Zazie dans le métro
de Raymond Queneau

critiqué par Fairwater, le 3 avril 2001
(Leuze - 45 ans)


La note:  étoiles
Acidulé
Consacré " roman d'humour noir ", " Zazie dans le métro " n'a rien d'hilarant, comme on pourrait le croire à première lecture.
En effet, c'est l'histoire d'une gamine délaissée par sa mère (en proie avec ses nombreux amants), harcelée sexuellement par son beau-père, et qui a pour oncle un travesti...
Zazie veut donc voir le métropolitain, malheureusement en grève lors de son séjour à la capitale. Le métro souterrain, c'est toute l'obscurité des choses qu'elle n'arrive pas à s'expliquer. Parce que oui !, il faut lire " Zazie " à l'aide de Freud !
Un roman à relire et à détailler : chaque protagoniste donne vie aux idées, à l'inconscient, bref, à tout ce qui nous fait peur.
"rien de plus qu'un délire tapé à la machine par un romancier idiot" 8 étoiles

C'est Queneau lui même qui définit ainsi son oeuvre la plus célèbre: Zazie dans le métro. En racontant le week-end pittoresque à Paris d'une gamine délurée, Raymond Queneau a voulu:
~ s'amuser (en particulier avec les jeux sur le langage)
~ amuser son lectorat (personnages surprenants voire comiques comme la veuve Mouaque ou le perroquet Laverdure, péripéties distrayantes...) et le choquer (vocabulaire grossier)

MAIS il ne faut pas oublier le côté plus philosophique de l'oeuvre de Queneau. Ce dernier veut en effet nous faire réfléchir sur la valeur du langage. Par la voix du perroquet qui répète: "tu causes, tu causes c'est tout ce que tu sais faire", Queneau met en doute l'efficacité du langage car souvent celui qui parle oublie d'agir. C'est tout le travail de l'écrivain qui est critiqué car que fait-il à part user du langage ? Queneau pratique, en quelque sorte, l'auto-dérision. Cependant, c'est bien en parlant que la petite Zazie agresse à sa manière le monde des adultes et renverse les tabous, vérifiant le proverbe "la vérité sort de la bouche des enfants".
J'ai du étudier ce roman de Queneau en parallèle avec son adaptation cinématographique par Louis Malle, puisqu'il était au programme du bac L de cette année. Je l'ai trouvé surprenant, distrayant et original. En mettant en scène une histoire a priori sans prétentions, Queneau tente de faire réfléchir le lecteur sur la valeur objective du langage. Ainsi, il ne faut pas s'arrêter à l'aspect formel de l'oeuvre et essayer de comprendre le message, toujours actuel, de Raymond Queneau.

Encyclopédie sur pattes - - 28 ans - 4 juillet 2013


Exceptionnel 9 étoiles

Lorsque je lis les critiques postées sur ce livre je les trouve encore plus surréalistes que le roman de Queneau.
Quant au petit "Martin1" qui n'a sans doute rien compris on le pardonne vu son jeune âge.

Le Roman est hilarant, surréaliste, noir, l'histoire est simple mais bien narrée , le tout fonctionne à merveille et on ne s'ennuie pas.
Il me fait beaucoup penser à certains Boris Vian comme l'arrache coeur.

Queneau est vraiment un maitre méconnu des mots.

Kreuvar - - 41 ans - 28 avril 2012


assez bien 7 étoiles

ce livre ne m'a pas trop plu parce que je n'ai pas très bien compris. Il y a des mots que je ne comprends pas. Mais c'était quand même bien.

Grenadine - - 24 ans - 1 janvier 2012


Illisible chef d'oeuvre de littérature 1 étoiles

Un livre mérite toujours une petite étoile, selon moi, et je m'étonne moi-même en ne mettant que la note minimum. Pourquoi une note si basse ? Parce qu'un certain Raymond Queneau a voulu faire l'original, et il a pondu une oeuvre admirable pour ceux qui ne comprennent rien à la littérature.
L'histoire n'est pas intéressante, on s'ennuie, le vocabulaire est grossier, les dialogues sont omniprésents et déplorables.

Pour faire son intéressant, l'auteur s'est amusé à enlever les négations, écrire des mots dans leur prononciation phonétique, ruiner la beauté de la langue française.
Queneau ne parle pas français. Il est comme un enfant, qui ne sait pas parler français, qui tourne la langue en ridicule - il est encore trop petit pour comprendre ce qu'est la beauté de la langue magnifique qu'est le français - alors il s'amuse à tourner les cubes de lettre dans son bac à jouet, on met un "f" à la place d'un "ph", on chamboule l'orthographe, la grammaire, la conjugaison, mais on conserve l'art de la francisation imaginaire.
Tout cela rend le livre illisible (à tel point que je plissais les yeux).

Bonne lecture tout de même à ceux qui y arrivent ; personnellement je l'ai fini en faisant de nombreuses pauses pour respirer.
Ah ! Averse averse pluie pluie parapluie ! Il pleut dans le royaume de la poésie.

