Dialectique du moi et de l'inconscient de Carl Gustav Jung

Dialectique du moi et de l'inconscient de Carl Gustav Jung
( Die Beziehungen zwischen dem ich und dem Unbewussten)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Psychologie , Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Saule, le 25 janvier 2005 (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 047ème position).
Visites : 8 351  (depuis Novembre 2007)

Une école de vie ?

L’œuvre de Jung c’est un peu comme un grand labyrinthe. Au début on se perd mais ensuite, au fil des livres, on finit par se repérer, on s’habitue au langage abscons, les notions nous deviennent familières.

Ce livre est essentiel pour comprendre Jung et éventuellement faire sienne sa vision de l’âme humaine, mais c’est un ouvrage avancé, il ne s’adresse pas à celui qui ne sait pas encore si il veut oui ou non entrer dans ce grand labyrinthe.

On le sait Jung distingue dans la personnalité psychique le Moi (notre partie consciente), l’inconscient personnel (en gros le « dépotoir de la conscience » de Freud, mais pas seulement) et surtout l’inconscient collectif (qui est un apport spécifique de Jung). Il met en outre en avant deux éléments dont il nous faut prendre conscience pour parvenir à nous « arracher du collectif » : la Persona (notre masque social) et l’anima (animus). Après ce rappel, Jung explique dans ce livre les avantages et les dangers de la confrontation avec son inconscient, et nous donne quelques pistes (voire une technique) pour y parvenir tout en nous mettant en garde contre les dangers de cette confrontation.

On peut voir l’anima et la persona comme des complexes psychiques plus ou moins autonomes. Tout ce passe comme si le Moi partageait constamment le devant de la scène avec ces complexes autonomes que sont la Persona et l’Anima (l’Animus chez la femme) qui, en gros, dans ses bons côtés correspond à l’âme. Le sujet de ce livre, et c’est ce qui m’a profondément passionné, c’est la confrontation (en fait « Dialectique ») qui doit s’engager entre le Moi et ces autres aspects de nous-même. Une confrontation qui n’est pas sans danger mais parfois peut être une nécessité. Ce livre aborde également largement le cœur de la pensée de Jung, le processus d’individuation, c’est-à-dire la réalisation de son « Soi ».

Après ce bref aperçu je ne peux pas faire mieux que de dire que cet ouvrage est très riche, et qu’il ne saurait être question d’en faire un résumé ici, d’autant plus que la pensée de Jung est très complexe et que je suis loin de la maîtriser. Par contre je peux dire que par moment la pensée de Jung me captive, réellement, comme lorsqu’on voit écrit noir sur blanc des « choses » qui nous « habitent », bref c’est excessivement intéressant de voir son propre vécu « documenté » par un scientifique. Dans ce livre je suis tombé sur des intuitions qui m’impressionnent profondément.

Je me dis en lisant ce livre que le véritable courage de l’homme c’est d’affronter ses contenus inconscients. En particulier, pour l’homme qui risque à tout moment de rester sous l’emprise de son anima ou de succomber à son charme, de « dissoudre » cet anima dans la conscience. Evidemment pour cela il faut d’abord prendre conscience de son anima, car il ne saurait être question de prendre au sérieux quelque chose dont on n’est pas conscient. Jung nous encourage même à le personnifier afin d’entamer un dialogue avec lui.

Freud avait reproché à Jung de s’éloigner de la psychanalyse pour fonder une école de sagesse. Après tout pourquoi pas ? Le lecteur d’obédience jungienne trouvera en effet dans ce livre une véritable école de vie, il peut même y trouver un sens à la vie qui est celui de l’Individuation, la découverte de son « Soi », un processus long et douloureux (car il faut pouvoir s’assumer totalement) qui implique un glissement de la personnalité vers un nouveau centre.

Un livre qui s’adresse aux personnes qui s’intéressent à Jung et qui le connaissent déjà et bien sûr qui sont ouverts à leur intériorité. J’imagine que pour les autres, ce livre (tout comme ma critique), doit passer pour du charabia.

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Les éditions

  • Dialectique du moi et de l'inconscient [Texte imprimé] C. G. Jung trad. de l'allemand, préf. et annoté par le Dr Roland Cahen
    de Jung, Carl Gustav Cahen, Roland (Autre)
    Gallimard / Folio. Essais.
    ISBN : 9782070323722 ; 5,94 € ; 13/10/1986 ; 287 p. ; Poche
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10 étoiles

Critique de Ellane92 (Boulogne-Billancourt, Inscrite le 26 avril 2012, 49 ans) - 5 octobre 2012

Dialectique du moi et de l’inconscient est une œuvre pivot de la psychologie analytique. Carl Gustav Jung y décrit les mouvements à première vue désordonnés et chaotiques des différents éléments de la psyché qu’il a découverts et développés au cours de sa carrière, pour les rendre signifiant dans le cadre de la dynamique du processus d'individuation.

