Le Pur et l'impur
de Colette

critiqué par Cassotis, le 17 juin 2005
( - 39 ans)


La note:  étoiles
passage d'une vie...
Ce livre réunit biographie et parfum d'un Paris de 1930 à la recherche du plaisir des sens.

Colette y raconte les interrogations de certaines personnes qu'elle rencontre dans les salons, autour d'un verre d'absinthe, dans un éclairage feutré.

L'amour est au centre des tourments et passion s'entremêle avec plaisir, liberté, sexualité..

Quel que soit notre sexe, notre "préférence", l'amour instaure des doutes; toutes ses vérités dans un vieux Paris enfumé.....
attention déviation 6 étoiles

La vie de Colette a été riche de nombreuses expériences, nombreux métiers, premier mari volage et accapareur, relations amoureuses n'hésitant pas à braver les interdits de l'époque. C'est ce dernier volet qui constitue le sujet de ce roman de mémoire, qui fourmille d'anecdotes "croustillantes" sur des personnages ayant, comme elle, osé affronter la vindicte populaire. Avec sa coutumière sagacité, elle brosse le portrait d'hommes et de femmes de sa connaissance que l'on qualifierait aujourd'hui d'homosexuels ou transgenres. Mais ne cherchez dans cet effeuillage aucune confession personnelle, aucune relation de ses propres aventures. L'auteure prend le parti de retourner la morale dominante, qui taxe d'impure toute personne ne sacrifiant pas aux vertus du mariage, en montrant comment des êtres montrés du doigt par le vulgum pecus peuvent faire preuve de vertu dans leur vie "déviante". Plus essai que roman, ce récit au fil du souvenir finit par lasser et semble avoir passablement mal vieilli par rapport au reste de sa production littéraire. Heureusement, il y a la langue, superbe, toute d'élégance et de subtil choix des mots…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 7 avril 2019


Ces plaisirs... 8 étoiles

Le roman s’ouvre sur sa plus belle scène. Colette nous fait pénétrer avec elle dans une fumerie d’opium du Paris du début du siècle dernier. Avec élégance et un vocabulaire choisi, un rien précieux, elle nous décrit l’ambiance du lieu, avec ces volutes de fumée qui se lient aux poutres en bois nacré de Chine, avec cette clientèle engourdie et ces corps qui se délassent ensemble, parfois si fatigués qu’ils finissent simplement par s’endormir blottis l’un dans les courbes de l’autre. A cette occasion, Colette rencontre une femme, Charlotte, dont le corps émet quant à lui quelque feints gémissements en réponse à l’ardeur d’un amant jaloux. C’est la figure voilée de cette femme « fine, désabusée, savante en tromperie, en délicatesse » que Colette érigera comme le symbole « de ce livre qui tristement parlera du plaisir ».

L’oxymore de ces tristes plaisirs est au cœur du roman. En effet, à la suite de Charlotte défileront une série de personnages, amis de Colette, appartenant souvent au monde littéraire ou artistique, qui auront tous en commun d’aimer beaucoup et de dégager surtout une impression de tristesse immense. « Ces plaisirs… » (c’est le titre original de l’œuvre, modifié plus tard à la demande de l’auteur) dont il est ici question, hormis ce court épilogue consacré aux paradis artificiels, seront avant tout charnels et, pour la plupart, homosexuels. Il sera toutefois dans un premier temps question de Don Juan qui partageront tous cette caractéristique d’être, chacun à sa manière, un peu pathétiques, voire même, dans un cas, inquiétant. Bien vite, cependant, la page de la séduction hétérosexuelle se tourne et Colette se concentre sur l’étude des rites amoureux vus de Sodome ou de Lesbos, de certains de ses proches, avec lesquels elle a parfois elle-même entretenu des relations, qu’ils soient d’un sexe ou de l’autre. Colette n’analyse rien, théorise encore moins, elle se contente de décrire, toujours avec respect, élégance et même amour, ce dont elle fut témoin, parfois actrice, d’autres fois, ce qu’elle aura recueilli au cours d’un entretien privé.

Ce qui frappe surtout dans cette œuvre, c’est la tristesse qui se dégage de ces contes de plaisirs et l’incapacité de ceux-ci à combler ceux et celles qui en jouissent. Chacun des protagonistes se retrouve au final seul face à ses obsessions : une volonté de puissance et de domination chez l’un, un désir d’être autre que ce que l’on est chez l’autre qui se travestit jusqu’au ridicule, la descente aux enfers chez une troisième que l’alcool accompagne jusqu’au suicide… Tous ces maux, Colette les évoque de la plus belle des façons, tour à tour avec pudeur et malice, avec un certaine distance et des mots qu’on entend prononcés avec ce petit accent des gens qui se savent spirituels. Ce ton qui maintient l’auteur comme au-dessus de son sujet, Colette l’abandonne in extremis pour se livrer avec une honnêteté bouleversante à une analyse de la jalousie, ce mal qui a terni ses plaisirs à elle, et dont elle n’a jamais su se défaire.

Au final, Le Pur et l’Impur est un livre sans trame, mais avec un sujet. C’est une œuvre parfaitement vaine, mais qui suscite la réflexion. C’est une œuvre parfois drôle, souvent triste, mais que Colette a su rendre toujours juste. A tout point de vue, c’est un texte précieux.

Stavroguine - Paris - 40 ans - 13 avril 2011


"Mon meilleur livre" 10 étoiles

"On s'apercevra peut-être un jour que c'est là mon meilleur livre" (Colette) Cette manière de reportage se situe effectivement dans le Paris des années 20, plus précisément celui des "artistes" , extravagants, amusants, un peu opiacés sur les bords - et, partant, du Paris homosexuel. C'est là le sujet essentiel du livre, et jamais sans doute on n'en aura parlé avec autant d'intelligence, de naturel, de tendresse et d'humour. Colette a su comprendre et dédramatiser. Elle était bien plus qu'on ne le dit.
J'ai lu "Le Pur et L'Impur" (dont le 1er titre fut "Ces plaisirs..." il y longtemps, mais le talent marque quel que soit le sujet. C'est la pauvre petite étoile qu'on lui concède ici qui m'a fait bondir - sur mon clavier. Puisqu'on n'a droit qu'à 5, donnons 5, ne soyons pas chiches!

Julie D - Paris - 63 ans - 18 juin 2005