La musique d'une vie de Andreï Makine
Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Russe
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Un monde plus qu'absurde
Le début de cette histoire coïncide avec la date à laquelle un philosophe, réfugié à Munich, a trouvé un terme nouveau pour désigner le peuple soviétique.
Le narrateur est sidéré de voir à quel point ce terme englobe bien chaque composante de ce gigantesque peuple, sans exception ! A peine trouvé, il parcourt la planète et est utilisé par tous. Le philosophe est Zinoviev et le terme « générique » est « Homo Sovieticus ».
Une gare au fin fond de l’Oural. La neige tombe comme vache qui pisse et le train pour Moscou a plus de six heures de retard. Comme dit le narrateur, il pourrait aussi bien avoir six jours ou six mois de retard, cela ne changerait rien ! La gare est remplie de passagers en attente, couchés n'importe où, n'importe comment, entassés les uns sur les autres. «La nuit confond les dormeurs dans une seule masse vivante & une bête goûtant par toutes ses cellules la chance de se trouver à l'abri. » Ils auront trois mille kilomètres à parcourir, plusieurs faisceaux horaires à traverser, et devront passer d’Asie en Europe pour arriver, enfin, à Moscou !.
Cette gare n'est jamais qu'un minuscule point noir dans la gigantesque étendue de cet énorme pays recouvert de blanc à perte de vue. « Et cette gare assiégée par la tempête n’est rien d'autre que le résumé de l’histoire du pays. De sa nature profonde. Ces espaces qui rendent absurde toute tentative d'agir. La surabondance d'espace qui engloutit le temps, qui égalise tous les délais, toutes les durées, tous les projets. »
Le narrateur, dans une pièce perdue de la gare, tombe par hasard sur un vieil homme. Ils ne se quitteront plus avant plusieurs jours, avant Moscou. Et cet homme, Alexeï Berg, va lui raconter sa vie, et quelle vie !
Fils d’un musicien et d'une comédienne, il apprendra la musique et deviendra pianiste. Mais nous sommes à l'époque des purges de Staline et, de l'extérieur, il assiste à l'arrestation de ses parents le jour où il doit donner son premier concert. Il s’enfuit immédiatement pour tenter d'éviter la déportation. Il se retrouve en Ukraine, caché par de la famille. Soudain un bruit énorme envahit sa minuscule cache. Le ciel gronde et hurle, le sol tremble, des coups de feu retentissent dans tous les coins. Hitler vient d'envahir l'Ukraine et toute la vie d'Alexeï va s’enfoncer encore un peu plus dans l'absurde !
A l’absurde du temps de paix sous la dictature aveugle d'un homme mythomane, va s’ajouter toute l’absurdité de la guerre. Alexeï Berg va se perdre dans la masse des troupes en déroute. Mais il va surtout se perdre tout court !… Que va-t-il rester de lui, qui est-il, que fait-il, que représente encore la vie, que représente la mort, que représente les autres ?. Un monde fou !. Le Chaos d'avant Kronos !… Et l’absurde aura-t-il une fin pour lui ?. A vous de vivre cette histoire d'un « Homo Sovieticus » parmi beaucoup d'autres…
Il n'est pas nouveau de dire que Makine écrit merveilleusement bien et ses prix Goncourt et Medicis de 1995 sont là pour en témoigner.
Les éditions
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La musique d'une vie [Texte imprimé], roman Andreï Makine
de Makine, Andreï
Seuil
ISBN : 9782020483438 ; 12,30 € ; 30/12/2000 ; 128 p. ; Broché -
La Musique d'une vie
de Makine, Andreï
Seuil
ISBN : 9782020542852 ; 6,20 € ; 02/01/2004 ; 144 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (10)
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Une pépite.
