V. W : Le mélange des genres de Geneviève Brisac, Agnès Desarthe

V. W : Le mélange des genres de Geneviève Brisac, Agnès Desarthe

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Sahkti, le 17 janvier 2005 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 807ème position).
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On entendrait presque battre son coeur

Travail biographique de longue haleine pour Agnès Desarthe et Geneviève Brisac. Dépouiller les oeuvres, célèbres ou oubliées, de Virginia Woolf, ainsi que son journal, sa correspondance et un tas d'articles, afin d'en tirer l'essence même de l'écrivain et le mettre en parallèle avec son oeuvre. Enfin une biographie comme je les aime, à savoir vivante, mélange de critique littéraire et de repères chronologiques, autre chose que ces sommes monstrueuses qui narrent tout par le détail sans jamais fouiller l'âme du héros principal du texte.
G.Brisac et A.Desarthe fouillent et dissèquent. En toute subjectivité et elles ne s'en cachent pas. A travers les écrits de V.Woolf, elles ont essayé de dresser un portrait, de tracer les contours d'un visage, de comprendre qui était réellement l'auteur. A travers l'écrivain, il s'agit de déceler la femme.
Un travail important qui livre l'image d'une Virginia Woolf fragile et sensible, attentive à l'image qu'elle donnait, avant-gardiste incomprise, orgueilleuse aussi, déconnectée des autres surtout.
Virginia que l'on a dit folle, dont le suicide a trop souvent été présenté comme une fuite alors qu'il n'en était peut-être rien. Ce suicide est à mes yeux un acte de création, un renoncement qui n'en est pas un et qui est davantage l'ouverture d'une porte vers un autre monde. Un monde que les autres ne voient pas, ne perçoivent pas, ne comprennent pas. Le monde de la sérénité, du repos, peut-être d'une certaine paix intérieure. Une quête d'un bonheur invisible dont elle parlait si souvent dans ses romans et sa correspondance. Un bonheur qu'elle pensait avoir touché du bout des doigts, sans pour autant être capable de l'identifier. Un bonheur qu'elle n'arrivait pas à saisir auprès des siens. Un suicide qui aurait été une passerelle vers ce bonheur, quitte à devoir créer le tourment pour emprunter ce fil ténu.

A la lecture du travail de Desarthe/Brisac, on prend pleinement conscience du vide au-dessus duquel Virgina Woolf a constamment évolué.
"La plupart d'entre nous marchent bien au milieu, évitant d'arpenter cet espace frontière où se déroulent tant de choses intéressantes, mais où l'on risque d'être terrassé par le vertige. Virginia Woolf prend le risque. Le funambulisme devient un art. Jusqu'au jour où tout bascule. Parce que, pour marcher droit, pour garder l'équilibre quand on avance sur un fil, il faut fixer les yeux sur l'horizon, regarder loin devant." (page 271)

Au fil des pages et des annotations, c'est une femme blessée et incomprise qui se dégage et qui cache ses angoisses derrière la vanité ou une certaine froideur. On pourrait reprocher à G.Brisac et A.Desarthe d'avoir privilégié cet aspect de la personnalité de V.Woolf au détriment de la critique littéraire acide qu'elle pouvait être ou de l'ambitieuse chroniqueuse qu'elle faisait. Mais ce n'était apparemment pas le but recherché et ma foi, sur ce point, il existe quantité d'ouvrages et d'articles qui nous en disent très long sur le talent et les compétences professionnelles de Virginia Woolf. C'est une femme qui nous est présentée ici, figure humaine écorchée qui apparait sans apparat et sans détour, telle qu'elle est au creux de son âme et de son corps, une icône désacralisée qui perd sans doute un peu de force pour gagner en faiblesse et ça ne le rend que plus attachante encore.

