Clés pour le zen
de Thích Nhât́ Hạnh

critiqué par MOPP, le 17 mai 2005
( - 88 ans)


La note:  étoiles
Vers la liberté ?
L'auteur nous explique comment nous libérer des dogmes, des préjugés et des culpabilités. C'est certainement un itinéraire hors des sentiers battus.

Mais en parler constitue déjà une "conceptualisation" qu'il faut éviter justement.

Qu'y a-t-il de "révolutionnaire" dans la pratique du bouddhisme zen ?

D'abord éviter les bavardages inutiles, les dissertations et autres attaques envers autrui : il est question de se retrouver face à soi-même face à un mur qu'il ne faut pas spécialement regarder. Car la logique binaire d'Aristote (vrai/faux ; bon/mauvais) n'y a plus cours, pas plus que les logiques polyvalentes qui acceptent le doute, le hasard. Dans cette perspective, le principe d'identité (A=A) est banni. Mais A, qui n'est pas A, est A. L'être A évolue d'abord et ensuite c'est dire : Cette fleur qui n'est pas le concept "fleur" est une fleur.

Par le zazen, le pratiquant doit parvenir à retrouver son "originalité" propre, parvenir à contrôler sa respiration, à se libérer de son stress, à se retrouver en état d'"enfance".

Bien entendu, j'ai lu, j'espère avoir compris, mais ya-t-il quelque chose à comprendre ?

En tenant compte de ces données "brutes", je dis que ce bouquin m'a plu. Il faudrait voir à la pratique quels seraient les résultats...
Guide 8 étoiles

Ce livre nous présente une face vietnamienne du Zen. Il a été écrit par, Thich Nhat Hanh pour qui Martin Luther King avait demandé le Prix Nobel de la paix.
Il a été rédigé dans un style si simple et si direct que je crois que ce livre, d’une lecture très aisée, rend accessible les notions un degré au dessus de ce que vous aviez atteint jusque là.
On trouve dans cet ouvrage un mélange intime du pragmatisme le plus simple (emploi du temps du moine par exemple, ou souvenirs de ses débuts de moine, vers 16 ans) et de conceptions beaucoup plus complexes.
J’ai eu l’impression à l’usage, que l’on (le lecteur) progressait d’une étape à sa lecture ; car je l’ai lu deux fois et, à la seconde lecture, il m’a semblé, sans effort spécial, le comprendre plus avant que je ne l’avais fait la première. Je pense, par exemple, que les délicates notions de Tathata ou de Sunyata y sont particulièrement bien présentées et rendues accessibles.
On y trouve également une intéressante partie historique, mais cela est beaucoup plus courant dans ce type d’ouvrages.
C’est un livre que l’on peut conseiller à tous ceux qui s’intéressent au Zen puisque c’est par cette voie de la lecture, de l’échange et du conseil que je l’ai moi-même découvert et que je suis contente que cela se soit fait. Je ne pense pas que l’on puisse le lire sans bénéfice. D’autres me diront s’ils sont d’un avis différent.
Le Zen ne se saisit pas par l’esprit, mais ces lectures aident d’une autre façon.
Thich Nhat Hanh a développé plus avant, par la suite, certaines lignes de sa pensée et faute de bien les connaître, je ne peux dire si je partage toutes ses convictions et ce qu’elles sont devenues, mais, en ce qui concerne ce livre-là, pas de problème pour moi. Il m’a beaucoup apporté et je ne pense pas pouvoir faire plus bel éloge.

Sibylline - Normandie - 74 ans - 7 septembre 2005


Le satori, ici et maintenant. 9 étoiles

Pas vraiment une critique mais quelques réflexions notées durant la lecture de ce livre :