La première partie de l'ouvrage pose les fondements des forces en présence : Jung définit ce qu’est le Moi, l’inconscient individuel et l’inconscient collectif (qui est l’une de ses découvertes majeures), et expose l’originalité de sa théorie en la positionnant par rapport aux théories psychanalytiques de l’époque (notamment celles de Freud et d’Adler). Il décrit un Moi inscrit dans une dynamique impossible à tenir, tiraillé entre les exigences du monde extérieur et pour lequel il se cache derrière la Persona (c’est la personnalité sociale, archétype issu de l’inconscient collectif et personnel et soumise au type de société dans lequel on vit, à ce qu’elle valorise, à la liberté et la responsabilisation qu’elle propose aux individus), et les exigences du « monde intérieur », de l’inconscient, présenté dans l’ouvrage comme étant l’Anima (ou l’Animus pour les femmes). Il explique très clairement pourquoi plus les éléments de l’inconscient les plus niés et ignorés par l’individu sont ceux qui ont le plus de puissance sur le Moi, et donc dans la vie de tous les jours. Jung pose comme fondements de la libération du Moi sa confrontation avec ces archétypes, en expliquant les enjeux de ce qu’il appelle la libération de l’individualité ou processus d’individuation, sujet principal de la seconde partie de l’ouvrage.

L’individuation consiste à déplacer le centre du Moi de façon à y incorporer des éléments de l’inconscient, c’est-à-dire à tendre vers l’archétype du Soi. De façon pragmatique, il s’agit de transformer les complexes autonomes (les archétypes de l'Anima et celui de la personnalité mana) en fonctions support (c’est-à-dire en force dans laquelle le Moi peut puiser), en reconnaissant leur existence, puis en se confrontant à eux, et enfin, en les assimilant. C’est la description de cette dialectique qui a donné son nom à l’ouvrage.

Le chemin de l’individuation est long et semé d’embuches. Jung explique pas à pas les différents risques liés à l’exploration et la mise au grand jour des ressources de l’inconscient.
L’individuation est réservée à quelques uns, poussés par une nécessité intérieure à explorer toujours plus en avant ce qu’ils sont. Il est d’ailleurs difficile d’ignorer les appels de l’inconscient : ce dernier se rappelle à notre bon souvenir au travers de tocs, d’obsessions, d’angoisses, bref, de symptômes généralement associés aux névroses, qui sont finalement, et avant tout, des invitations directes de notre inconscient à entamer le dialogue.
Ceux pour qui l'individuation n'est pas une nécessité sont également invités à prendre conscience de leurs courants intérieurs contraires, en vue de ne plus se faire balloter au gré des pulsions inconscientes et ce, quelle que soit l’étape à laquelle ils se trouvent ou choisissent de s’arrêter. Finalement, Jung nous invite à devenir responsable de notre vie en prenant conscience de nos actes, et à interagir de façon vraie avec les autres, notamment en arrêtant de projeter sur tout un chacun les fantasmes issus de nos archétypes.

Ce que j’aime particulièrement chez Jung, c’est ce message qui nous exhorte à être acteur et responsable de sa vie, à être autonome et vrai dans sa relation avec l’autre. Nul besoin de 20 ans de psychanalyse (même si une « petite tranche » peut aider), la prise de conscience de ce qui est caché et la prise en considération de ce dont il s’agit permet d’avoir une meilleure connaissance et une meilleure maitrise de ses actes. C’est un message plein d’espoir, qui invite chacun à se repositionner non seulement par rapport à ce qu’il est ou par rapport à l’autre, mais également par rapport à sa place dans la société, au regard qu’il porte sur le monde.

Cet ouvrage est riche et complexe : on y apprend ou comprend toujours de nouvelles choses, même lors d'une seconde ou d’une troisième lecture. Le développement proposé par Jung est ardu : il n'a pas une approche directe des messages qu'il passe, des développements qu'il fait, des concepts qu'il aborde. Il a plus tendance à aborder différents sujets, et à laisser le lecteur faire ses propres rapprochements.
Il ne s’agit pas d’une introduction à la théorie Jungienne : comme l’ont dit Saule et Eric Eliès, cet ouvrage est à déconseiller à ceux qui ne connaissent pas les principaux fondements et éléments de la « psychologie des profondeurs ». En effet, Jung fait appel aussi bien aux différents archétypes qu’à la notion de complexes autonomes, aux symboles de l’âme, à la typologie des individus, etc… qui ont fait l'objet d'ouvrages dédiés.

Si j’avais un reproche à faire à ce livre, ce serait peut-être sa légèreté vis-à-vis des processus liés à l’Animus (thématique souvent reléguée à un « identique que pour l’Anima »), et l’absence quasi-totale de référence à un archétype qui me semble pourtant bien nécessaire à l’approche de l’individuation : l’Ombre.