Martin1 - Chavagnes-en-Paillers (Vendée) - - ans - 25 décembre 2011


DOUKIPUDONKTAN ? 9 étoiles

C'est par cet étrange mot dont la graphie imite la prononciation que commence le roman. Le ton est donné, l'écrivain s'amuse avec le langage, le tord, l'enrichit afin d'adopter un parler populaire parisien qui ne pourra qu'enchanter le lecteur.

Zazie est confiée à son oncle Gabriel pour deux jours pendant que sa maman prend du bon temps avec un jeune homme. Zazie n'a plus de père parce que sa mère l'a tué d'un coup de hache alors qu'il tentait d'abuser de la petite. Ne vous méprenez pas, ce roman n'est pas tragique ni mélodramatique. Ces épisodes sont évoqués en quelques lignes et ne sont en rien essentiels pour la suite de l'histoire. Zazie est une enfant de presque 10 ans qui a un franc parler, est pleine d'énergie, a pour réplique préférée "Mon cul !" et n'a pas froid aux yeux. Nous sommes donc bien loin du récit pathétique !

Son séjour à Paris sera d'une extrême richesse, elle rencontrera de nombreux parisiens originaux : Charles le chauffeur de taxi, Turandot, Trouscaillon un policier peu fiable, la veuve Mouaque haute en couleur ... Le roman est rythmé par ces rencontres et par des dialogues enlevés sans être pour autant édulcoré. Certains "satyres" semblent fortement attirés par les demoiselles ... Zazie veut connaître à tout prix le métro qui la fait rêver et incarne à ses yeux la modernité, mais cette rencontre sera difficile, pour ne pas dire impossible ...

La richesse de ce roman repose sur la peinture vivante de Paris avec ses embouteillages, ses touristes, sa Tour Eiffel, ses cabarets ... et son argot. La langue de Queneau est riche et inventive, c'est sans doute pour cela qu'un CLien a comparé Queneau à Rabelais ! Certains mots adoptent la graphie de la prononciation : "essméfie", certaines phrases sont incorrectes grammaticalement : "je nous le sommes réservé", des mots sont purement inventés : "charabiaïssent" et les mots-valises complètent ce nouveau dictionnaire imaginaire : " squeleptique" ...

Le roman se lit avec plaisir. Les personnages sont marquants par leur originalité et la langue de ce roman est pittoresque et pourtant si neuve.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 14 décembre 2011


Superbe ! 10 étoiles

C'est le premier roman de Queneau que j'ai lu et je n'ai pas été déçu !

Le style me semble pouvoir être défini comme du "San Antonio" plus littéraire ("San Antonio" peut aussi être considéré comme un "vrai" écrivain ; mais Queneau est d'un niveau très supérieur tant au niveau du jeu avec la langue que du fond). D'ailleurs, cette oeuvre est contemporaine des premiers "San Antonio" mais ceux-ci étaient encore d'un style très classique à cette époque-là (fin des années 50). Il me semble que l'on pourrait plutôt dire que c'est Frédéric Dard qui a été inspiré par Raymond Queneau que le contraire...

Contrairement à certains autres "critiqueurs libres", je n'ai pas trouvé l'histoire inintéressante même s'il est vrai que le plus important dans cette oeuvre est le jeu sur la langue (avec la tentative très réussie d'écrire le français parlé).

L'histoire de cette petite fille, de sa mère, de son oncle (etc...) m'a vraiment touché et fait rire en même temps (avec ces scènes délirantes où l'exagération fait naître, à la façon de "San Antonio" à la fois le rire et l'émotion).

En lisant des analyses sur le web de ce roman j'ai vu qu'il était truffé d'allusions déguisées à d'autres oeuvres littéraires (des origines de la littérature à nos jours). J'avais vu certains de ces jeux de miroirs entre oeuvres littéraires à la lecture (Shakespeare par exemple) mais pas tous...

Je compte bien lire d'autres romans de Queneau assez rapidement.

JEANLEBLEU - Orange - 56 ans - 3 janvier 2011


Du style oui, mais pas accrocheur du tout 2 étoiles

Une succession de dialogues, d'anecdotes, quelques bons moments mais au bout du compte j'ai éprouvé de la lassitude à tourner les pages.

MrClint99 - - 46 ans - 6 décembre 2009


La forme plus que le fond 6 étoiles

L’histoire en elle-même est fadasse et repose sur pas grand chose. Mais l’atout de ce roman vient de ses personnages hauts en couleurs mais surtout de l’ingéniosité du vocabulaire de l’auteur : orthographes phonétiques, mots-valise, inventions, approximations volontaires… chaque page amène son lot de recherche (et heureusement que les notes en bas de page étaient nombreuses) et d’humour.
Donc forme savoureuse, fond faiblard (sans doute pour mettre en avant cette écriture si particulière).

