Villa Vortex
de Maurice G. Dantec

critiqué par Acid Jazz, le 26 mai 2005
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Quel est donc le sens de ce livre????
C'est la première fois que j'ai lu du Dantec. C'est cru, très cru, cela sort du commun... mais difficile quand même de cerner l'intention de l'auteur.
Un histoire policière qui commence bien: Préfecture de Créteil, un gars de la police raconte...
Il y a un meurtre: le cadavre est robotisé...
La police cherche le coupable... puis d'autres meurtres du même genre... ça devient palpitant. J'attendais la suite impatiemment. Comment vont-ils faire pour s'en sortir... En passant on fait une critique de l'administration française.
Et tout d'un coup on se retrouve dans un autre temps, futuriste, chaotique... on se demande qu'est-ce qu'on fait là... c'est plus le même personnage, on comprend rien. Je me demande encore quel est le rapport entre le début et la fin du roman...
Un gros pavé, c'est ce qui m'attire, mais celui là, il ne m'a pas trop plu... faudrait que je jette un coup d'oeil sur ses autres livres à M Dantec!
Roman SF herméneutique, halluciné, déraisonnablement ambitieux 6 étoiles

Villa Vortex de Maurice G.Dantec est un livre d’une ambition démesurée, qui ne peut que susciter l’incompréhension et le désarroi de la plupart de ses lecteurs. La critique principale traduit bien le sentiment certainement majoritaire parmi les lecteurs de ce roman qui se présente, vers la fin de l’ouvrage, comme une herméneutique et un méta-roman ontologique équipotent à la Genèse… En fait, Maurice G.Dantec a tenté, ni plus ni moins, une narration de la création du monde par le Verbe divin. La tentative ne pouvait être que vouée à l’échec mais il est, en littérature, des échecs qui valent bien davantage que des succès faciles : « L’imperfection est la cime » comme l’a écrit Yves Bonnefoy dans un de ses poèmes (en songeant sans doute à la philosophie des peintres chinois qui introduisaient dans leurs tableaux un défaut de représentation volontaire qui témoignait de la singularité de leur vision).
Hélas, pour arriver à cette dimension du livre, il faut d’abord parvenir à le lire intégralement. Or la construction du livre, en deux parties distinctes (un roman policier puis un roman de SF (lire Spéculative Fiction plus que Science Fiction) et plusieurs mondes, est maladroite et génère, nécessairement, la frustration des lecteurs qui s’étaient immergés dans la mégalopole parisienne magistralement décrite par G.Dantec et espéraient un autre dénouement à l’enquête menée par l’inspecteur Kernal sur les traces du tueur des centrales… En effet, tout commence par un meurtre atroce commis sur la personne d’une jeune fille dont le corps, qui a subi des mutilations et des modifications destinées à le ressusciter (introduction d’appareils électroniques et d’interfaces homme-machine), a été retrouvé à proximité d’une ancienne usine vouée à la destruction. Outre la tension et la progression de l’enquête habilement mis en scène (on sent que l’auteur a été conseillé par un policier…), cette partie du roman est surtout impressionnante par la dégradation du personnage de Kernal (qui perd toutes ses illusions sur la société, devient accroc à la drogue et complote avec l’extrême-droite en redresseur de torts dans une société corrompue), par l’ambiance crépusculaire du Paris de la fin des années 90 et par l’impression de menace latente et croissante qui ronge la capitale et l’Occident comme un lent pourrissement dont la guerre de Yougoslavie n’est qu’un signe précurseur. Les considérations sociologiques et philosophiques de G Dantec, notamment sur la réification des rapports humains et sur la déliquescence des valeurs traditionnelles, sont pertinentes et ont souvent un souffle visionnaire, même si ses conclusions sur la dislocation de la société occidentale, la criminalisation généralisée de la société à venir et l’abrutissement des masses sont parfois outrancièrement pessimistes voire outrancières…

Après la mort de Kernal, le roman bascule soudain et devient tout simplement irracontable après la révélation de la centrale Bibliôgon. En fait, lors de son enquête, Kernal avait rencontré Paul Nitzos, un artiste qui était en quelque sorte son double psychologique et qui lui avait fait parvenir de Yougoslavie, en guise de testament après son décès, un projet de roman intitulé Le livre des morts. Or ce livre est un méta-livre, qui s’inscrit dans le cadre d’une narration destinée à engendrer Franz Narkos, un cyborg qui rassemble dans une trinité Kernal et Nitzos. Narkos se voit confier par la centrale Bibliogon la mission de détruire la Direction de Littérature Centrale qui a pris possession du monde et a dévoyé la création du Verbe en engendrant un Anti-Monde (monde surpeuplé et en guerre permanente où l’Europe est devenue une Babel assiégée, où la culture de masse apprend quoi penser et quoi aimer) dont la Grande Bibliothèque de l’Anti-Polis parisienne (surnommée la Grande Nécrothèque) est le nexus. Après passage par l’Afghanistan (les attentats du 11/09/2011 constituant un point fixe dans la chronologie des mondes) et une série d’univers parallèles qui sont autant de projections hallucinées du monde contemporain, Narkos parvient avec l’aide des troupes de Massoud et Rommel ressuscités, du prophète Ezechiel, de Marina Markovic (qui est un intermédiaire de la centrale Bibliôgon) à détruire la Grande Nécrothèque et a libérer la lumière enclose dans la nuit pour un nouveau « Fiat Lux » qui recommence le monde, grâce à la complicité du lecteur…

