Place des fêtes de Sami Tchak

Place des fêtes de Sami Tchak

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Africaine

Critiqué par Pucksimberg, le 16 juillet 2025 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans)
La note : 7 étoiles
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Roman "le plus iconoclaste de la littérature subsaharienne contemporaine" selon Alain Mabanckou

Dans « Place des fêtes », nom d’une place populaire de Paris, le narrateur volubile conte à son lectorat des anecdotes familiales, ses aventures sexuelles et essaiment ses confessions de réflexions sur les Blancs et les Noirs. Notre narrateur est sans filtres et cru. Il parle beaucoup de sexe et fait preuve d’une ouverture d’esprit qui pourra en décontenancer plus d’un. Même l’inceste n’est plus un tabou ici. Il évoque ce père venu d’Afrique qui n’a pas connu le confort espéré et qui rencontre quelques problèmes d’ordre sexuel. Il y a sa mère, femme voluptueuse, à la libido déchaînée qui se confie à son fils sans gêne. Il y a la cousine, la nièce … Beaucoup d’entre elles se prostituent et vivent de plaisirs dans une joie certaine. La sexualité occupe une place centrale dans ce roman et touche tous les personnages.

Chaque chapitre commence par « Putain de … » et confirme le caractère bon vivant de l’auteur, empruntant à la fois à Bukowski et à Rabelais. Le roman peut rappeler la fable, tout en ayant un fond plus sérieux. L’on rit aussi parfois. Je reconnais qu’il faut accepter d’embarquer dans le style de l’auteur avec sa verve et le cynisme de ce narrateur pour apprécier le roman. Il faut aussi faire tomber toutes nos résistances morales pour partir dans tous les excès imaginables, ce qui pourra déranger certains lecteurs. La femme a un rôle très lié au désir et au sexe, ce qui pourrait aussi faire réagir d’autres lecteurs. Libéré de la morale, le lecteur pourra entrer dans ce joyeux bordel, sans limites, terriblement vivant et intrigant.

L’écriture est orale et c’est voulu. Le narrateur raconte ses impressions, s’adresse parfois rapidement au lecteur, établit des liens avec des points qu’il a déjà évoqués. Il fait aussi de nombreuses références à des chansons célèbres dans des moments humoristiques. Il s’affranchit de tout et évoque les pratiques sexuelles sans se censurer comme si les fantasmes avaient la parole. Le plaisir est roi et ne s’assujettit aucunement à ce qui est amoral. Sami Tchak n’a pas froid aux yeux et aborde ou nomme tout. Viol et inceste ont aussi leur place dans cette fête démesurée. J’ai rarement lu de romans où la sexualité est aussi débridée.

Là où Sami Tchak m’a davantage surpris et interpellé, c’est dans sa façon d’évoquer le comportement de l’homme noir et celui de l’homme blanc, dans son regard sur le retour au pays quand le père du narrateur voudra y revenir. Le narrateur sort des clichés et des propos tenus majoritairement. Togolais, vivant à Paris, l’écrivain a sans doute vécu des épisodes comme ceux qu’il narre et sa voix fait autorité, même si le narrateur n’est pas l’avatar de l’auteur. Son personnage relativise certains points de ce qu’on appelle le racisme, ne donne pas toujours raison à l’homme noir, n’est pas dupe sur de nombreux points, constate les espoirs déçus de nombreux africains venus en Europe … Ses propos sur la patrie sont intéressants et très justes : « Je suis Français, même si je ne suis pas vraiment Français, parce ma peau ne colle pas avec mes papiers. Mais je veux dire que la France c'est mon pays natal, mais ce n'est pas vraiment ma patrie. Je veux dire que je n'ai vraiment pas de Patrie. Les gens croient qu'il suffit de naître quelque part pour avoir une patrie. Mais non ! Une patrie c'est autre chose que la nationalité, une patrie c'est dans le sang. »

« Les Blancs, ils passent avant moi, c'est normal ; mais entre Noirs, j'estime que je dois passer avant les Noirs nés là-bas ! Eux, ils peuvent foutre le camp si ça change en France. Moi je suis la France, je suis un d'abord par rapport à eux. Peut-être qu'un Antillais noir, lui, sans prendre un chemin glissant vers l'éloge de la créolité, lui, il est bien un d'abord par rapport à moi. Mais moi, je dis, je suis prioritaire par rapport aux Pakistanais, c'est clair et net, parole d'Internet. »

Ce roman pulvérise la morale, libère la parole et la sexualité et ne fait de cadeaux à personne. Les parents du narrateur en font les frais régulièrement. Sami Tchak donne à voir un quartier avec ses excès et ses codes. Il s’était nourri auparavant de l’œuvre de Sade, de Bataille et de Freud. Cela s’en ressent !

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