Manumanu55 - Bruxelles - 45 ans - 17 novembre 2009


Belle écriture originale 5 étoiles

« Le principal exploit de ce livre ne serait-il pas de prouver une fois pour toutes qu'on peut très bien concilier l'avant-gardisme avec la rigolade ? » - Frédéric Beigbeder, Dernier inventaire avant liquidation

C’est en lisant ce livre de Beigbeder que j’ai eu envie de lire ce roman rocambolesque (Zazie dans le métro est 36e dans la liste des 50 meilleurs livres du XXe siècle). C’est original, l’écriture est spéciale, certains mots sont écrits au son (quand ça vient de grands auteurs et que c’est volontaire, alors ça passe) :

« Après tout, disait le type, c'est peut-être vott dame qui me l'a fauché, mon pacson. Elle a peut-être envie de porter des bloudjinnzes elle aussi, vott dame. Ça sûrement non, disait Gabriel, sûrement pas. Qu'est-ce que vous en savez? répliquait le type, l'idée peut lui en être venue avec un mari qui a des façons d'hormosessuel.
- Qu'est-ce que c'est un hormosessuel? demanda Zazie.
- C'est un homme qui met des bloudjinnzes, dit doucement Marceline. »

L’écriture est racée, mais l’histoire m’a moins marqué malheureusement, ça ne rejoint pas vraiment mon genre d’humour.

Nance - - - ans - 20 février 2009


Tu causes 9 étoiles

Queneau. L'Oulipo. La mise en scène organisée. Les répétitions voulues. La zizanie ? Non, l'organisation, l'orchestration. La langue. Qu'est-ce que la langue ? le langage, vert ou tendre, de raison ou de passion ? L'écriture, comme une griffe... de grand couturier. La fête, l'être et le néant, composé avec une autre sauce, nettement plus piquante. On aime ou on n'aime pas. J'aime.

MOPP - - 88 ans - 18 décembre 2007


Génialissime! Chef d'oeuvre! 10 étoiles

J'vais pas faire dans le littéraire et je vais être bref: j'aime énormément Raymond Queneau!Et Zazie dans le métro particulièrement, la gouaille de la gamine, l'atmosphère du roman, le parlé imagé ... J'ai lu dernièrement Loin de Rueil et c'est tout pareil : géniel! J'aime pas le blabla inutile, alors voilà : Lisez Queneau vous vous poilerez!

Tiffauges - - 41 ans - 15 novembre 2006


A lire 9 étoiles

Pour être très brève : c'est très drôle, très nouveau et ça m'a beaucoup plu !

Olifleur - - 42 ans - 30 juillet 2006


Très drôle! 9 étoiles

j'ai passé un très bon moment à lire ce petit livre, j'ai bien ri, le seul hic c'est que je me suis un peu perdu à la fin... une fin très chaotique... Mais bon, ça valait le coup de le lire et je ne regrette pas du tout!

Isik - - 45 ans - 18 juillet 2006


Zazie-qui-va-pas-dans-le-métro! 5 étoiles

Drôle, original, parfois même étrange! peut-être un peu trop étrange mais passons!
Une histoire décousue et qui se veut ainsi! Bref, un style maîtrisé.

Elyria - - 33 ans - 31 mars 2006


"tu causes tu causes" 10 étoiles

Zazie , petite emmerdeuse (et qui ne se gêne pas pour dire ce qu'elle pense !) et adepte de "bloudjinzes", débarque pour la première fois à Paris. Elle est gardée par son tonton Gabriel qui ne travaille que la nuit .La seule chose qu'elle veut voir : le métro ! Zazie nous fait zigzaguer à travers Paris, et l'on découvre un Paris des années 50. Et pour fond sonore un perroquet qui ne sait que dire "tu causes, tu causes c'est tout ce que tu sais faire !"

voici un livre que je conseille , si vous aimez les jeux de mots (Raymond écrit les mots tels que nous les prononçons), voici un livre pour vous ! Même si Zazie nous z'énerve on s'y attache !

Ice-like-eyes - nantes - 40 ans - 2 juin 2005


Un génial capharnaüm 8 étoiles

Ce n'est certainement pas de la grande littérature, mais c'est très distrayant. Il y a des jours où j'aimerais bien pouvoir être un emmerdeur comme Zazie. Ca m'a fait beaucoup rire.
Le film de Louis Malle avec Philippe Noiret en est une bonne adaptation, et c'est bien mieux que du Jacques Tati : j'ai trouvé les films de ce dernier gentils, mais bien fades.

Veneziano - Paris - 47 ans - 10 mai 2005


j'adOOOre 10 étoiles

Un des meilleurs livres que j'ai lu! On rit du début à la fin et on ne s'en lasse pas ... à chaque relecture, on trouve un petit quelque chose qu'on n'avait pas remarqué !!!
C'est vrai que la fin est assez bizarre ... mais au moins, le lecteur peut y trouver plein d'interprétations différentes !!!

Lepôvreélève - - 37 ans - 13 mars 2005


quelle fin confuse! 7 étoiles

J'ai adoré les 3 premiers quarts du livre: hilarant!
l'écriture surtout...
mais la fin??
et la soi-disant épouse du tonton? c'est un hormossessuel ou non?!
A force, j'avoue que ça m'a lassé les "mon q!" de Zazie...
et j'ai rien compris à la fin, c'est très confus et chaotique...
si quelqu'un pouvait m'éclairer..