De plus, cet ouvrage de Desarthe/Brisac pousse à quelque chose et rien que pour cela, c'est admirable: la (re)découverte de l'oeuvre de Virginia Woolf. En insérant ci et là des extraits de ses nouvelles ou de son journal, on est tenté de pousser la porte et d'aller voir plus loin, de se replonger dans les textes pour une lecture différente, plus attentive, plus profonde, avec l'image de l'écrivain au-dessus de notre épaule, elle qui s'est si bien glissée dans la peau de chacun de ses personnages, tous étant le reflet d'une de ses nombreuses facettes.
(Un petit bémol cependant sur ce point et même si les deux auteurs s'en expliquent à la fin, je trouve le fait dommage et regrettable: aucun extrait n'est correctement référencé. Une bibliographie générale des ouvrages consultés figure en fin de parcours mais au fur et à mesure de la lecture, aucune note, aucune indication. Il faudra donc s'armer de patience pour retrouver les passages précis dans les textes de Virginia. Mais c'est sans doute aussi cela le plaisir de la découverte!)

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Portrait plaisant et sans complaisance ni emphase

8 étoiles

Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 18 avril 2005

Motivation : "Ce livre est né de nos lectures et de nos relectures des romans, des essais, des lettres, des nouvelles et du Journal de Virginia Woolf. Ce que nous désirons plus que tout, c'est que ce portrait, puisque c'en est un, amène de nombreux lecteurs à l'oeuvre elle-même, dégagée des malentendus, des clichés qui s'y attachent encore." - Ainsi évoquent en choeur Geneviève Brisac et Agnès Desarthe ce travail d'écriture en commun, sous l'appellation modeste et épurée de "V.W.". Simples initiales pour évoquer l'Auteur, Virginia Woolf, dont l'oeuvre prolifique est souvent considérée compliquée, ardue et extravagante.

Plus qu'un portrait, ce livre met en lumière les facettes multiples de la femme et l'écrivain. Depuis son enfance sous la coupe solaire de sa mère, l'Ange du foyer, décédée trop tôt, et la conscience vive et aigue d'être sous l'ascendant de son père et ses frères/demi-frères, privée de l'accès à la culture, à l'université, qu'au travers l'emprise de ces derniers. Virginia est une jeune femme très attachée à sa soeur Vanessa, elle épousera Leonard Woolf, sera à l'origine du célèbre cercle de Bloomsbury, écrira une multitude de pages (romans, essais, nouvelles...) et souffrira que l'ensemble soit incompris, conspué et bafoué. Bref, Virginia Woolf est, pour dire simplement, cet être torturé par un talent trop grand, une conscience trop aigüe de sa condition injuste de femme, de sa vanité, son orgueil, parfois sa solitude. Hantée aussi et surtout par "les démons noirs et velus de la dépression", un combat de chaque instant, qui aura raison d'elle.

La lecture de "V.W." apporte de la sérénité, de la lumière et beaucoup de modestie sur le style "woolfien" et l'univers post-victorien, vaguement édouardien. Pour sûr, Virginia Woolf a renouvellé le roman, a tenté de concilier son goût de la peinture à celui de l'écriture, elle a également livré les frontières de son imagination fertile, ses combats intérieurs. Geneviève Brisac et Agnès Desarthe ont réussi leur pari : partager leur passion pour "Mrs Dalloway", "Les vagues", "Promenade au phare", etc.., briser les tabous, faire tomber les barrières, ... bref ceci est un livre étudié, fourni, simple et accessible à tous.

Quelle femme!

9 étoiles

Critique de Sottovoce (Bruxelles, Inscrit(e) le 19 février 2004, - ans) - 14 mars 2005

Une facette que je n'avais pas saisi de V.W. et qui est toute à son honneur, c'est l'importance qu'elle donne à son public: elle est très attachée au fait que la majorité des gens puissent la lire, notamment celle qu'elle appelle Mrs Brown, la passagère du train, que nous appellerions Mr Tout le monde.
Voeu pieux, me semble-t-il, puisqu'elle n'est pas spécialement d'une approche facile.
Elle reproche d'ailleurs à l'Ulysse de Joyce de ne pas être à la portée de tout le monde et là je suis d'accord, j'essaie désespérément de le lire depuis longtemps!

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  Ciel, mon français! 9 Sottovoce 20 mars 2005 @ 18:04

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