Compartiment pour dames de Anita Nair
( Ladies coupé)
Catégorie(s) : Littérature => Asiatique
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Femmes d'Inde et d'ailleurs
Comment prendre en mains sa propre vie et assumer son destin en toute indépendance, particulièrement lorsqu’on est une femme en Inde, pays où le poids des traditions et des contraintes sociales pèse encore lourdement sur chaque individu ? Telle est la grande question qui réside au cœur du roman d’Anita Nair et qu’elle va illustrer à travers l’histoire d’Akhila.
Jusqu’à la fin du vingtième siècle, les chemins de fer indiens comportaient des compartiments pour femmes seules. Akhila se retrouve dans l’un d’eux, dans le train de nuit qui va l’emmener de Bangalore jusqu’au cap Comorin, à l’extrémité sud du sous-continent. Peu à peu, nous allons découvrir ce qui a poussé cette femme atypique à entreprendre ce qui peut s'assimiler à une fuite face à un destin dans lequel elle ne se reconnaît plus.
Atypique, Akhila l’est à bien des égards : 45 ans, célibataire, pourvue d’un travail lui permettant de subvenir à ses besoins, elle ne correspond certes pas à l’image classique de la femme indienne. Et pourtant, elle se sent peu à peu étouffer dans cette existence qui résulte plus de l’enchaînement des circonstances (préjugés de caste, emprise du cercle familial dont elle assume en fait la direction après la mort du père) que d’un choix personnel assumé en toute indépendance.
Pendant son voyage, Akhila va se trouver confrontée à cinq compagnes qui, à travers le récit qu'elles feront de leur propre destinée, l’aideront peu à peu à prendre enfin le contrôle de sa vie, à ne plus subir le cours des choses mais à trouver la force de reconnaître et d’imposer ses propres désirs. Plutôt que de vivre sa vie depuis les coulisses, Akhila prendra conscience de sa capacité à se forger sa propre identité sans plus être le prolongement de personne.
A chaque chapitre consacré à l’histoire d’Akhila (évoquée sous forme de flashes back qui laissent parfois une certaine impression d’artificiel ) succède un chapitre où se dévoile la vie de chacune des cinq autres protagonistes. L’auteur trouve ainsi l’occasion de dresser des portraits contrastés de la femme indienne qui tous semblent marqués du sceau de l’insatisfaction et créent par là un jeu de miroirs dans lesquels Akhila peut retrouver certains traits déformés mais bien réels de sa propre personnalité.
Il y a la vieille Janaki qui, si de prime abord elle offre avec son mari l’image d’un « couple parfait », se révèle finalement une femme dont l’identité propre s’est dissoute dans le piège que constitue aussi cette image. La jeune Sheela se révèle, elle, une « rebelle » rétive au conformisme familial. Margaret a pour sa part trouvé un moyen diabolique de prendre sa revanche sur un mari tyrannique et odieux. Prabha Devi a quant à elle longtemps attendu que quelque chose se passe pendant que sa vie lui filait entre les doigts. En fin de compte, elle découvre enfin que « le désir fait naître le désir, que l’épanouissement engendre l’épanouissement ».
Le personnage le plus dramatique est sans conteste celui de Marikolanthu qui, au « handicap » d’être femme ajoute celui de se situer au bas de l’échelle sociale : misère, oppression, viol tissent son destin. Et pourtant, elle trouvera la force de reprendre la maîtrise de celui-ci, de ne plus être « une imitation de l’original mais l’original lui-même ».
Alors, roman essentiellement féminin que celui-ci ? Je ne le pense pas. Sans doute Anita Nair sait-elle, avec beaucoup d’habileté, nous entraîner au-delà des particularités de la société indienne pour nous sensibiliser à des questions que toute femme est, un jour ou l’autre, amenée à se poser mais sa réflexion me paraît aller plus loin et poser le problème de l’autonomie de l’individu -homme ou femme- face aux contraintes de la société et au poids de la tradition. En fin de compte, la grande question que pose ce roman est celle de la capacité pour chaque être humain de se forger une destinée conforme à ses aspirations les plus profondes.
En résumé, voilà un livre qui se lit avec un vif intérêt même si l’on peut déplorer son caractère parfois un peu trop démonstratif, son style un peu plat (question de traduction ?), son absence d’humour (mais le sujet s’y prêtait-il ?) et le traitement sommaire réservé aux personnages masculins dont, à l’encontre des six femmes, aucun ne soulève le moindre sentiment d’empathie chez le lecteur.
A conseiller cependant aux femmes qui s’y reconnaîtront certainement et aux esprits étroitement machistes que la lecture d’une œuvre telle que celle-ci pourrait contribuer à guérir de leur infirmité.
Les éditions
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Compartiment pour dames [Texte imprimé], roman Anita Nair trad. de l'anglais, Inde, par Marielle Morin
de Nair, Anita Morin, Marielle (Traducteur)
Editions Philippe Picquier / Inde
ISBN : 9782877306096 ; 3,35 € ; 28/08/2002 ; 326 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (4)
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Comment vivre seule, sans mari, quand on est une femme en Inde ?
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 13 décembre 2021
Autour de Akhila, 46 ans, « rigide et réservée » qui a toujours vécu comme le prolongement de quelqu'un « vieille fille, sœur aînée, autrefois soutien de famille, et encore aujourd'hui vache à lait », et qui cherche comment devenir enfin une personne à part entière, elles sont six femmes de condition et d'âges différents qui, le temps d'un trajet, se racontent, se livrent hors de tout regard et de tout jugement masculin .
Des inconnues qui spontanément, sans réserve, se confient sur leur enfance, leur couple , leur intimité : cette situation peut paraître quelque peu artificielle mais elle est pour le lecteur un témoignage précieux sur la condition de la femme en Inde, sur son rapport à l'homme, à la famille , à la belle-famille , sur le poids de la tradition et de la caste à laquelle on appartient.. C'est aussi , bien sûr, un document fort intéressant sur la vie quotidienne dans ce pays.
Beau et intéressant
Critique de Melannni (, Inscrite le 7 janvier 2013, 40 ans) - 1 mai 2013
Il est non seulement très bien écrit mais les histoires qu'il comporte sont prenantes et très intéressantes. Elles permettent de mieux comprendre la culture indienne, ses côtés positifs, ses limites, le rôle des femmes dans la société, dans le couple, dans la famille.
On s'attache vite aux personnages qui ont chacun leurs particularités, histoires et subtilités. Chacune des héroïnes fait réfléchir Akhila sur le but de sa vie, mais aussi le lecteur.
On referme ce livre à regret, à mettre entre toutes les mains !
Très beau
Critique de Melinette (, Inscrite le 21 mars 2008, 42 ans) - 21 mars 2008
J'ai beaucoup aimé ce roman d'un style simple, mais pourtant très efficace. L'écriture nous transporte d'histoire en histoire, et l'on éprouve alors de l'empathie et de l'admiration envers ces femmes toutes différentes, mais semblables sur un même point: le poids de la société est tel, qu'il est extrêmement difficile pour elles d'exister en tant que femme. Elles sont l'épouse-de, la fille-de, la tante-de, et n'ont pas ou peu d'identité individuelle. Mais même si elles doivent obéir et se plier aux règles, elles n'ont pas dit leur dernier mot.
Une femme peut-elle se débrouiller sans un homme?
"Elle sourit encore en découvrant à quel point il est facile de sourire maintenant qu'elle prend enfin le contrôle de sa vie." (p441)
Roman dense, riche et féminin !
Critique de AntigoneCH (La Roche sur Yon, Inscrite le 19 octobre 2007, 52 ans) - 1 novembre 2007
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