Senni - - 45 ans - 6 août 2004


Les mots en liberté 10 étoiles

Pas envie de polémiquer, j'ai juste pris mon pied en lisant Queneau, que demander de plus.
La folie du langage, d'idées, des personnages.
Comment ne pas s'attacher à cette petite peste de Zazie qui n'en fait qu'à sa tête et au flegme de son Oncle
J'ai d'abord fait la connaissance de cette bande de joyeux drilles grâce au film de Louis Malle (avec Catherine Demongeot et Philippe Noiret) mais la lecture du livre m'a fait redécouvrir la merveilleuse folie des bons mots de Queneau.

Bref que du bonheur

Si j'avais 10 ans je crois que je tomberais éperdument amoureux de Zazie!

Sha - Namur - 52 ans - 13 avril 2004


Doukipudonctan? 10 étoiles

J'avais loupé la grande empoignade à propos de Queneau entre Eric B. et Syllah-o. Amusant. Qu'aurait pensé Queneau, dont la seule ambition dans ce livre, me semble-t-il, est de jouir du langage, de nous conter une aventure moderne où il nous propose de le suivre comme dans une BD des pieds nickelés ou un film des Marx Brothers? "Doukipudonctan", Gabriel dit Gaby, l'armoire à glace qui travaille comme danseuse de charme (travesti, oui, "hormosessuel", non!), le perroquet Laverdure ("Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire..."), le car de touristes japonais, la folle poursuite dans Paris (qui me rappelle l'émission télé des Beatles "Magical Mystery Tour"), les "bloudjinnzes" et... Zazie. Omniprésente, insolente, décapante Zazie qui répond à la question classique sur ce qu'elle fera "dans la vie" : "Maîtresse d'école". Pourquoi? "Pour faire chier les mômes"... Quelle sincérité!

Lucien - - 69 ans - 5 septembre 2002


Du rire du temps au temps du rire (pour Eric B.) 3 étoiles

Tu écris : "Je reconnais que, pris par le temps comme nous tous sans doute, j'ai dû m'exprimer précédemment mal et trop vite." Pris par le temps, c-à-d capturé par le temps, prisonnier de lui, esclave de l'horloge, de la montre, de l'agenda. Encore un fléau de l'époque, ce lancinant esclavage dont certains tirent un orgueil ahurissant (un peu comme si quelqu'un se vantait d'avoir le cancer ou le sida). Or voilà que, fâché de n'avoir pas été compris dans ta hâte, tu regimbes, tu sors des griffes du temps, tu l'empoignes par la peau du dos et lui imposes ta volonté, ton rythme à toi, ta réflexion. Résultat : un texte clair et sensé à la lecture duquel on se dit : "Voilà quelqu'un avec qui il est possible de discuter".
Le rire a pour effet de désamorcer le tragique, non de le faire disparaître, puisque le tragique est au coeur même de l'homme (l'exclusion du Paradis d'Adam et Ève est une chute dans le temps, et c'est le début de nos malheurs). Rire, c'est mettre à distance ce qui, sans cela, pourrait nous tuer. Quel antidépresseur plus efficace que le rire ? Il faut envisager le monde, l'univers, comme une pièce de théâtre. Le décor en est tragique, et c'est irrémédiable. Reste la scène où les acteurs que nous sommes peuvent à loisir pleurer ou rire, geindre ou chanter, mordre les murs ou bien danser. Pas question cependant d'oublier le décor immuablement tragique. Non : l'empêcher de trop étendre son ombre funeste sur nos âmes. Là, le tempérament joue, mais nous ne sommes pas condamnés aux larmes, nous avons notre mot à dire, nos maux à rire. Encore une fois, ou bien nous subissons tout à l'instar de victimes jamais rassasiées de malheurs, ou bien nous agissons et mettons du plaisir là où la fatalité semble vouloir nous engluer. Qu'on se souvienne des lamentations de Job sur son fumier. Je pense que nous avons le choix, sinon au départ, du moins en cours de route, et la réflexion sert à cela. Que voulons-nous en fin de compte ? J'ai opté personnellement pour l'harmonie (je préfère ce terme à "bonheur" que j'estime un peu gnangnan). Je ne suis pas forcément un être harmonieux, mais je tends à cela, et l'effort me semble préférable à l'inertie, parce que j'en retire de multiples satisfactions, parce que chaque jour encore j'apprends à apprécier l'existence et à ne pas laisser le tragique me submerger. Privilégié ? Certainement pas. Je suis de nature mélancolique, et je n'ai pas eu une enfance très drôle. Je n'ai jamais en poche plus de trois kopecks et mes fins de mois sont difficiles. Mais je suis aussi et surtout volontaire : tant qu'à périr, ce sera les armes à la main.
Je veux encore, sur ce thème des consciences malheureuses et qui macèrent là-dedans avec cette jubilation incertaine qu'on appelle délectation morose, en appeler à Baudelaire, puisque tu le cites, et inviter ceux que troublerait ma réflexion, à relire son poème "L'héautontimorouménos" (l'homme qui se punit lui-même), dans "Les fleurs du mal", XCII.
Et si cela ne devait pas suffire, voici pour méditer un extrait d'une de mes lettres à mon ami sollersien : "Les hommes aujourd'hui naissent âgés, très fatigués. L'Histoire est un lourd héritage dont chacun rêve de se délester. Trop de mémoire accable. Les hommes de la Renaissance savaient rire, ils étaient affables et légers. C'est qu'ils ont su ne pas trop s'appesantir sur une Histoire pourtant pas folichonne. Nous, nous ne cessons de déplorer les errements de nos pères, nous portons leurs fardeaux comme le Christ sa croix. Nous ne sommes plus capables que de nous souvenir des drames et nous répandre en jérémiades commémoratives. Sommes-nous des hédonistes ou des écorchés vifs avides de plaies nouvelles ? Je recherche, moi, la légèreté, à défaut de pouvoir ressusciter l'innocence. J'essaie de ne plus m'intéresser qu'à ce qui m'empêche de désespérer."
Il n'y a pas de débat quant à savoir si l'humour (tu dis : le comique) est supérieur au tragique, ou bien le contraire. Les deux sont mêlés, inextricablement, et l'un comme l'autre se colorent de subtiles gradations et variations. L'humour de la gaudriole n'est pas celui de la pointe spirituelle, et le rire cruel du sarcasme se distingue du rire espiègle, du rire tendre de l'amoureux taquinant sa belle. Tragiques les attentats du 11 septembre dernier à New York et tragique la chute en rue d'une vieille dame, quand même se relèverait-elle indemne. Entre ces deux faits divers, toute une gamme de tragiques, et pour chacune un rire plus ou moins adapté.
Les auteurs que tu cites (Queneau, Vian ou Jarry), s'ils appartiennent bien à la littérature, manquent tout de même d'envergure, et cruellement. Ils sont, dirons-nous, divertissants. L'humour des potaches est vite lassant. Il n'est drôle que le temps de la récré. Et potaches, ces trois-là le sont jusqu'au trognon, de l'aube au soir. Je passerais, moi, à la vitesse supérieure et j'irais trouver Joyce, qui, dans "Ulysse", nous en donne pour notre argent dans le rire comme dans la réflexion...

