Le fils et autres nouvelles
de Edith Wharton

critiqué par Saule, le 13 mai 2005
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
L'univers Whartonien
"Elle était tout à fait ravissante lorsque je fis d'abord sa connaissance, avec le charmant nez droit, la courte lèvre supérieure d'un camée, et cette petite fossette qui étoilait sa joue, la rendant plus humaine, chaque fois que l'on tenait un propos qui paraissait humoristique sans l'être vraiment. Mais la chère créature était providentiellement dénuée d'humour : au moindre trait d'esprit véritable, sa belle prunelle se troublait comme devant l'ombre menaçante d'un problème d'algèbre. "

C'est le début de la nouvelle intitulée "Pélican", la première des trois qui composent ce recueil. Cette jeune femme, aussi qualifiée de "combinaison enchanteresse de réserve et d'abandon, de fausse érudition et de charme authentique" (!), organise des conférences sur l'art Grec devant un auditoire composé de braves dames qui remplissent un devoir social et de charité. Son visage ravissant et son caractère ingénu font que même le monde académique se prête au jeux et assure ainsi une légitimité à la pauvre femme qui voit de plus en plus grand. Une nouvelle courte et très réussie, parue en 1998 dans le Scribner's Magazine. Sur le même sujet, Edith Wharton écrira en 1911 la formidable nouvelle Xingu.

La deuxième nouvelle, "Les lettres", est déjà critiquée sur le site. Une délicieuse jeune femme doit faire face au choc de la confrontation entre sa vision éblouie par l'amour de l'homme de sa vie et la réalité des faits. Un portrait tout en finesse d'une jeune femme naïve et limpide confrontée brutalement à la réalité vulgaire de l'amour.

La troisième, Le fils, est la plus longue. C'est l'amour frustré et carrément tragique d'une mère pour son fils abandonné puis retrouvé. Cette mère d'une grande noblesse de sentiment mais dotée d'un instinct maternel démesuré fait un ménage difficile avec les parents adoptifs de son fils retrouvé. Le lecteur sent bien qu'il y a anguille sous roche mais se laisse mener par le bout du nez jusqu'au dénouement.

Un bon recueil de nouvelles. On y retrouve l'écriture superbe d'Edith Wharton, alliée à une grande érudition et un sens de l'humour et de l'ironie évident. Bref je me suis replongé dans son univers avec le même plaisir. Il faut souligner aussi le bon travail de la traductrice, j'ai essayé de lire la première nouvelle en version originale (disponible sur Internet) et c'est difficile car Wharton manie la langue avec art et érudition.
suspens ! 10 étoiles

Je viens de terminer ce recueil de nouvelles d'Edith Wharton.
je pense que c'est un des meilleurs, car les trois nouvelles sont complémentaires (le teme de la mere).
et progressive.
en enfin, la derniere et la plus longue (c est un court roman) 'le fils' est ma preferee !
c'est un des écris de wharton que j'ai le plus aimé avec 'les entremetteurs'.
j'ai aimé tout ce que l'on aime chez Wharton habituellement, le style, l'intelligence psychologique ect.. mais j'ai ete captivé par le suspens.
comme Saule, on sent qu'il y a anguille sous roche, mais comme l'ami americain diplomate , on se laisse mener par le bout du nez, on navigue à vue.
bref... je n'en dit pas plus, c 'est plein de suspens ! c est excellent, c'est cruel ,avec cet habillage mondain qui nous donne parfois envie de prendre les choses en main tant certains personnages semblent enfermer dans une éducation qui leur interdit tous mouvements ou reactions energique.
y a des paires de claques qui se perdent...

à lire ABSOLUMENT !!!

(de plus l'edition est tres belle, et tres économique)

Prince jean - PARIS - 51 ans - 2 septembre 2007


Abus de sentiments 8 étoiles

Trois nouvelles composent ce recueil, dont "Les lettres" également disponible sous le menu format de Folio à deux euros. "Le fils" et "Le pélican" complètent cette édition de L'Imaginaire. Ainsi, trois histoires du même acabit, sur le thème de la maternité, sous plusieurs déclinaisons : une mère qui abuse de son fils, une autre abusée par les parents adoptifs de son fils abandonné, et une femme abusée par l'homme qu'elle auréolait de gloires finalement vaines - Edith Wharton a écrit ces trois histoires à trois périodes de sa vie, mais sa touche demeure la même. Il y a toutefois une plus grande et vive âpreté dans la dernière, "Le fils", où sa mise en scène de la tromperie est affûtée à l'extrême. Ses personnages symbolisent le paysage de la société de l'époque : des riches, des aventuriers mondains, des indolents, des êtres maladifs, mélancoliques et poussés pour la vie artistique, et un rien bohème.

Le temps passe dans ses histoires, des années même. Et c'est très souvent un narrateur extérieur à l'intrigue qui raconte les mésaventures de telle Mrs Catherine Glenn ou telle Mrs Amyot, jeune veuve avec un enfant à charge, qui décide de "travailler" en donnant des conférences à travers le pays pour subvenir au besoin de son fils. Les années s'écoulent et la même Mrs Amyot ne renâcle pas à la tâche, clamant sur tous les toits que son fils doit poursuivre des études, et cela coûte cher, etc...

Chez Edith Wharton, il y a donc ce mélange de vanité et de flagornerie qu'elle distille avec sa plume gentiment mesquine et cynique. Elle savait toujours mettre le point sur le i, tracer le trait sous des travers anodins, et faisait ainsi mouche à épingler ses contemporains. C'était une autre littérature, plus raffinée, plus précieuse !

Clarabel - - 48 ans - 12 septembre 2005