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 31 décembre 2021
Ce livre, qui est le récit d’une vie imaginée, est comme un cri, ou plutôt un murmure de compassion, pour les victimes de ces régimes odieux, qui coupent les têtes qui dépassent et traitent les peuples en esclavage. On est pétrifié de consternation en lisant cette vie, en même temps qu’on est séduit par la merveilleuse écriture de Andreï Makine. Ce petit roman est assurément un trésor de la littérature.
une rencontre éphèmère et inoubliable
Critique de Clubber14 (Paris, Inscrit le 1 janvier 2010, 44 ans) - 5 avril 2017
Andreï Makine a une plume extraordinaire, il sait, comme personne, parler de sa Russie avec des mots qui virevoltent et peuvent cingler à la fois. J'ai beaucoup aimé ce roman qui l'espace de quelques instants nous fait vivre un rêve éveillé.
Magique
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 2 août 2013
Ne vous y trompez pas, ce petit bouquin en taille semblerait prévu pour un petit après-midi de lecture. Il n'en a rien été et il m'a fallu presque une semaine pour en venir à bout : un monument !
Ce récit contient (je pense) la plus belle page de son oeuvre et je ne peux résister à l'envie de vous en reproduire ici un partie.
" ... à la certitude que la touche bleu foncée du velours était la composante même, à la fois évidente et codée, du bonheur. Et que les autres composantes étaient ces flocons derrière les vitres, ce début du crépuscule, ces notes dont le flottement laissait parfois deviner la faiblesse juvénile des doigts.
Il vivait cet amour au passé, entraîné vers les années de grande peur où il ne rencontrait que les masques au long nez, , ces trois années durant sa jeunesse où il aurait dû vivre exactement ce qui arrivait aujourd'hui : cette rencontre avec avec une jeune fille de son âge, un premier amour. Il avait vingt-sept ans à présent. La jeune fille au piano rendait cette question d'âge sans objet car il se sentait en dehors du flux habituel des jours, dans un temps dédoublé, dans une rêverie qui lui laissait revivre ces trois années passées au milieu des masques."
Magique
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 8 mai 2011
Dans une gare de l’Oural, attendant le passage du train (6h de retard...) le narrateur fait la connaissance d’un vieux monsieur, un étrange personnage qui joue silencieusement du piano dans une salle de la gare. Celui-ci va raconter pendant le voyage jusqu’à Moscou sa bouleversante histoire, où se mêlent délicatement musique, amour,guerre et totalitarisme, et dans laquelle son amour du piano joue un peu le même rôle dans son bonheur et sa perte que les échecs dans Le joueur d’échecs de Zweig.
Tout ceci est écrit dans un style d’une grande simplicité, l’intensité et la poésie du roman venant de la vérité des sentiments et non de la sophistication du langage.
A lire absolument
Une rencontre émouvante
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 20 février 2009
Mais, comme ce livre est émouvant ! Une triste histoire racontée de si belle façon ! Un destin brisé, un talent musical broyé par la guerre, détourné de son envol, un homme forcé de faire taire sa musique afin de pouvoir survivre, un homme qui n'oubliera jamais ce qu'il est vraiment mais qui devra cacher son art afin de conserver un semblant de sécurité. Mais, un amour de la musique aussi grand finit toujours par se manifester d'une façon ou d'une autre, scellant le destin de celui qui le possède et le laisse éclater au grand jour. Un bijou de livre !
Slavissimo
Critique de TELEMAQUE (, Inscrit le 9 février 2006, 76 ans) - 15 octobre 2006
"Homo Sovieticus". Tel un lointain ancêtre émergeant de la glace qui l'avait saisi au paléolithique, il acquérait avec ce nom un être, une histoire, une forme, une identité... Le dégel kroutchévien, suivi du petit âge glaciaire brejnevien avait sorti puis provisoirement rejeté ce que trente ans de guerre froide avaient ajouté aux peurs de l'occident pour le révéler progressivement à nos yeux étonnés : un humain. Comme nous.
L'univers dans lequel il vivait apparût peu à peu à nos consciences, jusqu'à la glasnost et la pérestroïka qui nous le livreront dans toute sa vérité: un spécimen d'humanité qui a résisté avec constance à la plus incroyable des barbaries. Celle qui congèle les âmes en attendant de les délivrer aux lendemains qui chantent.
Cet homme a vécu dans un monde où les distances et le temps sont abolis par le fatalisme, la fatalité par le bon sens, et les excès de non sens par la vodka. Pour résister, il se dédouble, cache ce qu'il est pour ne laisser subsister qu'une apparence, perdant son être dans la masse de ses congénères.