Syllah-o - Liège - 62 ans - 10 décembre 2001


Pour en finir avec Queneau (en réponse à Jules et à Syllah-O) 9 étoiles

Rimbaud est pour moi l'un des auteurs les plus indiscutables de la littérature française. Il lui a fait faire un pas de géant qui a donné naissance à tout un courant de la littérature du vingtième siècle, et qui ne sera sans doute jamais dépassé. Rimbaud est même l'un de mes candidats à la bibliothèque idéale pour l'île déserte. J'ai découvert ce que son oeuvre représente véritablement à plus de vingt-cinq ans, ce fut un choc extraordinaire et qui restera à jamais gravé en moi. Son panthéisme et son goût du vagabondage correspondaient alors beaucoup plus à ce que j'étais à ce moment-là, où je devenais à même, je ne dirai pas de comprendre, mais à tout le moins d'être bouleversé au plus profond par les fulgurances de sa poésie. Je détestais par contre Rimbaud à seize ans parce que j'avais un compte à régler avec l'adolescence (la mienne sans aucun doute) et qu'il incarnait pour moi une idée de l'adolescence qui ne me convenait pas. Je continue d'ailleurs à détester le personnage tel que Brad Pitt l'incarne dans un film récent. J'ai connu une période de "révolte", mais je n'ai jamais supporté qu'on prenne la pose de la révolte : pour moi, à tort sans doute, le personnage de Rimbaud incarnait cette pose. Queneau, par rapport à cela, était le type dont la littérature, à certains égards sans risques, bon-père-de-famille, me paraissait en fait un solide pied-de-nez à la littérature qui se prend au sérieux, donc : le prototype de l'anti-pose. J'ai beaucoup aimé les iconoclastes de ce genre. Vian en était un également à mon estime, qui utilise une panoplie de procédés d'humour potache tout à fait incongrus en littérature (hormis, avant lui, dans celle d'Alfred Jarry, l'un de ses pères spirituels). C'était mon point-de-vue d'alors, notablement révisé depuis. Toutefois, non seulement je garde une tendresse particulière pour de tels auteurs, mais je persiste à considérer qu'ils incarnent un courant de la littérature (et même de l'art en général) qui, depuis au moins Aristophane, a droit de cité parce qu'il correspond à l'un des deux versants extrêmes de l'âme humaine et de l'esthétique (comique vs tragique). J'en terminerai à ce propos en faisant référence à un auteur que je n'aime pas trop, à savoir Umberto Eco, mais qui, dans Le nom de la rose, met le doigt sur une chose qui n'est pas nouvelle, à savoir l'extraordinaire pouvoir de subversion du rire. C'est d'ailleurs un fait que j'ai expérimenté dans ma propre vie, étant passé par chez les "bons pères" qui n'aimaient pas du tout, mais alors pas du tout, ma propension à trouver risibles un nombre considérable de choses, à commencer par la messe . Le rire fait choir de leur piédestal les idoles, et c'est en cela qu'il est salutaire, respectable et même nécessaire : que serait le roi sans bouffon sinon un potentiel dictateur ? Comment expliquer d'ailleurs que des gens aussi sérieux (et même : aussi sérieusement tragiques) que Baudelaire lui aient accordé une attention toute particulière dans leurs écrits ? De là à dire que le comique est supérieur au tragique, il y a un pas que je ne franchirai pas : j'ai simplement voulu redresser un petit peu le fléau de la balance, et je reconnais que, pris par le temps comme nous tous sans doute, j'ai dû -m'exprimer précédemment mal et trop vite.

