Et si la vie triomphait de Helga Flatland
(Det finnes ingen belbet)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

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Construire son deuil
Dans un précédent roman, « Reste si tu peux, pars s’il le faut », Helga Flatland raconte le drame qui a bouleversé un petit village norvégien de l’intérieur du pays, le décès de trois jeunes garçons partis faire la guerre en Afghanistan où leur véhicule a sauté sur une mine artisanale. Ils étaient quatre amis, ils ne voulaient pas s’enterrer dans le trou qu’était leur village, ils voulaient voir le monde, connaître l’aventure, servir une cause... Ils ont choisi l’Afghanistan, ils y sont morts sauf Björn qui est revenu vivant mais seul, sans ses amis mais avec un tonne de culpabilité.
Dans son cabinet médical, Ragnhild, la médecin du village lit le journal en attendant son prochain patient quand elle découvre dans les pages intérieures, une photo des trois disparus Tarjei, Kristian et Trygve, publiée pour célébrer l’anniversaire de leur disparition. Elle repense à tous les traumatismes qui ont affectés les familles et plus largement toute la population du petit village qu’elle n’a pas pu quitter comme elle le souhaitait avant l’attentat. Elle raconte ces événements à son collègue qui n’était pas encore au village à cette époque-là.
L’auteure raconte le parcours de certaines d’entre ces personnes, celles qui ont été probablement les plus affectées, les plus touchées, celles qui ont somatisé le drame jusqu’à friser le mort. Elle raconte Karin, la mère de Tarjei, qui ne peut plus travailler, qui revit encore et encore le drame, qui culpabilise et qui essaie de suivre les conseils de la médecin qui l’incite à revoir le monde, à retravailler, à reprendre contact avec les autres, jusqu’à entreprendre une aventure extraconjugale que son mari découvre et pardonne. Elle culpabilise à nouveau mais elle a repris une certaine envie de vivre.
Elle raconte aussi La dépression d’Hallvard, le mari de Karin, qui a intériorisé sa souffrance jusqu’à déclencher un cancer qui lui est fatal mais qui permet à Julie, leur fille, de réaliser son rêve de reprendre la ferme qui était destinée à Tarjei. Elle raconte aussi John Olaf et Ingrid les parents de Kristian qui résistent mieux à la douleur même s’ils l’éprouvent eux aussi.
Elle raconte aussi la vie de Björn revenu seul, accablé d’une lourde culpabilité, exclu du camp des héros dont la geste est évoquée à chaque anniversaire, à chaque occasion, … Lui, il n’est pas sur la photo, il se referme sur lui-même jusqu’à ce qu’il écoute Ragnhild qui lui conseille de trouver un travail pour occuper ses mains et surtout sa tête. Il trouve finalement un emploi et une charmante jeune femme qui l’appuie avec beaucoup d’affection sur son chemin de rédemption.
Et finalement, Helga raconte la vie de Ragnhild qui est restée auprès de ses patient pour les assister dans leur douleur et leur rédemption. Elle s’est un peu oubliée, elle s’est inconsciemment sacrifiée, elle est restée seule et le soir de Noël elle sera encore seule où avec une vieille tante qu’elle ne veut pas laisser seule.
Dans ce roman l’auteure démontre que la vie est toujours plus forte si on croit encore en elle et qu’on n’abandonne pas l’envie de vivre. Karin a trouvé son chemin grâce à l’amour, Hallvard est décédé mais il a ouvert une large porte pour la famille de sa fille, Bjorn a une épouse aimante et attentionnée et un petit gars avec qui partager du temps et de l’amour. Et Ragnhild accepte de comprendre qu’elle a été celle qui a permis à tout ce village de faire le deuil de ses trois amis, celle avec qui ils ont vaincu les traumatismes générés par le drame afghan.
Ce texte est très émouvant, il dit les choses avec simplicité et finesse, sans verser dans le mélodrame ni chercher à dramatiser outrageusement une situation pourtant très douloureuse. Helga Flatland conduit une véritable analyse introspective dans les cœurs et les âmes de ces personnes affectées d’un si lourd deuil. Elle plonge le lecteur au cœur du deuil de ces familles et l’emmène, avec Bjorn, dans la nouvelle vie qu’ils essaient de construire. La vie que Ragnhild voit à travers la fenêtre de la famille de Kristian qui lui fait comprendre « qu’aucun d’eux n’a autant besoin de moi que je n’ai besoin d’eux. Ils ont besoins les uns des autres. Tous autant qu’ils sont, ils ont avant tout besoin les uns des autres ». Et si c’était ça la vie … ?
Les éditions
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Et si la vie triomphait
de Flatland, Helga Kristensen, Dominique (Traducteur)
Éd. de l'Aube
ISBN : 9782815949965 ; 22,00 € ; 13/06/2025 ; 265 p. ; Broché
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