L'odeur
de Radhika Jha

critiqué par Sahkti, le 27 mai 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Je sens, donc je vis
"Quand le vent soufflait en rafales comme il le fit souvent ce printemps-là, l'odeur de baguette sortie du four le disputait dans l'Epicerie de Madras aux senteurs piquantes des condiments et des mélanges d'épices"

Lila, la narratrice, est d'origine indienne et a longtemps vécu au Kenya, jusqu'à ce que son père soit tué. Sa mère se réfugie en Angleterre avec ses deux frères, mais Lila est confiée à un oncle qui vit à Paris. Un type pas très reluisant, du genre glauque et dégoûtant. Lila est confinée dans l'appartement, retenue prisonnière pour son bien. Elle déambule dans l'épicerie aux épices de son oncle, développant son sens olfactif, avant de découvrir un magasin exotique dont le choix et les senteurs des épices ne cesseront de la ravir et l'envoûter. Lila ne vit que par les odeurs et elle apprend à l'homme dont elle tombe amoureuse à partager cette passion. Car Lila sent et devine tout. pas simplement l'odeur des épices, mais aussi celle des gens et de la vie autour d'elle.

Ce livre dégage une grande sensualité. Notamment dans la scène où Lila initie son jeune amant aux plaisirs des senteurs, c'est presque aphrodisiaque et divinement bien écrit. mais cela va bien au-delà. Lila parcourt Paris dans tous les sens et en capture les odeurs. Pas de récit à la Süsskind ici, c'est différent, le propos est poétique et enivrant. Les odeurs sont belles, Lila les emprisonne dans son âme pour continuer à vivre et profiter de la liberté.
J'ai beaucoup aimé les descriptions de l'auteur qui arrive à rendre toutes ces senteurs réelles et vivantes, c'est étonnant. Et puis il y a, parallèlement, cette histoire de jeune fille prisonnière de sa famille, celle de ses déracinés qui doivent fuir un pays pour une terre d'accueil qui ne l'est pas forcément. Tout cela mélangé donne un roman agréable et bien écrit, permettant de se couper complètement de la réalité pour se laisser guider, avec envie, vers des plaisirs méconnus.
PAS GRAND CHOSE À EN RETENIR 2 étoiles

Présenté très abusivement comme une sorte de "suite" au livre de P. Susskind "Le Parfum", ce livre en est loin, mais alors très très loin...

Autant le dire tout de suite, je n'ai pas accroché du tout!

En effet si l'auteur fait quelques fois référence à l'extraordinaire odorat de l'héroine du roman, notamment quand elle fait la cuisine, elle passe le reste du temps à nous racconter des banalités... promenades, amants nombreux et variés, description très plates de la ville, histoires de famille sans grand intérêt...

Le roman aurait beaucoup plus gagné en clarté si on nous avait décrit une seule histoire...

Où bien celle de la jeune fille qui arrive d'afrique, qui est abandonnée par sa famille, dans un pays dont elle ne parle pas la langue, où elle n'a pas de papiers, dont elle ne connaît pas les coutumes, et qui essaie de s'en sortir...

Où bien celle de la jeune fille qui à un odorat hors du commun et qui utilise ce don pour s'en sortir dans la vie...

Avoir melangé les deux, donne un roman confus, d'une grande platitude, qui manque de rythme, d'histoire de rebondissement, une histoire qui se traine sur plus de 400 pages, à peine réhausée par quelques banales histoires d'amour à l'eau de rose, dont on sait dire la fin quand on en lit le commencement, et où on n'y croit pas une minute...

Non vraiment pas grand chose à retirer de ce roman, qui pourtant avait fait l'objet d'excellentes critiques dans la presse écrite...

Septularisen - - - ans - 24 novembre 2005


Une femme à la recherche de son essence 8 étoiles

Oui, c'est un livre d'une grande sensualité que celui-là. Une plongée dans le monde enchanté des épices, de leurs parfums, de leurs saveurs... Au cours de ma lecture, j'ai souvent éprouvé l'envie de humer les senteurs des préparations de Lila, de les goûter...

Mais il est vrai que ce livre va beaucoup plus loin. Et j'ai été très sensible à ce portrait d'une toute jeune femme qui se cherche, échappant à une "protection" étouffante pour se frotter à un monde fort peu hospitalier. Une jeune femme trop confiante et qui souvent se blesse. Mais peut-on se découvrir sans se blesser au passage? Je trouve finalement cette vision - l'itinéraire sinueux et les chutes de Lila - bien plus "vraie" que les voies toutes tracées et balisées dont d'autres romanciers font leur pain béni...

Et il est vrai aussi que les odeurs sont belles. Souvent. Mais pas toujours. Surtout l'odeur des gens qui sous la plume de Rhadika Jha devient la métaphore de leurs sentiments et de leur rapport au monde. Les dernières pages du roman sont à cet égard significatives, imprégnées de l'odeur âcre de la sueur et de celle, plus violente encore, de la peur. Une plongée au fond d'un gouffre dont Lila émergera peut-être en une nouvelle naissance. Un livre très sensuel, mais où la sensualité se met au service d'une connaissance plus profonde. Un livre qui illustre pour moi les mots - très beaux - de Jean Giono: "Par tout notre corps, nous avons faim d'un monde véritable".

Fee carabine - - 50 ans - 29 mai 2005