Eric B. - Bruxelles - 57 ans - 10 décembre 2001


A Eric b 7 étoiles

Bon, tu n'as pas aimé Rimbaud à seize ans, c'est ton droit. Tu n'aimais pas le romantisme non plus, je le détestais comme toi ! Par contre, Rimbaud !... Ah, le chambardement provoqué par "Une saison en enfer" et "Les Illuminations" !... Il nous a un tantinnet secoué la poésie et notre univers, notre Arthur ! J'en étais fou ! J'en bouffais le matin, le midi et le soir... On n'a pas le sens de la mesure quand on a seize ans et, en ce qui le concerne, je ne l'ai jamais acquis (c'est comme pour Brel, dans ma tête, je ne suis jamais devenu un "bourgeois" des idées...mais c'est dans la mienne...Oh, subjectivité, douce sauvegarde de nos santés psychiques !) Quant à Céline, tu parles de "défouloir". C'est vrai dans certaines de ces oeuvres, mais qu'est ce que j'aurais aimé pouvoir me défouler littérairement avec une telle qualité !... Quant au "Voyage" c'est bien plus qu'un défoulement, c'est un monument de la littérature mondiale !... Le style et les idées, qu'il le veuille ou non !... Mais tu aimes Céline semble-til, nous nous rejoignons donc et nous divergeons aussi. Sans cela quelles discussions possibles ?...Il m'arrive aussi d'être étonné quand je vois certains livres recevoir 5 étoiles dans une critique... Je me dis "Je dois en mettre combien alors au "Voyage" ? Quarante ?... Combien pour "Les Karamazov" même que le style n'y est pas toujours? Et Yourcenar ? Mais bien vite, je me dis "Tout le monde ne doit pas aimer la même chose et tout le monde ne cherche pas la même chose dans les livres"
D'accord, je me suis servi de ta critique pour émettre dertaines idées qui ne s'y rattachent pas, mais il me fallait un support. J'espère que tu ne m'en voudras pas !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 8 décembre 2001


Une opinion qui en vaut une autre, pas plus, pas moins... 7 étoiles

Syllah O est arrivé (et je ne le chante pas, même si dans ma tête j'ai la voix d'Henri Salvador qui se balade...) et le site se retrouve soudain un peu secoué... Une bonne ou une mauvaise chose ?... Selon moi, une bonne ! Oh, pas que le site n'était pas bon sans lui, mais il y apporte certainement un plus. Une indiscutable culture à laquelle nous pouvons aussi ajouter un don certain pour l'écriture, l'expression et l'humour (j'ai adoré le "concert à New-York de Sollers et le livre de Johnny sur Besançon") J'ai cependant remarqué que, parfois, il lui arrive de se laisser emporter par sa fougue et de de faire de prudentes et habiles marches arrières par la suite. Bien sûr il doit pouvoir laisser exprimer ses passions ou ses répulsions, elles ont le merveilleux don d'être particulièrement vivantes, par contre, il ne serait pas mal de donner la sensation qu'il se propose de prendre l'auteur pour cible et non le critiqueur. Après tout, à chacun ses droits: lui de ne pas aimer un auteur ou un livre et le critiqueur d'aimer. Je n'aime pas Proust, je sais qu'il est classé comme le meilleur du XXieme avec Céline. Je suis un imbécile de ne pas l'aimer ?... Je n'ai pas cette sensation (qui l'eut cru !...).
En résumé, tout en laissant à Sylla-o ses qualités et ses droits, il serait bien que certains critiqueurs n'attrapent pas la trouille de faire une critique au risque de se recevoir une volée de bois vert (Je rassure, ce ne serait pas mon cas). A chacun sa littérature, à chacun ses droits, et une critiqueuse avec laquelle je dialogue souvent me disais particulièrement apprécier le "code de bonne conduite" de critiqueslibres, qu'elle n'avait pas toujours trouvé ailleurs. Et c'est une bonne critiqueuse !
Voilà, je ne voudrais pas être trop long et l'on pourrait développer, mais j'espère que j'ai été compréhensible sans avoir été offusquant pour qui que ce soit... Je ne veux pas être "un censeur"...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 8 décembre 2001


