L'Invisible madame Orwell
de Anna Funder

critiqué par Pascale Ew., le 8 juillet 2025
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Une vie dévaluée
Anna Funder tente de sortir Eileen, la femme d’Orwell, de l’ombre dans laquelle tous l’ont plongée : les biographes (hommes) d’Orwell et même ses écrits et lettres à lui. Elle relit sa vie avec l’intention de réhabiliter cette femme qu’elle considère comme peu respectée par son mari et pas estimée à sa juste valeur.
Eric Blair (George Orwell) et Eileen se marient en 1936. (Il a 33 ans et elle 30.) Puis, ils partent vivre dans la maison familiale à Southwold, à peine salubre, sans chauffage ni électricité. Eileen doit s’occuper de tout : le ménage, les animaux, l’épicerie et retaper et corriger les écrits de son mari. L’auteure la décrit comme la boniche, trop bonne, alors qu’elle est très intelligente. (Elle a fait des études de littérature anglaise et de psychologie, lui aucune.) Les époux se querellent fréquemment.
Quant à lui, Orwell a omis de lui dire qu’il souffre des bronches (en fait, qu’il est tuberculeux !).
Orwell décide de partir se battre en Espagne quelques mois à peine plus tard, sous la bannière du POUM (parti ouvrier d’unification marxiste). Le temps de s’organiser et Eileen lui emboîte presqu’aussitôt le pas. Elle travaille dans les bureaux à Barcelone pour s’occuper de logistique et de propagande, entourée sans cesse d’espions à la solde de la Russie.
Toute sa vie, Orwell multiplie les infidélités. Eileen est épuisée par toutes les charges qui lui incombent. Et leurs finances sont un souci permanent.
Anna Funder n’est pas tendre avec l’écrivain. Elle pose même la question de savoir s’il est moral de lire un auteur qui n’a pas eu une vie très morale. Elle le taxe d’égocentrisme, de manque de sensibilité envers sa femme. Cependant, pour jouer l’avocat du diable, elle tient peu compte du contexte historique et de la mentalité de l’époque. Elle en profite pour faire un procès féministe assumé. Eileen est présentée comme quelqu’un d’effacé, de dévoué à l’œuvre de son mari, corps et âme, une femme qui ne se plaint jamais même à l’article de la mort et qui va jusqu’à s’auto-dévaluer.
J’ai trouvé ce livre intéressant, mais trop long et par conséquent un peu rasoir.