Autopsie d'un système: Pour en finir vraiment avec les abus dans l'Eglise
de Christine Pedotti

critiqué par Poet75, le 19 juillet 2025
(Paris - 69 ans)


La note:  étoiles
De la nécessité de réformer l'Eglise catholique
Quand, le 5 octobre 2021, Jean-Marie Sauvé remit le rapport de la commission qu’il présidait pour rendre compte des abus sexuels dans l’Eglise entre 1950 et 2020, il employa à ce sujet le mot « systémique », mot qui fut critiqué, entre autres par des membres de l’Académie catholique de France. Jean-Marie Sauvé en défendit l’usage en expliquant que l’institution, c’est-à-dire l’Eglise, « ayant eu connaissance d’un nombre récurrent d’abus en son sein (…) s’est généralement abstenue de prendre les mesures nécessaires pour les traiter de manière adéquate, c’est-à-dire y mettre fin ou les prévenir. C’est cette passivité prolongée qui engage la responsabilité de l’institution et autorise à parler d’un phénomène systémique. »
Dans son ouvrage, précisément, Christine Pedotti, directrice de Témoignage chrétien, rappelle les chiffres effarants des violences sexuelles dans l’Eglise catholique depuis 1950. Elle énumère aussi la sordide litanie des scandales liés à des personnalités de cette même Eglise, un certain nombre d’évêques et surtout de figures emblématiques, de fondateurs, tels Jean Vanier ou l’Abbé Pierre, des hommes qu’on avait quasi canonisés de leur vivant alors que, sous couvert de leur ardente charité, se dissimulaient de redoutables prédateurs sexuels.
L’intérêt du livre de Christine Pedotti n’est pas seulement de dresser la liste des exactions commises par des membres de l’Eglise catholique, mais d’essayer de rechercher et d’analyser les causes du mal et leurs éventuels remèdes. Pour ce qui concerne le mal qu’on peut dire endémique, il en faut en chercher les causes du côté de la conjugaison, chez les ministres du culte, de deux facteurs : le pouvoir et le sacré. Christine Pedotti rappelle à juste titre que l’institution d’évêques et de prêtres ne provient pas de Jésus lui-même. Considérer les évêques d’aujourd’hui comme les successeurs, pourrait-on dire, en ligne directe des Apôtres, c’est de l’ordre d’un mythe et rien de plus. Jésus s’est bien gardé de constituer un clergé et il n’a d’ailleurs jamais exprimé une volonté de créer une religion nouvelle.
L’Eglise telle que nous la connaissons s’est constituée au fil du temps et, malheureusement, elle s’est construite selon un système hiérarchique. Alors que, pour Jésus, le disciple était un serviteur, voici que la tentation du pouvoir, celui des clercs, est entrée dans l’Eglise et s’y est établie, et avec elle la notion de sacré. Tout a concouru à renforcer, toujours davantage, ce système. Le célibat obligatoire en est un élément, contribuant à écarter les femmes et à les soumettre, tant la misogynie est devenue prégnante dans l’Eglise. Quant aux clercs, on les a de plus en plus considérés comme des êtres différents, mis à part, marqués et sacrés. En somme, en concevant le clergé sur ce modèle, on a mis en vigueur tout ce qui pouvait favoriser les abus, sexuels et autres.
Cela étant établi, Christine Pedotti en vient logiquement à exprimer son souhait d’une réforme de l’Eglise catholique. À ceux qui lui rétorquent qu’elle ferait mieux de quitter l’Eglise catholique pour rejoindre une des Eglises protestantes, elle réaffirme son attachement au catholicisme. Il ne s’agit pas de partir mais de changer, de réformer, d’en finir, autant que possible, avec les abus et, pour ce faire, de mettre un terme au système pyramidal toujours en vigueur chez les catholiques, en somme d’en finir avec le cléricalisme. Concrètement, sa proposition est exposée aux pages 185 et 186 de l’ouvrage : « Il s’agit d’opérer un changement (…) radical et de renoncer à la forme actuelle du pouvoir d’ordre, qui n’est confié qu’à des hommes célibataires pour toute la vie et à plein temps. La formule du changement ne peut qu’être répétée dans sa simplicité : que ceux ou celles qui célèbrent le culte puissent être des hommes ou des femmes, célibataires ou mariés, dont l’engagement serait pour un temps donné et dont ce ne serait pas l’occupation exclusive. Ils et elles exerceraient cette mission pour le service de la communauté. » Pour en arriver là, le chemin est long. C’est néanmoins ce qu’on peut souhaiter de mieux à l’Eglise catholique.