L'encenseur 3 étoiles

Je n'ai volé à personne de bois vert. Je vais te decevoir, car si tu es maso, je ne suis en rien sadique. J'aime le plaisir partagé, et non l'offense faite à ma mie. Et ce plaisir partagé, je le trouve ici. Je n'oublie pas, en effet, même lorsque je montre un peu les dents (c'est pour sourire, mais comme on ne me voit pas, on me croit méchant, cruel, fielleux et que sais-je encore ?), que nous sommes ici entre passionnés, et si je décoiffe certains auteurs un peu trop gominés à mon goût, je n'entends pas entrer dans de vaines polémiques avec d'autres critiqueurs pour autre chose que la défense des belles-lettres, l'amour de l'intelligence (pas de la mienne, je vous rassure !) et l'exercice du goût. La culture du "tout-se-vaut" est ce contre quoi je lutte. Je choisis, je distingue, j'élis. C'est cela la culture, et rien d'autre (Culture : ensemble des connaissances qui permettent à l'esprit de développer son jugement, son goût). Il est possible qu'on me traite d'élitiste, d'aristocrate. Je n'en serais point marri. L'aristocrate (je ne parle pas de la classe sociale) choisit toujours la qualité contre la quantité. Bien que n'aimant ni l'un, ni l'autre, je ne place pas Johnny Hallyday et Philippe Sollers dans le même sac au nom du sacro-saint et démocratique principe que "n'importe quoi" équivaut à "quelque chose". Je mets Jauni Hallyday à la poubelle et Philippe Sollers à... l'Académie française ! (ne me faites pas dire que c'est chou vert et vert chou !). Il y a quelques années, une mienne connaissance, anarchiste de gauche militant, soutenait devant moi l'absurde opinion que Johnny Hallyday, dans le fond, était supérieur à Bach, parce que plus moderne, plus proche des gens ! Je vous demande un peu ! Et vive l'anarchie, n'est-ce pas ? Comment voulez-vous ne pas éclater de rire devant de telles absurdités ?
Tu pourrais penser que Queneau est supérieur à Rimbaud. Cela te regarde. Du moment que tu assumes... Me diras-tu pourquoi, à 16 ans, tu détestais Rimbaud ? Cette détestation doit cacher quelque chose. Tu aurais pu être (comme moi) indifférent. Mais non, tu le détestais. Nos passions négatives (et l'indifférence est l'absence de passion) sont très souvent plus révélatrices que nos passions positives (l'enthousiasme, par exemple).
Tu me soupçonnes de vouloir ramener Queneau à un niveau inférieur à ce qu'il mérite selon toi. Tututh ! Je ne mets Queneau nulle part, voilà la vérité. (Je suis un peu diabolique, je le reconnais, et je ne défendrais pas toutes mes opinions si l'on devait me juger pour crime de lèse-majesté. Avec Baudelaire, je revendique le droit à la contradiction.)
Hier on m'a appelé "Monsieur l'intellectuel", aujourd'hui "le censeur". On me prête des qualités que je n'ai pas. Je vomis la censure. Derrière mes avis, souvent tranchés, ou pour mieux dire, péremptoires, il y a ce qui m'anime, à savoir la passion. Le censeur cache un encenseur. Et ce que j'encense c'est la vie, le goût, la culture, l'intelligence, etc. Ce n'est pas là, je pense, un crime susceptible de me valoir l'échafaud. Je m'attends, bien sûr, à être déshonoré prochainement du titre de Monsieur l'Inquisiteur. Je ne le prendrais pas mal, car je suppose à l'adversité une certaine dose d'humour.
Si je suis du côté de la pulsion ? Hum... je n'aime guère ce terme qui sent le divan psychanalytique (pulsion amoureuse, pulsion meurtrière, etc.). La pulsion est brutale et incontrôlable, rien ne la réfrène que l'asile ou la prison. Je ne fréquente aucun de ces lieux, et j'ai sur mes pulsions une assez bonne emprise. L'émotion, je préfère. La sensation. Le sentiment. Quant au pathos, c'est non, définitivement non.
Allez, comme tu dis.

Syllah-o - Liège - 62 ans - 7 décembre 2001


Le censeur 9 étoiles

Quelle volée de bois vert ! Quelle verve ! Le maso que je suis en redemande... Non, sérieusement : beaucoup de bonnes choses dans ce que tu dis, auxquelles j'adhère, mais souvent à côté de mon intervention à moi qui n'était qu'un modeste hommage à un auteur qui a compté dans ma vie de lecteur et qui est, que tu le veuilles ou non, certes infiniment moins grand que Céline ou Rimbaud (où dis-je le contraire ?), mais très au-dessus de ce à quoi tu entends le ramener. Par ailleurs, je ne te ferai pas l'injure de faire semblant de ne pas comprendre ce que tu entends par "Je ne m'intéresse pas au langage, mais à l'écriture." Mais, si tu n'es pas du côté de la forme, tu es donc du côté de la pulsion, ce qui nous ramène à Céline et ... au défouloir ! CQFD (quoi au juste ? on s'y perd !) Allez, salut !

