Notre coeur tend vers le Sud : Correspondance de voyage 1895-1923
de Jean-Claude Capèle, Sigmund Freud

critiqué par Sahkti, le 23 avril 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Sigmund Freud en vacances
Entre 1895 et 1923, Freud a beaucoup voyagé. En solitaire ou accompagné, selon les humeurs et les destinations. Une règle commune à tout voyage: acheter et envoyer des cartes postales qu'il expédiait la plupart du temps à son épouse Martha, demeurant au domicile familial pour cause de santé mauvaise.
Et voilà plus de 180 cartes et une cinquantaine de lettres compilées, annotées et commentées dans ce gros recueil que publie Fayard. Un visage assez inattendu (et touchant!) de Sigmund Freud qui pouvait tenir aussi bien des propos hautement philosophiques à l'envers d'un paysage ensoleillé que parler de la pluie et du beau temps comme Mr et Mme Tout le Monde (ce qu'il fit, d'ailleurs, dans la majorité des cas). Mais après tout, c'est vrai, pourquoi aurait-il été différent d'un autre?!

"2 septembre 1901
(Carte postale de Rome adressée à Martha Freud)
Arrivé à Rome après 2h, me suis changé à 3h après le bain et suis devenu romain. Il est indubitable que nous resterons. C’est incroyable que nous ne soyons pas venus ici il y a des années. Certes, il a fait chaud, mais c’était tout à fait supportable, et peu après, il y a eu un vent frais. A l’hôtel Milano, nous avons une belle chambre au troisième étage pour 8 L (4 L par personne), lumière électrique. Je ne crois pas trop au danger de malaria. Bien des choses, ici, sont d’un agrément incomparable, on ne peut pas parler des merveilles du monde sur une carte postale. "

"1er septembre 1902
(arte postale de Naples adressée à Martha Freud)
Tout le monde sait que Naples est belle; la vue que j’ai en t’écrivant, toute la baie depuis les flancs du Vésuve jusqu’au cap de Posillipo vaut vraiment le détour. Mais les gens sont laids, souvent répugnants, on dirait des galériens. Le spectacle et la saleté sont dignes du Moyen Age. Mais surtout il fait une chaleur inhumaine, impossible de savoir exactement combien; hier, il a tout de même fait 35,5 °C, et là s’arrête le bien-être. Nous n’avons même pas assez d’énergie pour tourner les pages du Baedeker. La nourriture, Capri liqu. ou Ischia sont cependant excellents et vous font tenir debout. Aujourd’hui, nous avons visité l’aquarium, nous nous sommes promenés, mais pas impunément. Le coiffeur était un artiste qui a pris son temps."

Cet ouvrage est une source de plaisir. Pour son côté intime tout d'abord. Freud qui s'exprime en toute simplicité, qui raconte ses voyages à son épouse, qui s'inquiète de sa santé et de l'humeur de la famille, qui se plaint de petits maux divers, qui tient des propos banaux emplis de tendresse.
Pour le côté anecdotique ensuite. Amusant de lire ce qui ressemble par moments à des propos de bistrot, d'imaginer à quoi ressemblent les lieux qu'il décrit ou les gens qu'il observe. Amusant et intéressant, cela permet de se plonger dans un autre univers, de tenter une avancée dans la tête de l'auteur en oubliant le psychanalyste qu'il était au profit du vacancier, un tout autre personnage!
Roudinesco dans le contexte de ce livre (suite au premier prix de la SFHM attribué à Bénesteau pour Mensonges Freudiens 1 étoiles

En règle générale, resituer écrits et faits dans leur contexte est fondamental. Là, plus que jamais. Je n'ai pas l'éloquence de François Aubral dont on peut lire l'article à cette adresse : http://psychiatrie-und-ethik.de/infc/….

Il me semble essentiel cependant de savoir que la correspondance de Freud a été extrêmement censurée.Ce qui est présenté l'est par une personne déterminée à défendre Freud dans un contexte où il est de plus en plus mis en cause.

Cette publication me semble bien proche d'un article de Madame Roudinesco paru dans les temps modernes (n°657) qui a soulevé de nombreuses critiques.

J'apprécie ce site, trouve juste de commander à partir de là sur FNAC.COM et AMAZON.FR. J'y trouve des commentaires intéressants.

Pour être plus claire, je parlais de contexte. Nous sommes à la veille de la publication du "Livre noir de la psychanalyse", volume de plus de 800 pages écrits par des auteurs de qualité. Et juste après cet article des temps modernes qui visait à disqualifier Monsieur Bénesteau...qui suscite quantité de commentaires positifs (plus de 10 supérieurs à 9), là où Madame Roudinesco en a peu, et plafonne à 1 (il n'y a pas de 0).

Certes l'excellent Docteur Freud prend son bain comme tout le monde, devient romain comme certains...et a pollué la vie intellectuelle largement plus que beaucoup.

Annabella - - 65 ans - 27 août 2005