Essais I
de Michel de Montaigne

critiqué par Jules, le 13 avril 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un grand auteur, un grand humaniste, un grand penseur
Montaigne est de famille noble et est né au château de Montaigne en Périgord. Il est le grand humaniste du XVIe siècle.
Il sera conseiller d'Henri III et diplomate, avant de se retirer dans ses terres et d’écrire ses essais. La première édition de ceux-ci date de 1580. Il vécut donc les déchirements religieux de la France, divisée en catholiques et huguenots, et le problème de la succession d’Henri III assassiné par un fanatique.
Les « Essais » représentent trois volumes dans cette édition. Montaigne est un des premiers écrivains français à avoir développé le " moi ". Il étudie le monde de son époque à travers la vision d'un homme qui est lui. C'est son regard qui décrit et analyse la société de son époque et en tire des leçons.
On a dit de Montaigne qu’il était un sceptique, un stoïcien et un épicurien. C’est tout à fait vrai car il constate que l'homme souffre et que cela fait partie aussi de sa condition. Il est sceptique parce qu’il estime que nous percevons les choses comme nous les comprenons ou comme nous les voyons et que cette vision n'est pas nécessairement la bonne. Enfin, il est épicurien parce qu'il a une grande capacité de jouir du moment présent, partant du principe que certaines joies nous sont données et qu’il serait dommage de ne pas en profiter.
Dans son œuvre il décrit ses joies, ses peines, ses souffrances, son époque. Il nous fait aussi découvrir de très grands auteurs comme Tite-Live, Sénèque, Cicéron et d’autres.
« …mais la raison m'a instruit que de condamner ainsi résolument une chose pour fausse et impossible, c'est se donner l'avantage d’avoir dans la tête les bornes et limites de notre mère nature ; et qu’il n'y a point de plus notable folie au monde que de les ramener à la mesure de notre capacité et suffisance. Si nous appelons monstres ou miracles ce ou notre raison ne peut aller, combien s’en présente-t-il continuellement à notre vue ? »
Un des grands avantages de cette œuvre est qu’elle peut parfaitement être lue par morceaux. Point n’est nécessaire de la lire d’une traite, au contraire. Il me semble qu’il serait plus utile d'en savourer un petit chapitre de temps à autre, surtout qu’en général ils sont courts.
C’est le vingtième siècle qui a remis Montaigne à l’honneur et en a fait un des plus grands écrivains de notre langue.

Riche et beau 10 étoiles

J'ai découvert Montaigne suite à la biographie écrite par Stefan Zweig qui lui rendait hommage. Cet homme du XVI ème siècle a des idées qui sont toujours d'actualité. On pourra peut être critiquer certains passages qui ne sont plus dans l'air du temps, un peu suranné. Le plus choquant est sa misogynie, ils considèrent les femmes comme des objets qui permettent aux hommes de satisfaire leurs désirs. De plus, pour lui elles n'ont pas la faculté de réfléchir. Les féministes de notre époque en seraient révoltées! Cependant, c'est bien le seul reproche que l'on peut faire à Montaigne tant son écriture est riche et pleine de vie. Cet humaniste et stoïcien réussit à concilier des idées de Plutarque, Hérodote, Horace, Sénèque ou Cicéron, qui sont issues des lectures de sa bibliothèque, avec ses propres idées. Les essais sont divisés en plusieurs thèmes traités plus ou moins profondément comme l'oisiveté, la coutume et le pédantisme par exemple. Toutes ses remarques, ses opinions sont une ode à la vie, à la morale, à la raison. Son plus poignant passage est celui qui explique son amitié fusionnelle avec Etienne de la Boétie qui dura 4 ans. D'où la très célèbre citation "Je l'aimais parce que c'était lui, parce que c'était moi". Montaigne nous montre la façon de réfléchir et d'agir pour parvenir au bonheur. Cet ouvrage est passionnant et permet de se cultiver rien que par le vocabulaire utilisé qui est particulièrement soutenu. Je ne vais pas m'arrêter de si bon pas et j'entamerai bientôt la lecture du livre II.