Eric B. - Bruxelles - 57 ans - 7 décembre 2001


L'emmerdeur 3 étoiles

La littérature, c'est tout de même autre chose qu'un vaste défouloir. Le rapprochement entre Rabelais et Queneau me paraît audacieux, sans compter celui que tu fais entre un Céline qui ne se prendrait pas au sérieux, quand nous possédons mille preuves qu'il l'était au suprême, et un Rimbaud perdu dans la contemplation de son nombril ("On n'est pas sérieux quand on a 17 ans").
Lorsque j'écris, je regarde la feuille de papier sur mon bureau, ou bien l'écran de mon PC. J'écris habillé, donc je ne peux voir mon nombril, ni le triturer.
Le rire en littérature n'a pas bonne presse ? Il y a rire et rire. Pour se fendre la pêche, il y a Gaston Lagaffe, Oussama Ben Laden, Alphonse Allais et les recueils de blagues. Pour l'humour, qui est d'une autre qualité que le rire imbécile, il y a... la liste est longue. Je recommande l'Anglais Saki ("L'omelette byzantine", "La fenêtre ouverte"). Rabelais, bien entendu, et Swift. Breton, qui n'avait pas d'humour, nous a tout de même donné une très excellente "Anthologie de l'humour noir". Et Paul Léautaud, et, en philosophie, son ancêtre Diogène le Cynique (voir "Les Cyniques grecs" au Livre de Poche).
Queneau me fait sourire, comme toi, mais peut-être pour d'autres raisons. Je te taquine. J'ai recommandé la lecture des "Fleurs bleues", livre amusant, sans plus. "Zazie" aussi, c'est amusant. De là à mettre Queneau au-dessus de Rimbaud ! Quant à Vian, c'était un excellent trompettiste, si je ne m'abuse. Saint-Germain, le jazz, tout ça, c'est cool.
Le décor simenonien avec rails, fleuve huileux et péniches me paraît moins propice au rire qu'à la mélancolie. Enfin, s'il y en a que cela fait rire...
Il n'y a pas de mauvaises portes d'entrée en littérature. J'ai commencé avec "Tintin et Milou", "Astérix", "Lucky Luke", "Martine à la ferme", ensuite la comtesse de Ségur, Bob Morane, etc. J'étais riche de tout cela lorsque je me suis plongé dans Kant. Mais peut-être trouves-tu que Kant et les philosophes en général sont d'affreux raseurs ? Eh bien, tu as raison. Je lis plus volontiers Marcel Aymé que Martin Heidegger. Il y a des heures pour la détente, d'autres heures pour la réflexion. Des heures pour le rire, des heures pour les larmes. Ne me dis pas que tu te gondoles du matin au soir ? Si ? Heureuse nature !
Jacques Tati est fin, drôle, tendre. Je l'admire beaucoup. Et je ne fais pas de ses oeuvres une lecture intellectuelle. Tu sais, je ne suis pas constipé. Il me semble (mais peut-être n'est-ce qu'une impression) que mes interventions ici témoignent d'un certain humour. Qu'on ne veuille ou qu'on ne puisse le percevoir n'est pas mon affaire.
Je ne m'intéresse pas au langage. Je m'intéresse à l'écriture. Ne fais pas de moi un théoricien : je ne suis qu'un humble usager.
L'un de mes amis prétend que ce sont les politiciens qui exploitent le mieux les possibilités ludiques du langage. J'ai de drôles de fréquentations, n'est-ce pas ?
Je ne détiens pas, hélas ! le pouvoir de déclencher les foudres.

Syllah-o - Liège - 62 ans - 7 décembre 2001


L'enchanteur 9 étoiles

Tout de même un petit Queneau à se mettre sous la dent: après ce qu'il s'est pris hier, ça fait plaisir ! Il se trouve qu'il est, avec Vian, Céline et quelques autres, l'un des auteurs qui m'a fait "entrer en" littérature. Personne plus que moi à seize ans n'a détesté Rimbaud, le romantisme et tout ce qui se prend au sérieux. Queneau m'a appris qu'on pouvait écrire sans se regarder le nombril. Pour quelqu'un qui avait tous les jours sous les yeux un décor simenonien fabriqué avec des rails de chemin de fer et un fleuve huileux sur lequel flottaient lentement quelques péniches, "Le chiendent" de Queneau, qui exploitait ce décor sans faire du Zola mais avec un humour proche de celui de Jacques Tati, fut une révélation. Mais il est vrai que le rire, en littérature, n'a pas bonne presse. Rabelais a inventé la "substantifique moelle" en guise d'alibi (réel d'ailleurs). Concernant Queneau, d'aucuns ont à tout pris voulu faire de lui un auteur sérieux, en insistant lourdement sur les structures chiffrées de ses romans, qui n'en sont pourtant que le squelette et dont, personnellement, je me contrefous. Queneau me fait sourire et m'émeut comme Chaplin ou Tati me font sourire et m'émeuvent, c'est de la même essence. J'ajouterais que tout qui prétend s'intéresser au langage ne peut sérieusement balayer d'un revers de la main l'un de ceux qui en a le mieux exploré les possibilités ludiques (aie ! cette phrase va me valoir les foudres de Syllah-O).

Eric B. - Bruxelles - 57 ans - 7 décembre 2001