Une île sous le vent
de Barbara Kingsolver

critiqué par Cuné, le 29 mai 2005
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Une certaine lumière
Recueil de 12 nouvelles, une île sous le vent nous ensorcelle à chaque début d'histoire, nous emmène loin dans son imaginaire et nous laisse à chaque fois un peu plus meurtri que ce soit déjà fini.
Barbara Kingsolver a un don indéniable pour nous toucher avec ses personnages, ici tous féminins, qui s'exposent à travers le thème universel de la maternité, des liens filles-mères.
Le tout ne manque pas d'humour, de cet humour mordant et acide qui caractérise les grandes personnalités....
Telle fille se retrouve enceinte en même temps que sa mère, avec qui elle est fâchée, par cause d'incompréhension profonde...
Telle autre fera l'expérience du vaudou sans vraiment la comprendre...
Telle voleuse éprouvera tant de respect pour une vieille voisine âgée qu'elle y trouvera une forme de rédemption...
...
Voici un de ces recueils qui donne toujours envie de découvrir la nouvelle suivante, qui effleure la mentalité américaine aujourd'hui, celle de nos contemporains un peu paumés, loin de l'esprit capitaliste...
Portraits de femmes 8 étoiles

Après Brady Udall qui lâchait ses chiens, voici un autre recueil de nouvelles venues des US : Une île sous le vent de Barbara Kingsolver.
L'écriture est plus posée, plus lente que chez B. Udall.
Les nouvelles sont un peu plus longues aussi.
Mais la règle est un peu la même : on plonge, le temps de quelques pages, dans l'instant d'une vie, entre un passé qui se découvre sous les mots et un futur qui se devine au fil des pages.
Mais si Udall le mormon photographiait des hommes (la plupart sans femmes), Barbara Kingsolver, à l'opposé, tire le portrait de femmes, de beaux portraits de femmes.

[...] Elle aimerait aller au cinéma voir de vrais films mais Ed ne veut pas. « Attends quelques années, on les passera à la télé », dit-il systématiquement. Le noir et blanc et les coupes des scènes brûlantes ne semblent pas le gêner. Ils pourraient aujourd'hui s'offrir un nouveau poste, mais Ed prétend pouvoir deviner les couleurs absentes de l'écran. Il le «prouve» parfois en s'écriant « Tu vois, la chemise de ce type est verte. » Ou : « La fille est rousse. » Il lui arrive parfois de se tromper. Il a cru pendant des années le Peter Graves de Mission Impossible blond, jusqu'au soir où, regardant la télé chez Millie et Darel, il le découvrit aussi blanc qu'un vieux monsieur. « Ton poste est mal réglé », s'obstinait-il à dire à Darrel, refusant d'admettre l'évidence.

Des portraits de filles, de mère, de femmes dont le couple se défait, ...

[...] Je conduis toujours la Pontiac que j'ai achetée il y a dix ans, mais six petits amis et un mari se sont succédés dans ma vie. Ce même mari, Buddy, que j'ai épousé et dont j'ai divorcé deux fois.
- Au moins tu peux compter sur ta voiture.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 7 novembre 2007


12 nouvelles au féminin 8 étoiles

Barbara Kingsolver est américaine et ses nouvelles vous ont un petit goût doux-amer qui pourrait vous en faire douter. Plutôt une américaine profonde (Kentucky), tendance Jim Harrison, qu’urbaine.
Vraiment de très belles nouvelles, que je qualifierais « d’ouvertes », en cela qu’il n’y a pas de fins imposées, de conclusions définitives. Le lecteur est invité à poursuivre au-delà de l’oeuvre écrite (faut bien qu’il bosse un peu ce passif !), et si certains thèmes abordés sont lourds, elle les abordent le coeur léger, la plume aussi. Elle a peut-être raison, seule la mort est définitive ?
Au féminin, les douze nouvelles concernent des femmes, des filles mais ça déborde largement le cadre qui pourrait paraître sexiste !
Dans la quatrième de couverture, on évoque les thèmes de prédilection de Barbara Kingsolver : défense de la nature, souci des enfants, sagesse des indiens, fragilité et force des femmes. C’est vrai, c’est tout ça. Et traité sur un mode à la fois fataliste et optimiste. Ce ne sont pourtant pas des success-stories qu’elle nous narre !
Tiens, pour vous donner une petite idée de la qualité de son écriture (oui, elle a ça aussi !) :
« Nous vivions à Morning Glory, une ville minière arrachée à coups de serpe à une forêt qui menaçait constamment de la reprendre. Des noyers blancs empiétaient sur la ville, surgissant, sans y avoir été invités, au milieu des enclos à chiens, des cours privées et du cimetière. Les belles-de-jour, d’où la ville tenait son nom, escaladaient les treillis pour venir s’accrocher aux angles des maisons avec l’obstination des personnes déplacées. J’avais entendu dire que, à Morning Glory, si un homme restait debout un certain temps sans bouger, il finirait ligoté par les plantes grimpantes et ne serait retrouvé qu’aux premières gelées. Même la terre sous nos pieds bougeait parfois pour reprendre possession de ce qu’elle avait perdu : les longues et profondes saignées que les hommes creusaient pour voler le charbon se refermaient d’elles-mêmes, aussi discrètement que le chair sur une blessure.
A découvrir si vous ne connaissez pas la dame.

Tistou - - 68 ans - 14 janvier 2007