Gregou - - 38 ans - 2 août 2013


un livre de fond 10 étoiles

S'il y a si peu de critiques sur "les essais" de Montaigne, c'est que la langue de l'époque est difficile à lire. Et sans doute rebute nombre de lecteurs d'aujourd'hui... Qui déjà répugnent à lire Stendhal ou Flaubert (voir une critique-éclair de "Madame Bovary").
Pour ma part, je me suis procuré la traduction en français moderne de Guy de Pernon (3 volumes, chez l'auteur), qui restitue toute la magie du texte dans une fluidité contemporaine.
Oui, c'est un livre majeur, un des quatre ou cinq de la littérature française autobiographique, à rapprocher des "Confessions" de Rousseau, du "Journal" de Gide ou du "Journal" plus contemporain de Charles Juliet. Des livres magnifiques qui montrent l'homme dans sa nudité, dans son rapport au monde, dans son unicité aussi...
Rien à voir avec les insignifiantes autofictions actuelles, d'une pauvreté humaine définitive.

Cyclo - Bordeaux - 79 ans - 25 juin 2012


Quoi, seulement ? 10 étoiles

Seulement deux critiques éclair sur Montaigne ? Voilà qui est très peu !... C'est en lisant celle de Don Quichotte que j'en prend conscience... Serait-il possible qu'un des plus grands auteurs de tous les temps soit tombé dans l'oubli à ce point ? Ce serait dramatique !...

Jules - Bruxelles - 80 ans - 6 octobre 2004


Trés grand 10 étoiles

Je viens de finir le 1er livre des Essais, et je dois bien avouer que j'accroche complètement. Je ne le lis pas comme un livre, mais juste un chapitre de temps en temps, et je suis admiratif devant la manière dont Montaigne traite tous ses sujets.Il décrit avec une grande justesse un grand nombre de traits humains et c'est remarquable car l'on apprend, ou plutôt l'on comprend mieux en lisant son livre les hommes.
C'est un peu une "Lumière" avant l'heure Montaigne, il vous éclaire sur tout...

Don_Quichotte - Metz - 37 ans - 6 octobre 2004


"Je suis moy-mesmes la matiere de mon livre" 10 étoiles

Un sceptique, un humaniste, un stoïque, un penseur... d'abord un homme. "Ainsi, lecteur, je suis moy-mesmes la matiere de mon livre."
A nous, lecteurs, de lire et de relire Montaigne. A petites doses de le déguster, comme ces abeilles qui, butinant deci delà les fleurs, en constituent petit à petit leur miel (ce que Montaigne faisait avec les grands auteurs latins et grecs qu'il relisait sans cesse, sans cesse truffant ses pages de leurs citations, comme il faisait graver leurs meilleures maximes sur les poutres du plafond de sa "librairie"); lire Montaigne pour échapper à l'abstraction, au jargon, aux cons; lire Montaigne pour s'élever sur sa montagne, pour voir les choses de plus haut, humer un air plus pur. Lire Montaigne car, comme Proust dans un tout autre registre, il nous offre un cadeau à chaque page.
Test : trois dégustations à l'aveugle. La page 111, pourquoi pas, des trois volumes Garnier-Flammarion : I, 111 : "La vaillance a ses limites, comme les autres vertus; lesquels franchis, on se trouve dans le train du vice; en maniere que par chez elle on se peut rendre à la temerité, obstination et folie..." Belle méditation pour les soldats, terroristes et résistants de tous bords! II, 111 : "Notre religion est faite pour extirper les vices; elle les couvre, les nourrit, les incite". Et pan! encore un beau sujet de dissertation pour les "fous de Dieu"! III, 111 : "L'amour ne me semble proprement et naturellement en sa saison qu'en l'aage voisin de l'enfance". Le premier amour serait toujours le dernier, le moule de tous les autres? Lire Montaigne, c'est lire tous les penseurs lus par Montaigne, et tous les autres lus par ceux-là. Lire Montaigne, c'est être un homme. Simplement un homme.

Lucien - - 69 ans - 8 avril 2002