Le carnet de Théo , tome 1 : Dans ma bulle
de Éléonore Cannone, Sinath (Dessin)

critiqué par Niko Samishi, le 25 juin 2025
( - 19 ans)


La note: étoiles
Si "Silent Scream" de Anna Blue était un roman
Quand j'ai vu la couverture je me suis dit « Un manga sur un ado emo, c'est totalement moi ». Pensant que j'allais m'y reconnaitre (je pratique un style soft-emo depuis 7 ans alors que c'est pas ma génération), je me suis intéressé à ce livre qui se trouve être un roman bien de chez nous, et l'ado sur la couverture est une fille de 14 ans, Théodora (mais dessinée tel un garçon dans un shojo (j'adore ce style)).
J'ai vu juste : j'ai pu m'identifier à Théo, elle aussi est introvertie, déteste sociabiliser, paraît froide mais est sensible, est fan de rock et de mangas, a un look androgyne, etc.

Ce roman jeunesse est censé être le journal intime de Théo, une collégienne. Cependant, l'écrivaine n'a pas 14 ans mais 41 ans au moment de l'écriture et ça se ressent. Jamais je ne croirai que c'est réellement écrit par une ado. Entre l'utilisation de mots trop compliqués qu'aucun ado n'utilise de nos jours, comme « goguenard » ou « succédané » (je sais même pas ce que ça veut dire), et les références aux mangas et à la culture rock parfois de trop et mises "pour faire jeune", le style est très différent de ce que l'on peut trouver dans de vrais rantbooks. Cependant, quand je lis mon journal d'ado emo que j'ai écrit au même âge que Théo sur Wattpad, l'écriture y est juste mauvaise. L'autrice a donc fait le choix d'une écriture ne collant pas tout à fait à l'âge de la personne supposée écrire, au profit d'une qualité améliorée. En effet, le style est très travaillé, l'autrice a mis beaucoup d'efforts dedans et ça se sent. C'est fluide et agréable à lire, avec des touches d'humour et des références pour la plupart pertinentes. À part quand des mots japonais sont insérés (ça fait cringe), le style est très plaisant à lire.
Le tout est accompagné de petits dessins, agréables et ne prenant pas trop de place (mais un peu répétitifs).

Assez parlé de la forme, parlons du fond. Le premier conflit est que le style emo-rock de Théo ne convient pas au collège religieux dans lequel elle est. Créer du conflit en la mettant dans un environnement (famille et collège) où tous sont des cathos intégristes réactionnaires sonne un peu solution de facilité. Avec une bible en guise de cerveau, ils sont incapables de se remettre en question. Résultat, les conflits ne mènent à rien. Théo se fait punir ? Toujours le même constat : « c'est des cons bornés et on ne peut rien y faire ». L'intrigue peine à avancer mais heureusement ce n'est qu'au début du roman et même là, il y a des intrigues secondaires plus intéressantes. Puis cela s'arrange par la suite, le problème est résolu pour les tomes suivants. On ne fait que suivre les tracas quotidiens d'une collégienne, et il faut attendre la fin du tome pour qu'une vraie intrigue se mette en place. L'histoire aurait gagné à être plus condensée, en particulier pour le personnage d'Ishiguro, inutilement mystérieux. Ce qui aurait pu se passer en une rencontre s'y déroule en trois pour rallonger artificiellement l'intrigue.

À chaque chapitre est associée une chanson, l'autrice ayant oublié qu'elle n'est pas sur Wattpad et qu'elle ne peut pas mettre le lien comme à l'accoutumée. Je n'en connais aucune, mais il faut dire que le livre date de 2012. S'il avait été plus récent, la chanson "Silent Scream" de Anna Blue aurait été sur nombre de chapitres car elle colle parfaitement à l'atmosphère de ce roman. Je note aussi que les mots emo/gothique/punk/dark-sasuke/eboy/egirl ne sont pas apparus une seule fois dans le roman. Théo prétend avoir un look visual key, mais c'est juste pas le cas, pas assez extravagant, plutôt emo-rock. Bien sûr la limite entre ces styles est parfois floue mais quand même.

En conclusion, ce roman jeunesse fut plaisant à lire. L'effort est plus mis sur la forme que sur le fond. Je ne suis pas suffisamment motivé pour lire la suite, mais j'en garde un bon souvenir.

Je m'en vais lire "Pensées Vagabondes" de Emocœur et "My Secret Diary/Off The Record" de Anna Blue pour faire la comparaison (deux vrais carnets d'ado emo pas écrits par un quarantenaire).