Ce livre est difficile à lire/vivre mais il constitue une expérience, par moments grandiose et par moments fastidieuse pour le lecteur qui accepte de jouer le jeu de l’auteur. G Dantec donne parfois le sentiment d’écrire dans une sorte l’urgence frénétique, avec des ruptures brutales de niveau syntaxique et des phrases parfois bancales qui auraient mérité davantage de relecture. Surtout, il abuse des citations. G.Dantec a sans aucun doute beaucoup lu et possède une vaste culture mais il ne sait pas l’utiliser autrement qu’en assénant, par insertion dans le texte, des pavés qui s’entassent les uns sur les autres pour former un mur d’érudition sur lequel le lecteur vient s’écraser. Ce peut être assez décourageant… La seconde partie, notamment, contient un nombre incroyablement élevé d’extraits d’œuvres, pas toujours utilisés à bon escient car ils suscitent parfois la stupéfaction (par exemple, le Diable, qui expose à Kernal le procédé de la narration et le fonctionnement du méta-code, se justifie en citant Maurice Blanchot !!!), et de références à la culture rock, à la poésie, à la philosophie, à la sociologie et à la mystique (Bible, gnose des premiers chrétiens, kabbale juive, etc.) difficiles à suivre, en raison de tournures jargonneuses parfois délirantes et d’interprétations excessives... Par exemple, G.Dantec cite fréquemment l’Eve future de Villiers de l’Isle-Adam (que j’ai lu il y a une dizaine d’années) mais il interprète faussement la soi-disant volonté démiurgique d’Edison qui n’est pas, dans le roman de Villiers, une sorte de Frankenstein désireux de créer la vie à partir d’éléments mécaniques. Il manque aussi des références auxquelles le lecteur aurait légitimement pu s’attendre (par exemple L’art d’écrire de Léo Strauss, qui traite de l’herméneutique et des secrets cachés dans les textes sacrés du judaïsme). En outre, toute l’interprétation mystique de la Création et du méta-code (présent dans la narration et le code génétique humain), qui repose beaucoup sur l’œuvre d’Abellio, prête flanc à la critique formulée par Umberto Eco dans Le pendule de Foucault à l’encontre des « illuminés » et de leurs ésotérisme de pacotille fondé sur des délires interprétatifs, décelant des signes et des interprétations cachées dans tout texte et toute suite de nombres. Il est difficile de connaître, à la lecture de Villa Vortex, le niveau de sincérité et d’implication de G.Dantec dans son œuvre mais il y manque clairement de recul par rapport à ses assertions, et ses personnages donnent le sentiment de manquer totalement de sens critique, d’être des marionnettes dépourvues de personnalité manipulées par la mystérieuse centrale Bibliôgon. Ce qui brouille la différence, que G.Dantec considère a priori comme évidente, entre la centrale Bibliôgon et la Direction de Littérature Centrale …

Enfin, les influences et les réminiscences de G Dantec (outre celles qui sont citées dans le texte et dans les remerciements) sont parfois trop évidentes : on ne peut ainsi s’empêcher de songer à Philip K Dick et à ses réalités truquées, plus subtilement imbriquées d’ailleurs dans l’œuvre de K Dick qui me parait meilleur écrivain que G.Dantec et avait, il faut le souligner, la même obsession gnostique.
Il y a aussi d’autres influences plus subtiles, peut-être inconscientes. Je pense notamment à Lovecraft : même haine apparente du capitalisme marchand et de la société contemporaine transfigurée dans des descriptions hallucinées d’architecture cyclopéenne où l’homme est banni ou grouille en foule immonde ; même écriture parfaitement maîtrisée qui devient soudain délirante et incantatoire ; même obsession du savoir enfoui et des vérités cachées dans les livres et les bibliothèques (très nombreuses dans Villa Vortex : celle de Wolfman, celle que constitue Kernal, celle du Juif de Sarajevo, celle du Bibliôgon) ; même obsession d’un sentiment de décadence civilisationnelle et de corruption généralisée ; même profond mépris des masses et de leurs signes culturels, évident dans les noms d’écrivains et les insultes proférées, avec haine mais non sans un humour féroce, par G.Dantec à leur encontre. Il est d’ailleurs étonnant de constater le soin que Maurice G.Dantec prend à dézinguer des auteurs (Marc Lévy, Anna Gavalda, etc.) qui ne marqueront sans doute pas l’histoire littéraire… C’est aussi l’une des faiblesses du livre, qui peine à véritablement se projeter dans l’avenir car, à part la 2ème GM et le vol spatial de Youri Gagarine, la plupart des références culturelles et évènementielles (guerres de Yougoslavie, guerre civile algérienne, attentats du World Trade Center, etc) s’inscrivent dans la période 1990/2000, comme si nous vivions une époque charnière qui prédétermine intégralement le monde à venir. Ou comme si Maurice G.Dantec, rongé par le dégoût et le mépris, cherchait à régler ses comptes avec le monde et la société française actuels…

Eric Eliès - - 50 ans - 1 janvier 2012


Délirant 2 étoiles

La première moitié du roman est intéressante. Une enquête policière captivante sur des meurtres en série.

Puis vient une deuxième moitié dans laquelle Dantec nous livre un délire psycho-politico-mystique. Je n'ai pas pu finir de lire ce déballage confus, même en me forçant.

Je suis d'autant plus déçu que j'avais aimé les trois premiers ouvrage de l'auteur.

Jmbissieres - - 59 ans - 7 avril 2010