Lu Thich Nath Hanh, "Clés pour le zen" et "L’esprit d’amour". Une pensée limpide, une vision élevée mais simple. « L’être éveillé se reconnaît à certains signes. Le premier est sa liberté. L’être éveillé ne permet pas aux vicissitudes de la vie, la peur, la joie, l’anxiété ou le succès de le décentrer. Alors se manifeste en lui la force spirituelle qui se révèle sous la forme d’une tranquillité, d’un sourire ineffable, d’une profonde sérénité. »
Ce sourire, cette sérénité qui semblent rayonner sur le visage de Thich.
On retrouve chez lui, comme chez les autres maîtres du zen, cette idée que « le savoir constitue le plus grand obstacle à l’éveil. » Tentation pourtant de me baigner dans cette pensée, dans les mots qui manifestent cette vérité, pour en féconder mon cerveau, ma pensée, en même temps que volonté de dépasser les mots par l’action, de « comprendre sans parole ». Le Bouddha, peu avant de mourir, au moment de résumer toute l’essence de son enseignement et de désigner son successeur, s’est contenté de faire tourner une fleur entre ses doigts. Et l’un des disciples a souri.
Sérénité, acceptation, soumission à l’ordre des choses, patience : « La mer est ou bien calme ou bien houleuse. Si l’on désire une mer calme, on ne peut pas pour autant supprimer la mer houleuse. Il faut attendre que cette même mer devienne calme. » Quand nous sommes dépassés par le monde – ou par nos émotions, qui font partie du monde – à quoi sert de nous révolter ?
Retour sur le vide, condition de l’existence des choses. Le vide – l’impermanence – est ce qui permet l’existence des choses (ainsi, dans certaines traditions religieuses, c’est le retrait de Dieu qui permet au monde d’être).
L’erreur serait de remplacer les choses par leur concept, par leur nom.
Plonger dans le monde. Dans le monde où « je » suis plongé, de toute façon. Le plus souvent possible, dépasser les mots. Dépasser les oppositions classiques entre concepts opposés, non par la simple synthèse dialectique mais par la transcendance. Dépasser par… l’intuition, la sensation, la perception, le corps. Pas par l’intellect.
Thich Nath Hanh le réaffirme : "Le Zen n’est pas l’étude du Zen ; le Zen est la vie", "Il n’y a pas d’illumination hors de la vie quotidienne."
Sur le boulevard Saint-Germain, un enfant dans une poussette. Sourire du Bouddha. L’enfant est éveillé. Si l’adulte a besoin de trouver l’éveil, c’est qu’il s’est endormi. Qu’est-ce qui endort l’homme ? Qu’est-ce qui fait d’un enfant éveillé un adulte endormi ?
Lu quelque part dans le métro les pages de Thich intitulées : « L’homme du Zen et le monde actuel. » Simpliste et banal, peut-être. « Et si c’était vrai ? »
On croit relire "Le mythe de Sisyphe" :
« Habitués à être constamment "occupés", si ces occupations viennent à nous manquer, nous nous retrouvons, un matin, vides et délaissés. Alors nous refusons la confrontation avec nous-mêmes et nous allons chercher des amis, nous mêler à la foule, écouter la radio ou regarder la télévision, pour effacer cette impression de vide. »
Ou le « chat » sur Internet, ou les courriels, ou le surf. Pascal appelait ça le divertissement. Oublie-toi toi-même…
« Les émotions nous ébranlent plusieurs fois par jour ; elles nous dominent et nous possèdent ; elles influencent considérablement nos décisions. Si nous ne sommes plus nous-mêmes, comment pouvons-nous dire que c’est nous qui vivons et décidons de notre vie ? »
« L’homme d’aujourd’hui embrasse la raison, conclut Thich Nath Hanh. Il se confie à la rationalité. Il est déraciné de la base de son être propre. De là ce phénomène dont il souffre : l’homme perd peu à peu son humanité et devient de plus en plus mécanique. »
Déshumanisation, déracinement, mécanisation de l’homme… on croirait entendre les contestataires des années soixante. Mais s’ils se sont tus, s’ils sont rentrés dans le rang, si quarante ans ont passé sans améliorer le sort du Tiers Monde, sans réduire le taux de chômage, sans supprimer l’égoïsme, sans entraver la nouvelle montée de l’extrême droite, c’est que la pseudo raison a échoué. C’est qu’il est temps de chercher autre chose. Face à l’immensité de la tâche, il peut paraître ridicule et vain de s’asseoir devant un mur. Mais c’est un premier pas. Le Zen, c’est zazen. D’abord se réformer soi-même, « user ses illusions jusqu’à la corde », pour aborder libre et serein les défis de demain, d’aujourd’hui. Rayonner. Pour qu’une bougie émette de la lumière, elle a besoin de feu. Ce feu, pour certains, c’est la foi chrétienne. Pour moi qui en suis incapable, je crois que zazen peut être ce feu. Garder sa bougie éteinte, c’est se condamner à ne pas briller, à ne pas brûler. A traverser la vie figé dans la cire froide.

Lucien - - 69 ans - 17 mai 2005