Il faudra à Alexeï Berg, qui a endossé en même temps que son uniforme l'identité d'un soldat mort -échappant ainsi au goulag qui l'attendait- la tentation d'un amour impossible pour retrouver sa vraie nature. Alexeï est pianiste, un pianiste qui n'a pu donner son premier concert parce qu'obligé le jour même de fuir la police de Staline, le bienveillant petit père du peuple.
Il refonde sa personne et sort de la peau du double de lui-même qu'il était devenu lorsque la jeune Stella, cruel Pygmalion sans cervelle l'humilie devant un parterre d'aparatchiks.
Pour cesser d'être sa créature, il tire un jour du piano sur lequel elle prétendait lui faire ânonner une ritournelle enfantine -"Mais vas-y, tu commences par le Do avec le pouce de ta main droite" - une élégie, une sonate ou qui sait quelle page de Rachmaninov ou Scriabine et retrouve à la fois son unité et sa vérité par la musique.
Allez, pour la route, pour le style de Makine qui est décidément un magicien, la fin de cette scène:
"Quand il laissa retomber ses mains sur le clavier, on pût croire encore au hasard d'une belle harmonie formée malgré lui. Mais une seconde après la musique déferla, emportant par sa puissance les doutes, les voix, les bruits, effaçant les mines hilares, les regards échangés, écartant les murs, dispersant la lumière du salon dans l'immensité nocturne du ciel derrière les fenêtres.
Il n'avait pas l'impression de jouer. Il avançait à travers une nuit, respirait sa transparence fragile faite d'infinies facettes de glace, de feuilles, de vent. Il ne portait plus aucun mal en lui. Pas de crainte de ce qui allait arriver. Pas d'angoisse ou de remords. La nuit à travers laquelle il avançait disait et ce mal, et cette peur, et l'irrémédiable brisure du passé mais tout cela était déjà devenu musique et n'existait que par sa beauté. "
A lire à haute voix, pour soi, pour la musique.
Grand prix RTL-Lire
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 14 décembre 2005
Une jolie histoire, en dépit de la gravité du sujet. Les analogies entre la musique et le rythme de la vie sont faciles, mais on pardonne.
Ambiance et histoire simple.
Critique de Drclic (Paris, Inscrit le 13 mars 2004, 48 ans) - 10 septembre 2004
L'homo sovieticus n'a jamais été aussi bien décrit.
Drclic.
Comme une symphonie
Critique de Francesco (Bruxelles, Inscrit le 16 février 2001, 79 ans) - 2 septembre 2001
camps de la mort. il nous fait revivre sa rencontre en 1941 avec un jeune pianiste dans une gare de Sibérie et au cours de leur voyage vers Moscou il va écouter la confession de ce talentueux artiste , Alexei Berg . Il apprend que le destin de ce dernier va basculer lorsque peu de temps avant son premier concert , ses parents sont arrêtés et expédiés dans un camp où ils seront exterminés comme opposants au régime stalinien. Le jeune pianiste s'enfuit en Ukraine où il trouve refuge et va se placer dans la clandestinité en recouvrant l'uniforme volé à un soldat mort au début de la guerre. Ensuite il va devenir chauffeur d'un général , s'éprendra d'une jeune fille laquelle épousera un autre et finalement sera découvert comme usurpateur et sera envoyé au goulag pour quelques années. L'auteur dénonce ici " l'homo sovieticus" : personnage résigné , fataliste , soumis qui a perdu toute identité dans un pays froid , gris , sale à l'image de cette gare où les protagonistes se sont rencontrés vingt-cinq ans plus tard. A. Makine nous démontre avec brio que l'art et plus spécialement la musique permettent à l'individu de se sauver de cette condition humiliante imposée par le régime communiste. On ressent dans ce magistral roman toute la noblesse de l'âme russe , profonde, sensible et généreuse. Le style est d'une grande beauté à la fois sobre et classique comme une symphonie.
L'âme slave en quelques pages
Critique de Spin Gourmet (BRUXELLES, Inscrite le 12 septembre 2000, 49 ans) - 8 avril 2001
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