Un livre de synthèse sur la pensée de Jung

8 étoiles

Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 6 mars 2012

Ce livre de Jung est la meilleure introduction possible à son oeuvre. Issu d'une série de conférences, il tente de résumer une démarche poursuivie durant des décennies pour comprendre les processus qui déterminent les évolutions de l’inconscient. Néanmoins, comme le dit Saule (dont la critique est déjà très riche), il faut, pour bien le comprendre, avoir quelques notions sur la psychanalyse, notamment freudienne.
En effet, la pensée de Jung s'est développée à partir de celle de Freud mais s'en distingue. Alors que Freud considère que l’inconscient est intégralement constitué de tendances infantiles refoulées, Jung affirme qu'il a découvert, lors de ses séances thérapeutiques, que l’inconscient est capable d’une activité dynamique autonome d’organisation de ses contenus et de production de rêves et fantasmes dépassant le plan du vécu personnel. Il faut donc distinguer dans l’inconscient une strate d’inconscient personnel, constituée d’éléments en lien avec le vécu du sujet, et une strate d’inconscient collectif, constituée d’images originelles et universelles, consubstantielles au fonctionnement du cerveau humain (qui explique l’extraordinaire analogie constatée entre les mythes des différentes races et civilisations). Jung considère comme un grave danger l'invasion de la psyché individuelle par l'inconscient collectif. Ce phénomène, que Jung appelle "l'inflation psychique", peut générer au niveau individuel, des crises de paranoïa et, au niveau sociétal, des masses uniformisées niant l'individu.
Jung a appelé "persona" le mécanisme mis en oeuvre par la psyché collective pour subordonner la psyché individuelle. La "persona" est, en quelque sorte, le masque que porte l’individu pour s’insérer dans la communauté collective, en refoulant les contenus mentaux individuels incompatibles avec l’image idéale de l'archétype correspondant à l'image sociale de l'individu.
Jung a également découvert dans l'inconscient collectif une autre structure autonome, qu'il a appelé l'anima, qui s'oppose à la persona et la compense. Elle est beaucoup plus difficile à comprendre (je ne suis d'ailleurs par sûr de l'avoir bien comprise), donc à expliquer. Il s'agit d'une image idéale de la personne de l'autre sexe, telle qu'elle s'est construite au cours de l'évolution de l'Humanité. Pour l'homme, l'anima est une femme, parée des attraits de la sensibilité et d'une mystérieuse capacité d'intuition (nota : Jung cite les romans de Pierre Benoît et explique leur succès par son intuition de personnages incarnant l'anima) ; pour la femme, l'animus est une pluralité d'hommes, dotés de l'autorité et incarnant la raison. Cette image inconsciente cherche en permanence à se projeter sur les personnes de sexe opposé, notamment sur les parents. La relation mère-fils est conditionnante pour le développement de la relation entre la psyché individuelle et l'anima tandis que la jeune fille tend à chercher des hommes qui la dominent. Jung considère également comme un danger l'invasion de la psyché par l'anima, qui peut transformer les hommes en êtres larmoyants ou hystériques et les femmes en êtres secs ne cessant d'affirmer leurs opinions sur tout.
Pour assurer la dissociation souhaitable de la pyché individuelle avec la persona et l'anima, et mettre fin à l'aliénation du Soi, Jung prône l'individuation, qui est un long processus d'apprentissage visant au libre épanouissement de la personne, en annihilant l'autonomie relative de la persona et de l'anima. Jung prend soin de distinguer l'individuation et l'individualisme, qui traduit pour lui un échec du processus d'individuation. Une société constituée de personnes ayant mené le processus d'inviduation n'est en aucun cas une société individualiste. Néanmoins, pour Jung, l'individuation ne peut être généralisée à tous : elle est dangereuse (car ce long processus de confrontation et de métamorphoses ressemble à une initiation qui peut mettre la psyché en danger) et les individualités méritant vraiment d'être développées sont assez rares.
Ce livre est très intéressant mais il devient progressivement difficile à comprendre quand Jung introduit la notion d'anima/animus. La présentation de cette notion m'a par moments irrité car elle ressemble à une justification des stéréotypes courants sur l'homme (être incarnant la force et l'intelligence mais dont la sensibilité est étouffée par le rationalisme) et sur la femme (être sensible doué pour les relations inter-personnelles mais incapable d'élaborer des raisonnements intellectuels, notamment mathématiques). Jung dit clairement (ou à peu près) que la plaie pour les hommes est de rencontrer des femmes qui se croient intelligentes... Evidemment, je l'ai dit à ma femme (qui lit Jung mais elle n'a pas lu celui-ci) qui m'a expliqué que je n'avais rien compris ! Démontrant ainsi qu'elle ne maîtrisait pas son animus... ;). Par ailleurs, Jung fait beaucoup de digressions sur les religions, les philosophies orientales et l'occultisme et s’appuie souvent sur des exemples tirés soit de ses thérapies soit de romans (Rider Haggard, HG Wells, Pierre Benoît, etc.). Ce foisonnement me paraît nuire à la clarté (voire à la crédibilité) de certains propos, mais je n'ai ni l'expérience ni la connaissance pour en juger.

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