Je ne suis pas d'accord avec la critique qui précède, qui voit chez Fumaroli une remise en cause de la légitimité de l'Etat à agir en matière de culture, et par là même y voit un coup porté à la puissance de la production culturelle.
Le livre de M. Fumaroli vaut plus que ça, d'abord parce que de très larges morceaux approchent d'une manière détaillée et avec une exigence de précision louable la notion même de culture. C'est elle qui est au centre du propos et qui est sujette à des revirements de sens, à une sorte d'embrigadement au gré des modes et des passions pédagogiques (je n'ose pas dire idéologiques à cause de la portée de ce mot) de partisans du renouveau et de "jeunesse" artistiques et culturels.
Les compromissions de la Culture (de son milieu, de ses intelligentsia) avec les manières des grands groupes commerciaux donnent souvent lieu à controverses et à caricatures. L'intérêt de ce livre est qu'il aborde le problème en dépassant par sa hauteur de vue la portée de telles entreprises courantes de dévalorisation des actions et programmes culturels.
Analyser une telle notion et les luttes auxquelles elle donne lieu dans la presse et dans le paysage politique, médiatique et intellectuel de la France amène M. Fumaroli à parcourir un bon siècle d'histoire littéraire et à envisager les évolutions de pratiques éducatives et pédagogiques exemplaires. On y trouve des analyses toujours pertinentes et profondes de notions cruciales, prises en leur sens intime et suivies de près dans leur évolution, qui échappent de ce fait à l'étiquetage systématique et à la critique facile.
Un livre très intéressant, ne serait-ce que pour le paysage et la réflexion qu'il déploie. Publié avant l'émergence massive de la "culture internet", il a néanmoins un intérêt actuel fort, car en allant aux sources du problème, c'est par ses fondements qu'il explique le destin d'une culture tributaire de notre époque.
Joachim - - 45 ans - 2 avril 2006 |