Cache-cache
de W. Wilkie Collins

critiqué par Nirvana, le 17 janvier 2005
(Bruxelles - 52 ans)


La note:  étoiles
Un précurseur du genre
"Il a introduit dans l'espace romanesque les plus mystérieux des mystères: ceux qui se cachent derrière nos propres portes"
Henry JAMES

Cette phrase résume très bien les préférences de Wilkie Collins, qui est considéré comme un précurseur du roman policier anglais, et est souvent comparé à Dickens. (Ils étaient proches puisque c'était son beau-frère).
Mais Wilkie Collins fut peu reconnu pour ses romans, plutôt pour ses feuilletons écrits pour la presse. Il fut d'abord poussé dans des études de droit, par son père autoritaire (on retrouve celui-ci dans le père de Zach), mais il n’exerça jamais, tout en en gardant le goût des grandes affaires. C'est d'ailleurs un événement personnel (qui lui inspira "La dame en blanc") qui le poussa à se lancer dans l'écriture.

L'histoire est simple, ce qui prime ici c'est le style, délicieusement suranné dans ses descriptions, et qui était pourtant moderne à l'époque, et teinté d'humour.
L'auteur prend le lecteur à témoin, lui parle comme à un ami à qui il raconte son histoire, et on se retrouve vraiment impliqué dans le récit. C'est mon premier roman de cet auteur, et je ne sais pas si cela lui est habituel, mais j'ai apprécié d'être interpellée de la sorte.

On rencontre un peintre fantasque au grand coeur, Valentin Blyth, qui a recueilli dix ans auparavant une mystérieuse fillette, Mary, orpheline, sourde et muette et découverte dans un cirque.
Le fils d'une connaissance de Valentin, Zach Thorpe, jeune écervelé, souhaite prendre son destin en main contre l'avis de son père très autoritaire, et veut devenir artiste. Il recherche le soutien de Valentin, en suivant ses cours, et parallèlement, dans sa nouvelle vie faite de sorties, il rencontre un mystérieux inconnu, revenu d'un exil volontaire aux Amériques. Zach devient l'instrument du destin quand il fait se rencontrer Mary et son nouveau compagnon. Que lie ces deux personnages, que tout semble opposer?
Je me répète, la trame est simple, on peut facilement pressentir certains événements, ce qui compte ici, c'est la qualité de l'écriture. Je ne conseille donc pas ce roman aux amateurs de suspense soutenu, mais plutôt pour ceux qui aiment la littérature victorienne. J'ai aussi trouvé certains passages trop longs.
La madone silencieuse 9 étoiles

Dans ce roman de jeunesse (1854), Wilkie Collins nous présente Valentin Blyth, un peintre aussi fier de son art que sympathique et généreux. Malgré l’infirmité de son épouse, Mr Blyth trouve le bonheur en éduquant Mary, une jeune sourde-muette qu’il a adoptée treize ans auparavant. Surnommée Madonna parce que son visage rappelle la pureté des Vierges de Raphaël, la jeune fille est dotée d’un caractère tout aussi charmant. Elle subjugue facilement son entourage, à commencer par Zachary Thorpe, un jeune homme gai et fougueux. Mais lorsque le passé de Madonna ressurgit sous les traits d’un aventurier d’Amérique, la paix domestique des Blyth semble menacée.

Une fois encore l’auteur captive grâce à sa maîtrise du récit et à sa galerie de personnages. Attachants ou inquiétants, tous les protagonistes sont fortement caractérisés, même les plus secondaires: Mr Thorpe le dévot inflexible, Mat le vagabond couturé de cicatrices, Mrs Peckhover , à la silhouette généreuse et au parler populaire, tous ces personnages s’animent au fil des pages. Pour rendre Madonna plus crédible, plus touchante, Wilkie Collins s’est documenté sur les sourds-muets et leur perception du monde.

L’humour a aussi la part belle dans ce roman : on rit aux turpitudes de Zack pendant ses escapades nocturnes ! Certaines scènes semblent croquées sur le vif, comme celle – au début du roman- où Zack enfant est corrigé par son père pour s’être mal comporté à l’église.

Mais Collins est avant tout un maître du suspense : chaque page dévoile un peu plus le destin des protagonistes et les liens secrets qui les unissent. Madonna sera-t-elle arrachée à son père adoptif ? Quelle est la véritable identité de l’homme à la calotte ? Mènera-t-il à bien sa vengeance ?

Ce roman, dédié à Charles Dickens, comporte quelques aspects sentimentaux qui rappellent ce grand écrivain – notamment le thème de l’enfance maltraitée. Il est moins foisonnant que les œuvres ultérieures de Collins, moins noir aussi, mais vraiment réussi et touchant.

Pierrequiroule - Paris - 43 ans - 14 mars 2013