables, les libres, les fiers m’émeuvent et sèment en mon cœur, joie tristesse et autres précieuses émotions susceptibles de contrer la mélancolie de notre temps.

Pour créer cette belle brochette de personnages, l’auteure a convoqué d’autres talents que son titre professionnel ne laissait pas deviner.

Roman historique, fresque sociale, roman d’amour, roman naturaliste ; cet écrit m’a comblée et je vous invite à le découvrir.