La survie des civilisations: Après 1177 av. J.-C.
de Eric H. Cline

critiqué par Colen8, le 10 juillet 2025
( - 84 ans)


La note:  étoiles
La théorie de la résilience appliquée à l’âge de fer
Il y a 3200 ans entre mer Egée et Méditerranée orientale, les empires florissants de l’âge de bronze récent ont brusquement sombré en une vingtaine d’années(1). Une accumulation de facteurs négatifs simultanés aurait provoqué cet effondrement par effet domino sur des structures déjà fortement intégrées à l’échelle régionale, riches de conquêtes guerrières, d’architectures monumentales, de trésors artistiques et d’échanges commerciaux(2). Les quatre siècles suivants dits de l’âge de fer longtemps perçus comme une sombre régression bénéficient d’un nouvel éclairage.
Malgré la raréfaction des signes d’opulence y compris dans les sépultures jusqu’à la renaissance de la Grèce archaïque l’âge de fer a été révolutionnaire à bien des égards. Qu’il suffise de considérer à leur juste mesure ses innovations sociales, techniques et politiques de portée universelle. Parmi celles-ci figurent l’alphabet diffusé par les Phéniciens grâce auquel l’écriture a pu se généraliser quand le cunéiforme était l’apanage des seuls scribes, l’émergence de la monnaie en Lydie, l’apparition de la cité-Etat en Grèce continentale, de même que l’usage généralisé du fer pour les outils et les armes.
Au terme d’une minutieuse enquête combinant les récits antérieurs fondés sur les vestiges déjà identifiés et les fouilles récentes, l’archéologue et historien américain Eric Cline perturbé par l’enchaînement de catastrophes climatiques et l’impréparation mondiale du Covid-19 a décidé de sortir du champ académique pour élargir la réflexion. Il s’est appuyé sur la théorie de la résilience déjà reprise par le GIEC(3) en réponse aux vulnérabilités systémiques du monde contemporain et y a trouvé une clé de compréhension applicable à son échantillon évanoui au fond d’un passé lointain.
Ainsi la douzaine de structures sociales et matérielles transformées durant l’âge de fer se classent selon leur degré de résilience entre renaissance et effacement. La résilience la plus forte est ressortie pour les Egyptiens, les Assyriens et les Babyloniens privilégiés par leurs grands bassins fluviaux ce dont les Hittites étaient dépourvus. Cette synthèse d’histoire prise comme exemple est servie par des cartes, des synoptiques chronologiques d’une bonne centaine de souverains, un index alphabétique des rois et conquérants fameux, un large corpus de références et notes bibliographiques.
(1) Du même auteur : 1177 avant J.-C. Le jour où la civilisation s’est effondrée - La Découverte, 2015 - couvrant Mycéniens en Grèce continentale, Minoens en Crète, Hittites en Anatolie, Chypriotes, Cananéens au Levant, Egyptiens dans la vallée du Nil, Assyriens et Babyloniens en Mésopotamie, sorte de « G8 » de l’époque…
(2) Un unique facteur ne pouvant expliquer un effondrement aussi subit, il a dû y avoir de malheureuses réactions en chaine conjuguant changement climatique, sécheresses, famines, séismes, guerres, invasions venues d’ailleurs, épidémies
(3) Le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) définit la résilience comme « la capacité des systèmes sociaux, économiques et environnementaux à faire face à un événement, une tendance ou une perturbation dangereux, en réagissant ou en se réorganisant de manière à maintenir la fonction essentielle, l'identité et la structure des systèmes... »